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Maroc | Le nouveau cadre juridique des Partenariats public-privé | Flash info Afrique

02/07/2015

La loi n°86-12 relative aux contrats de partenariat public-privé promulguée par le Dahir n°1-14-192 du 1er Rabii 1436 (24 décembre 2014) (ci-après la "Loi 86-12"), est entrée en vigueur le 4 juin 2015, date de publication du Décret pris pour son application (Décret n°2-15-45 du 13 mai 2015, ci-après le "décret").

I. Etat des lieux de l'environnement juridique des PPP au Maroc

Le recours aux opérateurs privés pour construire et exploiter des ouvrages et des services publics n'est pas nouveau au Maroc puisque, ainsi que le rappelle le Conseil Economique, Social et Environnemental dans son Avis sur la Loi 86-12, dès 1914 des concessions ont été octroyées dans les domaines de la production et de la distribution d'eau potable, des infrastructures ferroviaires et portuaires.

Après l'indépendance du pays en 1956, les concessions ont été rachetées et les activités des sociétés concessionnaires, ainsi que les infrastructures correspondantes, ont été confiées à des Régies nationales.

Puis le recours à des opérateurs privés pour l'exploitation des services publics est réapparu dans les années 1990.

Cependant, le cadre juridique des partenariats public-privé résultait, jusqu'à l'adoption de la loi n°86-12, de textes concernant les collectivités locales ou de lois sectorielles, qui sont toujours applicables.

PPP et collectivités locales

Pour ce qui concerne les collectivités locales, la Loi n°54-05 relative à la gestion déléguée des services publics promulguée par le Dahir n°1-06-15 du 15 moharrem 1427 (14 février 2006) prévoit des règles et principes encadrant et fixant des normes pour l'attribution et l'exécution des conventions de délégation.

Auparavant, les procédures d'octroi et les termes contractuels de ces conventions étaient fixés au cas par cas sur la base de textes généraux sur l'organisation des communes. Ainsi, des concessions multisectotrielles ont été octroyées par les communautés urbaines de Casablanca en 1997, puis de Tanger et Tétouan en 2001 et 2002 sur la base de procédures d'attribution, de cahiers des charges et de conventions établis pour chaque projet.

Lois sectorielles

Le recours aux concessions, ou plus largement aux partenariats public-privé, résulte également de lois sectorielles notamment dans les domaines de l'énergie et des transports.

Depuis 1994 (Décret-loi n°2-94-503 du 16 Rabii 1415 (23 septembre 1994) modifiant le Dahir n°1-63-226 du 14 Rabii 1383 (5 août 1963) portant création de l'Office national d'électricité - ONE), cet Office peut octroyer des concessions à des producteurs privés d'électricité pour des puissances supérieures à 10 MW, l'ONE demeurant l'acheteur de l'énergie produite. Les opérateurs privés produisent environ 54% de l'électricité marocaine et sont liés à l'ONEE (ex ONE) par des contrats d'achats à long terme.

Des mesures spécifiques de promotion de la production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables (SER) ont ensuite été adoptées en 2010 (Loi n°13-09 relative aux énergies renouvelables, promulguée par le Dahir n°1-10-16 du 26 Safar 1431 (11 février 2010)).

La distribution d'électricité peut également être effectuée par des délégataires privés sur la base du Dahir n°1-61-346 du 24 Joumada I 1382 (24 octobre 1962) réglementant les conditions relatives à la délivrance des autorisations, permissions et concessions des distributions d'énergie électrique, ce qui est le cas à Casablanca, Tanger et Tétouan.

La réalisation prochaine d'infrastructures d'importation, de transport et de distribution de gaz naturel à partir de gaz naturel liquéfié, qui fait actuellement l'objet d'études, devrait donner lieu à l'adoption d'une loi prévoyant la possibilité de recourir à des partenariats public-privé.

Pour ce qui concerne les transports routiers, la possibilité d'octroyer des concessions pour la construction, l'entretien et l'exploitation des autoroutes a été prévue dès 1992 (Loi n°4-89 relative aux autoroutes promulguée par le Dahir n°1-91-109 du 6 Safar 1413 (6 août 1992)). Cependant, actuellement, la Société Nationale des Autoroutes du Maroc est seule concessionnaire. Les investisseurs privés peuvent participer à son capital.

