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Paiement par chèque et liquidation judiciaire

Attention aux mauvaises surprises

12/04/2010

Une très banale affaire donne l'occasion à la Cour de cassation de procéder à quelques salutaires rappels sur le régime juridique du paiement par chèque... tout en décernant un zéro pointé à la décision rendue en appel.

Un débiteur en difficulté avait obtenu de son fournisseur (GDF, en l'occurrence) un rééchelonnement des sommes dues. Rééchelonnement prenant appui sur quatre chèques, adressés en septembre 2005 à GDF, qui s'engageait à les porter à l'encaissement un par un à la fin de chaque mois restant à courir jusqu'à la fin de l'année.

Ainsi, le dernier chèque, libellé pour un montant de 35 000 euros, était-il daté du 30 décembre 2005. Les difficultés du tireur du chèque s'étant aggravées, un redressement judiciaire, bientôt converti en liquidation judiciaire est ouvert en janvier 2006. Le chèque daté de décembre est rejeté par la banque à la demande du liquidateur. Relevant que le compte de la société débitrice était créditeur de 33 000 euros, la cour d'appel décide d'abord que le chèque litigieux a été émis fin décembre, ensuite que la banque et le liquidateur doivent être solidairement condamnés à payer à GDF la somme de 33 000 euros. En cela, elle commet une double erreur doublement censurée par la Cour de cassation (arrêt du 12 janvier 2010).

En premier lieu, le chèque est émis dès que le tireur s'en dessaisit au profit du bénéficiaire. A ce moment précis, la créance de provision (le montant du chèque) entre dans le patrimoine du bénéficiaire et sort de celui du tireur.

C'est pour cette raison que la provision doit être constituée dès cet instant. C'est la raison aussi pour laquelle la remise d'un chèque «vaut paiement», c'est-à-dire réalise un paiement conditionnel, qui deviendra réalité lorsque la somme correspondante aura été virée sur le compte du bénéficiaire. Et cet effet de transfert juridique de la provision s'opère au jour de la remise, indépendamment donc de la date portée sur le titre ou de l'engagement pris par le bénéficiaire d'en différer l'encaissement, voire de ne pas l'encaisser tant que certaines conditions ne se seront pas réalisées (chèques dits de garantie). En d'autres termes, tout chèque peut être encaissé le jour même de sa remise, parce qu'il est fondamentalement «payable à vue» (C. mon. fin., art. L. 131-31). Il était alors incohérent que les juges, du fond, ayant constaté que la remise était intervenue en septembre décident que l'émission, donc le transfert de la provision, ne s'était réalisée qu'en décembre.

En théorie donc, dès le mois de septembre, la créance était entrée dans le patrimoine de GDF. Le paiement du chèque aurait donc dû échapper à la règle fondamentale du droit de la «faillite» selon laquelle le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement (C. com., art. L. 622-7). Toutefois, cet effet translatif suppose, c'est l'évidence, que le compte du tireur soit suffisant pour honorer le chèque. Or en l'occurrence, le crédit n'était que de 33 000 euros, montant insuffisant pour assurer le paiement d'un chèque de 35 000 euros. GDF aurait donc été bien inspiré de porter immédiatement le chèque à l'encaissement, car, en cas de provision partielle, la banque doit payer à hauteur de cette provision, à condition toutefois que la demande lui en soit faite par le porteur avant la date du jugement d'ouverture.

En somme, l'arrêt du 1 2 janvier 2010 est utilement pédagogique à la fois pour les opérateurs ayant émis des chèques, qui doivent se souvenir que le titre est toujours encaissable dès la remise, et pour ceux ayant accepté d'être payés ainsi, qui n'ont jamais intérêt à différer l'encaissement ; et ce, pas seulement pour des raisons de gestion optimale de la trésorerie.

Article paru dans la revue Option Finance du 8 mars 2010


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Arnaud Reygrobellet
Associé
Paris