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Groupements autonomes de moyens

Un séisme majeur dans les secteurs bancaire, financier et de l’assurance

21/09/2017

La Cour de justice a rendu le 21 septembre 2017 trois arrêts particulièrement attendus concernant les modalités d’application du régime d’exonération des services rendus par un groupement de moyens à ses membres prévu par les dispositions de l’article 132 1 f de la Directive TVA et transposées en France à l’article 261 B du CGI (ci-après « GAP »).

Compte tenu des précisions déjà délivrées par la CJUE dans son arrêt Commission contre Luxembourg (Aff. C-274/15), la solution retenue par la Cour restreint considérablement la portée de ce mécanisme en jugeant en particulier que seules les activités d’intérêt général sont susceptibles d’en bénéficier à l’exclusion de toute autre activité exonérée.

La Cour précise ainsi explicitement que l’exonération des groupements de moyens ne s’applique pas aux opérations effectuées dans le domaine des assurances et de la réassurance ni à celles réalisées dans le domaine des services financiers.

Cette analyse restrictive, suggérée dans ses conclusions sous l’affaire Aviva par Madame Juliane Kokott, repose sur la seule lecture stricte de l’ordonnancement des dispositions de la Directive, l’exonération des groupements de moyens figurant dans un chapitre consacré aux exonérations d’intérêt général.

Elle avait été contredite, en définitive en vain, par celles plus systémiques et historiques rendues par l’avocat général Melchior Wathelet qui emportaient selon nous largement la conviction.

L’analyse de la Cour prendra la grande majorité des Etats membres à contre-pied des convictions acquises à la suite de la négociation avortée du projet de directive sur les services bancaires, financiers et de l’assurance, durant laquelle l’inclusion par la Directive TVA des services en cause dans le champ du mécanisme de groupement autonome exonéré avait été constatée par les Etats membres.

Cette interprétation bouleverse la situation des entreprises des secteurs bancaire, financier et de l’assurance qui, dans tous les Etats membres de l’Union européenne mais en particulier ceux comme la France qui n’offrent pas à leurs assujettis le régime du groupe TVA, recourent largement à ce dispositif d’exonération des services rendus par un groupement à ses membres. Ce mécanisme permet en effet d’éviter d’importantes rémanences de TVA dont on rappelle, in fine, qu’elles ne peuvent que surenchérir les services rendus aux consommateurs finaux.

Compte tenu de son interprétation, dans des affaires qui concernaient (à l’exception de la question qui lui était soumise dans l'affaire Commission contre Allemagne) des entreprises des secteurs économiques jugés exclus du mécanisme, la Cour s’abstient de répondre aux questions qui lui étaient soumises et qui portaient en particulier sur le champ d’application territorial du GAP.

Dans la situation créée par cette jurisprudence, deux solutions nous paraissent devoir être envisagées.

La première, radicale mais la situation nous paraît permettre de l’évoquer, consisterait à ce que les Etats membres, dans une décision qui nécessiterait l’unanimité, modifient la Directive.

La deuxième consisterait pour la France à offrir enfin la possibilité d’appliquer le régime du groupe TVA qui, en effaçant les flux entre entités membres du champ de la TVA, pourrait limiter les dégâts causés par la position de la CJUE.

Il nous paraît urgent que les autorités fiscales adressent un message fort en engageant au plus vite une réflexion concertée pour la mise en place de ce régime, quelles que soient par ailleurs les initiatives qui pourraient être prises au niveau communautaire.

Arrêts du 21 septembre 2017, Aff. C-616/15, Commission contre Allemagne, C-605/15, Aviva et C-326/15, DNB Banka