Dans le domaine du transport ferroviaire, la loi 52-03 relative à l'organisation, la gestion et l'exploitation du réseau ferroviaire national promulguée par le Dahir n°1-04-256 du 25 Kaada 1425 (7 janvier 2005) institue la séparation du réseau ferroviaire national et des activités d’exploitation ainsi que la possibilité d’octroi par l’Etat de concessions de gestion d’infrastructures ferroviaires. Cette loi, qui prévoit également la création d’une société anonyme intégralement détenue par l’Etat destinée à être bénéficiaire d’une telle concession nationale, n’a, à ce jour, pas été suivie d’effet.

La réforme du régime de construction et gestion des ports résultant de la loi 15-02 relative aux ports et portant création de l'Agence Nationale des Ports et de la Société d'Exploitation des Ports promulguée par le Dahir n°1-05-146 du 20 Chaoual 1426 (23 novembre 2005) prévoit trois régimes de gestion et exploitation des services portuaires par des personnes de droit public ou privé :

  • l’autorisation pour les services publics tels que pilotage, remorquage, lamanage, magasinage, attribuée pour 20 ans, renouvelable ;
  • la concession pour l’exploitation de ports, terminaux, quais ou la manutention portuaire, accordée pour 30 ans maximum renouvelable pour 20 ans ;
  • l’occupation temporaire du domaine public.

Ces concessions ou autorisations sont accordées par l’Agence Nationale des Ports sauf pour ce qui concerne Tanger où une autorité délégante spécifique, TMSA, a été créée en 2002.

Ces différents textes ne prévoient pas de manière détaillée les procédures de sélection des délégataires ni la définition des droits ou obligations des parties (les dispositions de la loi 15-02 relative aux ports sont toutefois plus complètes). Ces conditions doivent donc être fixées au cas par cas. Il en résulte une grande diversité de régimes, des distorsions possibles dans les conditions applicables aux opérateurs bénéficiant de concessions dans des secteurs différents ou même entre opérateurs du même secteur, ainsi qu’un manque de transparence et de sécurité pour les investisseurs et opérateurs.

On peut noter à cet égard que les textes successifs relatifs aux marchés publics, y compris le récent Décret n°2-12-349 du 4 avril 2013, excluent expressément de son champ d’application les contrats de gestion déléguée de services et d’ouvrages publics.

La Loi 86-12 et le Décret introduisent donc, pour les contrats de partenariat public-privé qu’ils visent, une normalisation bienvenue. Il demeure cependant des zones de conflits entre cette Loi 86-12 et les textes existants qui mériteraient d’être clarifiées.

II. Objet du contrat de Partenariat public-privé

D’une façon générale, le terme « partenariat public-privé » ne correspond pas à un type de contrat bien défini mais constitue une appellation générique qui désigne un ensemble de modalités de coopération entre le secteur privé et le secteur public, dont le contenu peut varier en fonction de l’Etat ou de l’opération concernés. Les principales modalités juridiques de formalisation des partenariats publics-privé comprennent :µ

  • les partenariats institutionnels ; il s’agit de sociétés détenues conjointement par des partenaires publics et privés, comprenant dans les systèmes de droit civil les sociétés d’économie mixte (SEM) ;
  • les délégations de service public dont la concession constitue l’archétype, qui consistent à transférer à un tiers la réalisation et/ou l’exploitation d’une infrastructure publique en vue de rendre un service public aux usagers, le délégataire supportant les risques de l’exploitation et tirant l'essentiel de ses ressources des usagers ;
  • les nouveaux contrats de partenariat qui visent à répondre à la demande croissante d’infrastructures publiques dans un contexte de pénurie budgétaire, ne portent pas sur le transfert par l’autorité publique de l’exploitation d’un service public mais sur la réalisation, le financement et la gestion d’infrastructures ou d’autres moyens utilisés par l’autorité publique pour rendre un service public ou exercer une activité publique, dont l’autorité publique demeure responsable. Il s’agit par exemple de faire financer, construire, entretenir et gérer par un partenaire privé des bâtiments abritant des universités, hôpitaux, casernes, ou de réaliser, mettre en place et gérer des systèmes informatiques hors des budgets d’investissements publics. Les centrales de production d’électricité vendu à l’opérateur historique en constituent également des exemples. En France, l'ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 a facilité l’usage de ce type de contrat en instituant la catégorie des « contrats de partenariat ».

