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LA RÉFORME DE LA DIRECTIVE PROSPECTUS

Analyse de la proposition de règlement européen remplaçant la directive Prospectus

17/12/2015

La Commission européenne a publié le 30 novembre 2015 une proposition de règlement européen destiné à remplacer la directive Prospectus 2003/71/CE. Cette réforme s'inscrit dans le cadre du projet de la Commission européenne de créer un véritable marché unique des capitaux, avec l'ambition de lever les freins qui restreignent les investissements dans l'Union européenne et faciliter les levées de fonds sur les marchés financiers.

Le premier point à mettre en exergue dans cette proposition de règlement est son format : la directive disparaîtra au profit d'un règlement européen. En pratique, cela signifie que le texte s'appliquera directement dans tous les Etats membres dès son adoption par le Parlement européen et le Conseil, sans nécessiter de transposition nationale.

Nous vous proposons un aperçu des changements envisagés par la proposition de règlement.

1. Les seuils de dispense de prospectus

En cas d'offre au public, la proposition de règlement fait évoluer deux seuils en dessous desquels l'offreur est dispensé d'établir un prospectus :

  • lorsque le montant total de l'offre réalisée dans l'Union européenne est inférieur à 500 000 € (le seuil était auparavant fixé à 100 000 €) ; et
  • lorsque le montant total de l'offre réalisée sur le marché domestique d'un Etat membre sur une période de 12 mois est inférieur à un seuil, compris entre 500 000 € et 10 000 000 €, fixé par cet Etat membre (compte tenu des disparités en termes de taille des marchés nationaux, la Commission européenne a souhaité permettre à chaque Etat membre de choisir le seuil applicable pour son marché domestique). Auparavant, le seuil était fixé à 5 000 000 € et n'était pas propre à chaque marché domestique, mais couvrait l'ensemble de l'Union européenne.

La proposition de règlement prévoit, par ailleurs, de supprimer la dispense de prospectus dont bénéficient les offres de titres de créance dont la valeur nominale est d'au moins 100 000 €, la Commission européenne y voyant une cause du manque de liquidité du marché secondaire de la dette en Europe. Cette suppression, comme celle de la distinction entre les offres wholesale et retail (voir 3. ci-dessous), devrait entraîner une modification significative des pratiques : la valeur nominale de 100 000 € s'était imposée comme la norme pour les placements de titres de créance auprès d'investisseurs institutionnels.

Les autres cas de dispense de prospectus, notamment les offres adressées à des investisseurs qui acquièrent des titres pour un montant total d'au moins 100 000 € ou les offres adressées à des investisseurs qualifiés ou à moins de 150 personnes demeurent, mais le bénéfice de ces cas de dispense peut être plus difficile à démontrer qu'une simple constatation de la valeur nominale.

En cas d'admission de valeurs mobilières sur un marché réglementé, seront dispensés de prospectus les titres fongibles représentant, sur une période de 12 mois, moins de 20 % du nombre de titres de même catégorie déjà admis à la négociation sur le même marché réglementé. La directive Prospectus réservait auparavant cette exemption aux actions émises avec un droit préférentiel de souscription et fixait le seuil à 10 %. Le fait que l'exemption soit élargie aux autres titres (et notamment aux titres de créance) et le relèvement du seuil à 20 % devraient permettre des levées de capitaux plus adaptées aux conditions d'appétence du marché.

A noter que la proposition, un temps envisagée, de soumettre les admissions de titres aux négociations sur un système multilatéral de négociation aux mêmes contraintes de prospectus que pour une admission sur un marché réglementé, semble avoir été abandonnée.

2. Des schémas simplifiés de prospectus

Les émetteurs disposant d'un document d'enregistrement universel, les PME et certaines émissions secondaires, devraient bénéficier d'un schéma simplifié de prospectus.

  • Les émetteurs disposant d'un document d'enregistrement universel

Les émetteurs dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation pourront établir tous les ans un "document d'enregistrement universel", qui n'est autre que la consécration du document de référence à la française : devant être approuvé dans un premier temps par l'autorité compétente, le document d'enregistrement universel est simplement déposé auprès de l'autorité compétente, sans nécessiter d'approbation préalable, dès lors que l'émetteur a obtenu l'approbation de son document d'enregistrement universel pendant trois années consécutives. Un émetteur disposant d'un document d'enregistrement universel pourra, en cas d'opération, bénéficier d'un délai d'approbation de la note d'opération et du résumé réduit de 10 à 5 jours ouvrés.

  • Les PME

La définition actuelle des PME serait élargie pour inclure, en plus des sociétés qui remplissent deux des trois caractéristiques définies actuellement dans la directive Prospectus (nombre moyen de salariés inférieur à 250 personnes, total de bilan inférieur à 43 000 000 € et chiffre d'affaires inférieur à 50 000 000 €), les sociétés dont la capitalisation est inférieure à 200 000 000 € (contre 100 000 000 € aujourd'hui). Pour leurs offres au public, celles de ces PME qui ne disposent pas de valeurs mobilières admises à la négociation sur un marché réglementé pourront :

  • établir un prospectus sur la base de formats allégés de document d'enregistrement et de note d'opération et adapter l'information à inclure dans le prospectus à la taille et aux caractéristiques de la PME ; ou
  • pour les actions et les titres de créance simples, rédiger un prospectus sous forme de réponses à un questionnaire avec des formulations standardisées.

Ces mesures devront être précisées dans un ou plusieurs actes délégués, et ne dispensent pas de l'obligation d'inclure dans le prospectus les informations nécessaires pour permettre aux investisseurs d'évaluer en connaissance de cause le patrimoine, la situation financière, les résultats et les perspectives de l'émetteur ainsi que les droits attachés aux valeurs mobilières.