La Loi 86-12 définit le contrat de partenariat public-privé comme « un contrat de durée déterminée, par lequel une personne publique confie à un partenaire privé la responsabilité de réaliser une mission globale de conception, de financement de tout ou partie, de construction ou de réhabilitation, de maintenance et/ou d'exploitation d'un ouvrage ou infrastructure ou de prestation de services nécessaires à la fourniture d'un service public. » (article premier)

Les dispositions de la Loi relatives aux conditions de rémunérations, déterminantes pour définir l’objet et la nature des contrats de ce type, prévoient (article 15) que :

  • la rémunération du partenaire privé est effectuée en totalité ou en partie par la personne publique ;
  • le contrat de partenariat public-privé peut prévoir que le partenaire privé soit rémunéré en partie par les usagers et ou par les recettes découlant de l'exploitation des ouvrages, biens et équipements relevant du projet ;
  • les conditions de rémunérations doivent prévoir la disponibilité du service considéré et le respect des objectifs de performance.

Les contrats de partenariats public-privé marocains paraissent donc pouvoir inclure à la fois :

  • des contrats globaux permettant à une autorité publiquede charger le partenaire privé de la réalisation d'un investissement, de son fonctionnement ainsi que de son financement, en tout ou partie, en contrepartie d'une rémunération échelonnée supportée par l'autorité publique et non par les usagers ; ce type de contrat est similaire aux contrats de partenariats français ou aux contrats conclus dans le cadre de la private finance initiative (PFI) anglaise ;
  • mais également des conventions prévoyant le financement, la construction et l’exploitation d'un ouvrage nécessaires à la fourniture d'un service public, qui peut être fournie par le partenaire privé, la Loi n’excluant pas cette hypothèse au contraire de l’Ordonnance française sur les contrats de partenariat et comportant une rémunération qui peut provenir partie des usagers ; cependant, la possibilité pour le partenaire privé de tirer la totalité de sa rémunération des usagers comme dans un régime classique de délégation de service public sans subvention d'exploitation, parait être exclue du champ d'application de la loi n°86-12.

III. Parties au contrat de PPP

Personnes publiques contractantes

La Loi concerne les contrats de PPP conclus par l’Etat, établissements publics de l’Etat et les entreprises publiques.

Les entreprises publiques susceptibles de conclure des contrats de PPP comprendraient, si l’on se base sur les définitions données par la Loi n°69-00 relative au contrôle financier de l'Etat sur les entreprises publiques et autres organismes:

  • les sociétés d'Etat, dont le capital est détenu en totalité par des organismes publics ;
  • les filiales publiques, dont le capital est détenu à plus de la moitié par des organismes publics ;
  • les sociétés mixtes, dont le capital est détenu à hauteur de 50% au plus par des organismes publics.

Les collectivités locales et leurs établissements sont clairement exclus du champ d’application de la Loi n°86-12.

La question se pose dès lors du cadre juridique dans lequel les collectivités locales pourraient avoir recours à un contrat de partenariat public-privé. En effet, il semble que la loi n°54-05, qui s’applique uniquement aux collectivités locales et non à l’Etat, ne vise que la délégation par une personne publique de l’exploitation du service public dont elle a la responsabilité à un délégataire qui gère le service délégué à ses risques et périls.

Partenaire privé

Le Partenaire privé au sens de la Loi est une personne morale de droit privé, y compris celle dont le capital est détenu partiellement ou même totalement par l’Etat. Il peut donc s’agir d’une société d’Etat, filiale publique ou société mixte qui constituent des entreprises publiques comme indiqué ci-dessus.

Le contrat de partenariat public privé pourra donc être en fait également utilisé comme mode de construction et gestion d’infrastructures entre entités publiques telles que les offices et société d’Etat.

IV. Evaluation du projet

La procédure de passation d'un contrat de partenariat public privé ne peut être lancée sans l'approbation par le Ministre chargé des Finances sur la base d'un rapport sur l'évaluation préalable du projet et des besoins auxquels il répond, réalisé par l'autorité publique qui prévoit de conclure le contrat.

Selon les dispositions du Décret, la décision du Ministre intervient dans un délai n'excédant pas deux mois à compter de la date de réception du rapport, porté à quatre mois en cas de projet présentant une complexité particulière. Le Ministre statue sur l'avis motivé de la "Commission PPP", commission interministérielle.

Le rapport doit démontrer que le recours au contrat PPP est plus avantageux comparativement aux autres formes de réalisation du projet. Cette évaluation doit prendre en compte notamment le contexte et les caractéristiques du projet et les besoins auxquels il répond, la complexité du projet, son coût global prévisionnel pendant la durée du contrat, la soutenabilité budgétaire du projet pour l’autorité publique concernée pendant toute la durée du contrat, la répartition des risques entre l'autorité publique, le partenaire privé et les tiers, le niveau de performance du service rendu, la satisfaction des besoins des usagers, les exigences du développement durable, les montages financiers du projet et ses modes de financement. Cette évaluation peut également porter sur tout autre élément nécessaire pour justifier le recours au contrat de PPP pour réaliser le projet.

En ouvrant assez largement la liste des justifications du recours au contrat de PPP la Loi et le Décret ne semblent pas refléter un souci de limiter l’usage de ces contrats à certaines situations bien définies par des critères tels que le prix élevé des investissements, le degré élevé de technicité du projet, la capacité du secteur privé à mieux assurer la qualité du service considéré.

L’autorité publique peut obtenir un appui lors de ce processus d’évaluation auprès de la cellule dédiée au partenariat public-privé dont la création a été décidée en 2010 au sein de la Direction des Entreprises Publiques et de la Privatisation. Or cette cellule a pour mission d’assurer à la fois le développement d'expertise, l'identification et la mise en œuvre de projets d'infrastructures en PPP.

V. Procédures de passation des contrats de PPP

La loi prévoit que la passation des contrats de PPP est soumise aux principes généraux de liberté d’accès, d’égalité de traitement, d’objectivité, de concurrence, de transparence et de respect des règles de bonne gouvernance, applicables également à la passation des marchés publics. Les procédures de passation comprennent :

  • le dialogue compétitif, dans le cas où la personne publique concernée ne peut définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre aux besoins du projet ou d‘en établir le montage financier ou juridique ; dans ce cas la personne publique engage les discussions avec les candidats, sur la base d'un programme fonctionnel et d'un règlement d'appel à la concurrence qu’elle établit et après publication d’un avis, en vue d'identifier la ou les solutions susceptibles de répondre à ses besoins ; à partir de la ou des solution(s) arrêtée(s) au cours du dialogue, la personne publique invite les candidats à remettre leurs offres finales ; le déroulement de cette procédure est encadré selon des modalités décrites par le Décret de façon à préserver la transparence requise ; la personne publique peut prévoir l'allocation de primes aux candidats dont les offres ont été les mieux classées mais non retenues, sans que le nombre des candidats bénéficiant de ces primes ne puisse être supérieur à trois ;
  • l’appel d’offres avec pré-sélection, permettant à la personne publique d’arrêter au préalable la liste des candidats admis à déposer des offres ; aucune condition n’est posée à l’utilisation de cette procédure et aucune modalité de réalisation de la pré-sélection n’est fixée ;
  • l’appel d’offres ouvert ;
  • la procédure négociée, sans publicité préalable et/ou sans règlement d’appel à la concurrence, lorsque le service ne peut être réalisé ou exploité, pour des considérations techniques ou juridiques, que par un seul opérateur privé, en cas d’urgence résultant d'événements imprévisibles pour la personne publique ou pour des raisons de défense nationale ou de sécurité publique ; la Loi n°86-12 prévoit de plus que la personne publique peut recourir à la procédure négociée, lorsque, selon l’évaluation préalable d’une offre spontanée celle ci répond « (…) à un besoin urgent, qu’elle revêt un caractère innovant et qu’elle est sur le plan financier compétitive », ce qui risque d’ouvrir assez largement les cas de recours à cette procédure non transparente.

Dans tous les cas où il est fait appel à plusieurs candidats, le contrat doit être attribué au candidat qui présente l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base des critères figurant dans le règlement d’appel à la concurrence.

Ces critères peuvent notamment porter sur la capacité de réalisation des objectifs de performance, le coût global de l'offre, les exigences du développement durable, l'impact social et environnemental du projet, le caractère technique innovant de l'offre et, le cas échéant, les mesures prises pour la préférence en faveur de l'entreprise nationale et le taux d'utilisation d'intrants d'origine nationale, ou d’autres critères fixés par l’autorité publique, qui peuvent ne pas être d’ordre économique ou qualitatif. Dans tous les cas ces critères doivent être objectifs, non discriminatoires et avoir un rapport avec l'objet du contrat de PPP. Ils font l’objet d’une pondération indiquée dans le règlement d’appel à la concurrence.