  • Les émissions secondaires

Un schéma allégé, dont le contenu devra être précisé par un acte délégué, s'appliquerait aux émissions secondaires en cas d'offre au public et/ou d'admission sur un marché réglementé des émetteurs :

  • dont les valeurs mobilières sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation depuis au moins dix-huit mois et qui émettent à nouveau des valeurs mobilières de même catégorie ;
  • dont les actions sont cotées sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation depuis au moins dix-huit mois et qui émettent des titres de dette ; et
  • qui font des offres au public portant sur une catégorie de titres admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation depuis au moins 18 mois.

3. Les incidences sur le contenu du prospectus

  • Suppression de la distinction entre les schémas de prospectus wholesale et retail

Afin de rendre le marché de la dette plus liquide, le règlement européen envisage de supprimer les schémas différenciés wholesale et retail (selon que la valeur nominale unitaire était supérieure ou inférieure à 100 000 €) au profit d'un schéma unique. Le nouveau schéma serait basé sur celui existant pour les offres wholesale, qui serait complété des "dispositions nécessaires à la protection des investisseurs retail". Il n'est pas certain que les émetteurs investment grade, qui se financent auprès d'investisseurs institutionnels, voient cette évolution comme un assouplissement. Il sera à ce titre intéressant d'analyser l'acte délégué qui précisera le contenu de ce nouveau schéma.

  • Un résumé simplifié

Sujet à de nombreuses critiques, le résumé a été repensé à l'image du KID (Key Investor Document) requis au titre du règlement PRIIPS, qu'il pourra d'ailleurs reproduire. Il ne devra pas dépasser 6 pages au format A4, devra utiliser une police de taille raisonnable et employer un langage non technique et compréhensible.

Avec un contenu intégralement standardisé, qui sera précisé dans un acte délégué, le résumé se composera de quatre parties :

  • une introduction intégrant des avertissements ;
  • l'information clé concernant l'émetteur ou l'offreur ;
  • l'information sur les titres ; et
  • l'information sur l'offre et/ou l'admission des titres.

Dans les prospectus de base des programmes EMTN, le résumé du programme disparaîtra au profit du seul résumé spécifique aux conditions définitives, ce qui devrait permettre d'alléger un peu les prospectus de base. En revanche, et sauf à espérer des assouplissements dans les actes délégués ultérieurs, la Commission européenne ne semble pas être revenue sur la répartition en catégories, dites A, B et C, des informations devant figurer dans le prospectus de base ou pouvant être complétée dans les conditions définitives. Cette modification, introduite lors de la précédente réforme de la directive Prospectus, avait significativement alourdi le contenu des prospectus de base, particulièrement pour les programmes EMTN permettant l'émission de produits structurés.

En outre, la dispense de résumé, dont bénéficiaient les titres de créance d'une valeur nominale d'au moins 100 000 € (régime wholesale), serait supprimée.

  • La section "facteurs de risque" est redéfinie

En pratique, la proposition de règlement impose de n'inclure que les risques les plus significatifs spécifiques à l'émetteur (et non plus des facteurs de risque génériques), en les classant selon leur niveau de matérialité et de probabilité d'occurrence. Des guidelines propres aux facteurs de risque seront données par l'ESMA (European Securities and Markets Authority - Autorité européenne des marchés financiers). Ces exigences nouvelles, destinées à faciliter la compréhension des facteurs de risque par les investisseurs, imposeront aux émetteurs un important travail de révision de leurs facteurs de risque.

  • L'incorporation par référence

La Commission européenne propose d'élargir la liste des documents pouvant faire l'objet d'une incorporation par référence, mais alors que la liste actuelle est non-exhaustive, elle deviendrait limitative dans le règlement européen.

  • Le régime des offres "à cheval" (période d'offre au public en cours après la date de renouvellement du prospectus de base)

La situation des offres "à cheval" est un sujet sur lequel des différences existaient entre les Etats membres. La proposition de règlement a le mérite de régler cette divergence en précisant que la période d'offre pourra se poursuivre après l'expiration d'un prospectus de base, sous réserve qu'un nouveau prospectus de base soit approuvé avant que le précédent n'expire. L'émetteur devra ajouter, en introduction des conditions définitives concernées, un avertissement spécifique et intégrer ou incorporer par référence les conditions définitives concernées dans le nouveau prospectus de base.

  • Un mécanisme de stockage centralisé

La proposition de règlement prévoit que l'ESMA mette en place un mécanisme de stockage centralisé d'informations et de documents alimentés par les autorités nationales, qui adresseront ainsi à l'ESMA les prospectus approuvés, les suppléments, les conditions définitives et les autres documents constitutifs d'un prospectus. Ce registre sera accessible au public gratuitement et comportera des fonctions de recherche afin de permettre une accessibilité la plus complète. A travers les informations contenues dans ce registre, l'ESMA établira chaque année un rapport annuel contenant des statistiques et d'autres informations sur les tendances de marché en matière de prospectus.


Le calendrier d'adoption de cette proposition de règlement européen n'est pas précisé. Une clause de grand-père (grandfathering) est toutefois prévue pour assurer la continuité des prospectus qui auront été mis en place dans le cadre de la directive 2003/71/CE : ces prospectus continueront à être valides jusqu'à 12 mois après la date d'entrée en vigueur du règlement.

Le texte de la proposition de règlement européen est en ligne avec les demandes de la Place en termes d'allègement et de simplification. L'appréciation du nouveau dispositif reste toutefois subordonnée à la publication des actes délégués dont le contenu permettra ou non d'atteindre ces objectifs.


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