L’autorité publique peut décider de prévoir un taux de préférence nationale de la même manière que dans le cas des marchés publics, en appliquant un pourcentage de majoration de 15% maximum sur les montants des offres présentées par les entreprises étrangères. De plus, des critères relatifs au contenu local des propositions peuvent être prévus, tels que :

  • la part des prestations que le titulaire du contrat de PPP envisage de sous-traiter aux entreprises nationales ;
  • le taux d’utilisation des intrants d’origine nationale, y compris le niveau d’utilisation des biens, des produits ou des services, des moyens humains, techniques et technologiques d’origine marocaine, ainsi que la part du transfert de technologies et du savoir-faire ou des emplois créés en faveur de ressortissants marocains pour l’exécution du contrat de PPP.

Le Décret prévoit les cas dans lesquels la procédure d’appel à la concurrence peut être annulée ou déclarée infructueuse et dispose expressément que la personne publique n’encourt de ce fait aucune responsabilité, malgré les coûts souvent très importants engagés par les candidats.

La Loi permet également à un opérateur privé (dit « porteur d’idée ») de saisir la personne publique d’un projet comportant des idées innovantes sur le plan technique, économique ou financier en transmettant un dossier complet. L’offre spontanée ne doit pas porter sur un projet antérieurement présenté, en cours d’étude, d’élaboration ou d’exécution au Maroc.

La personne publique concernée dispose d’un délai de trois mois, qui peut être majoré jusqu’à trois mois supplémentaires en cas de complexité particulière du projet, pour évaluer l’offre spontanée. Elle peut ne pas y donner suite sans encourir de responsabilité de ce fait.

Si la personne publique décide de donner suite à l’offre spontanée, celle-ci donne lieu à une évaluation préalable et à un appel à la concurrence dans les conditions prévues pour tout projet de PPP. Le porteur d’idée, s’il n’est pas retenu à la suite de la procédure d’appel à la concurrence, peut recevoir une prime forfaitaire qui ne peut être cumulée avec celle prévue dans le cadre d’un dialogue compétitif.

L’offre spontanée peut également donner lieu à une procédure négociée, lorsque, comme indiqué ci-dessus, celle-ci répond à un besoin urgent, qu’elle revêt un caractère innovant et qu’elle est compétitive sur le plan financier. Dans ce cas la négociation doit être achevée dans un délai de quatre mois, qui peut être prorogé de trois mois au maximum, si nécessaire.

VI. Stipulations contractuelles

La Loi énumère les clauses que doit obligatoirement comporter le contrat de PPP ainsi que certains principes concernant les obligations respectives des parties.

Pour ce qui concerne la durée du contrat de partenariat public-privé, la Loi prévoit que celle-ci est fixée en tenant compte selon le cas notamment de l'amortissement des investissements à réaliser, des modalités de financement retenues et de la nature des prestations fournies, comme dans le cas des délégations de services publics des collectivités locales. Cependant, la Loi sur les PPP précise que cette durée doit être comprise entre cinq et trente ans et peut être exceptionnellement portée jusqu'à cinquante ans, en fonction de la complexité, des caractéristiques techniques, économiques, comptables et financières du projet.

Le partenaire privé doit, lors de la fourniture des services, objet du contrat, respecter le principe de l'égalité entre les usagers et de la continuité du service.

Le contrat de partenariat public-privé doit notamment fixer :

  • les objectifs de performance assignés au partenaire privé, notamment, en ce qui concerne la qualité des services, la qualité des ouvrages, équipements et, le cas échéant, leur niveau de fréquentation par les usagers ; le contrat fixe également la façon de mesurer ces performances, les modalités de leur suivi et contrôle ;
  • les pénalités applicables en cas de manquement du partenaire privé à ses obligations, et en particulier, en cas de non-respect des objectifs de performance, après une mise en demeure restée sans effet, y compris leurs modalités de calcul et les conditions de paiement, soit par voie de déduction de la rémunération du partenaire privé soit par règlement direct au partenaire public
  • le versement d'intérêts moratoires par la personne publique en cas de retard dans le paiement de la rémunération ;
  • les conditions dans lesquelles le partage des risques entre la personne publique et le partenaire privé est établi, y compris ceux résultant de l'imprévision et de la force majeure, dans le respect de l'équilibre du contrat ; à cet effet les risques liés aux différentes phases du projet doivent être identifiés et décomposés. Ils sont pris en charge par la partie jugée capable de les supporter de manière à minimiser leurs coûts en prenant en considération l'intérêt général et les caractéristiques du projet ;
  • les modalités de règlement des litiges ; à cet égard, la loi n°86-12 prévoit la possibilité de recourir à des procédures de conciliation ou de médiation conventionnelle et de régler les litiges non résolus, soit par arbitrage soit devant les tribunaux.

La personne publique peut, pour assurer la continuité du service public, procéder à la substitution du cocontractant par un autre partenaire privé, notamment, dans les cas suivants :

  • manquement grave et dûment constaté aux obligations, notamment, en termes d'objectifs de performance assignés au partenaire privé ou survenance d'autres événements pouvant justifier la résiliation anticipée du contrat ;
  • à la demande des organismes de financement du projet en cas de manquement, dûment constaté du partenaire privé à ses obligations, susceptible de porter atteinte au principe de continuité du service public vis-à-vis desdits organismes.

La Loi précise que le contrat de partenariat public-privé peut être résilié par anticipation :

  • d’un commun accord en cas de force majeure, de bouleversement de l'équilibre du contrat de partenariat public-privé ou pour un motif d'intérêt général ou à l’amiable pour tout autre motif ; le contrat détermine les indemnités dues dans ces différents cas (dans la pratique, le contrat prévoira différentes formules de calcul de ces indemnités) ;
  • par la personne publique en cas de faute grave de la part du partenaire privé, dont les caractéristiques doivent être définies par le contrat.

VII. Régime des biens

La Loi n°86-12 précise le régime des biens utilisés dans le cadre d'un contrat de PPP en prévoyant les dispositions suivantes :

  • au cours de l’exécution du contrat de PPP et sauf stipulation contraire, l’opérateur privé dispose de droits réels sur les ouvrages et équipements réalisés, dans les limites et conditions ayant pour objet de garantir le respect des principes d'intégrité et d’affectation du domaine public, tels que stipulés par le contrat de PPP ;
  • la propriété les biens nécessaires à l’exploitation du service public réalisés ou acquis par l’opérateur privé est transférée de plein droit à la personne publique à la fin du contrat de PPP, qu’elle qu’en soit la cause. Le contrat doit préciser les conditions de ce transfert ;
  • l'opérateur privée peut consentir des sûretés ou hypothèques sur les actifs acquis ou réalisés dans le cadre de l’exécution des projets PPP et nantir les produits et créances issus des contrats de PPP, sous réserve l’autorisation de la personne publique et des dispositions légales interdisant la constitution de sûretés sur un bien public ou faisant parti du domaine public.

A cet égard la Loi 86 – 12 n'apporte pas de dérogation au régime actuel des biens du domaine public ou du domaine privé de l'Etat.

Ainsi les biens du domaine public définis par le du 7 chaabane 1332 (1er juillet 1974) modifié sont inaliénables et imprescriptibles. Ils peuvent toutefois donner lieu à une autorisation d'occupation temporaire dans les conditions prévues par le Dahir du 24 safar 1337 (30 novembre 1918) modifié. Un amendement de 1999 à ce texte prévoit en particulier que l'occupation temporaire des parcelles du domaine public nécessaires à la réalisation de l'objet d'une concession de services publics ou d'une concession de la construction de l'entretien et de l'exploitation d'un ouvrage public peut être octroyée dans les conditions prévues par la convention de concession et le cahier des charges.

Ce texte ne semble pas pouvoir être étendu en l'état aux contrats de PPP. Cependant la disposition de l'article 24 de la Loi 86–12 susmentionné permettant à l'opérateur de disposer de droits réels sur les biens acquis ou réalisés dans le cadre du projet de PPP, dans le respect des principes d'intégrité et d’affectation du domaine public, tels que stipulés par le contrat de PPP, parait permettre la fixation dans ce contrat des conditions d'une autorisation d'occupation du domaine public qui serait nécessaire pour réaliser l'objet du contrat.

Auteurs

Jean-Jacques Lecat