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Quelles sanctions civiles en cas de défaut d’agrément ?

Par Arnaud Reygrobellet, of Counsel, Professeur à l’université Paris X

28/05/2009

Lorsque des opérations bancaires ou financières conduisent à des pertes et qu’il s’avère qu’elles ont été réalisées en violation du monopole reconnu aux établissements de crédit ou aux prestataires de services d’investissement (PSI), il peut être très tentant de plaider leur nullité. Toutefois en 2005, la Cour de cassation a définitivement fermé cette échappatoire : la seule méconnaissance par un établissement de crédit de l’exigence d’agrément « n’est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu’il a conclus » (solution jugée transposable aux PSI).

Par deux arrêts rendus le 4 novembre 2008, la Cour de cassation est venue apporter d’intéressantes précisions en matière financière.

Le premier a trait à une société de droit néerlandais, ayant ouvert en France une agence de remisier chargée de transmettre, en son nom propre, les ordres passés par ses clients. Cette société avait mis son infrastructure à la disposition de deux clients français pour leur permettre de transmettre des ordres de bourse. Les positions prises par ces derniers ayant rapidement été en pertes, ils ont tenté de plaider la nullité des contrats pour violation du monopole des négociations et des cessions, aujourd’hui disparu, mais qui avant la transposition de la directive MIF en avril 2007prévoyait exceptionnellement la nullité des contrats conclus (art. L. 421-6 ancien C. mon. fin.).

La démarche initiée pouvait donc paraître judicieuse. A un détail près : les opérations en cause ne pouvaient être analysées comme relevant du monopole des négociations et des cessions, lequel correspond à l’activité d’exécution d’ordres pour le compte de tiers (art. L. 321-1, 2e). En l’occurrence, le service d’investissement concerné était l'activité de réception et transmission d'ordres pour le compte de tiers (article L. 321-1, 1e). La violation, à ce titre, du monopole des PSI ne pouvait donc aboutir à la nullité des contrats conclus. On remarquera que la Cour de cassation entend ainsi distinguer clairement les deux services d’investissement, alors que la dissociation opérée par le législateur français a été critiquée comme peu compatible avec la norme communautaire.

La seconde décision est plus intéressante encore. Un PSI, habilité à exercer l’activité de gestion de portefeuille, avait engagé une personne physique par un contrat de travail de gérant de portefeuille à temps partiel. Puis avait été conclu avec une société, dont la personne physique était l’unique associée, un contrat d’apport de clientèle stipulant que le PSI reverserait à la société 80 % des honoraires perçus de la clientèle apportée par cette dernière. Un litige étant né sur le paiement des sommes dues au titre du contrat, le PSI a soutenu que celui-ci était nul pour cause illicite et demandé la restitution des sommes déjà versées.

Prétention entendue par la Cour de cassation, qui place toutefois le débat sur le terrain de l’illicéité de l’objet ; ce qui dispense de procéder à une analyse des mobiles. Il est d’abord constaté que le contrat litigieux avait eu pour objet de permettre à une personne présentée comme employée de la société de gestion, d’exercer de manière autonome une activité propre de gestion de portefeuille pour laquelle elle ne disposait pas de l’agrément requis. Il est ensuite déduit que la nullité de ce contrat devait être prononcée en raison du caractère illicite de son objet. Pour autant, il n’y a pas remise en cause du principe suivant lequel la violation du monopole n’entraîne pas la nullité des contrats conclus. Habilement, la société de gestion a invoqué le droit commun des contrats, plus exactement le fait que, illicitement, le contrat avait été un outil de fraude pour contourner le monopole. On précisera pour finir que la société de gestion et son dirigeant ont fait l’objet, dans cette même affaire, d’une décision de sanction par l’AMF validée devant le Conseil d’Etat.

Paru dans la revue Option Finance le 4 mai 2009

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Arnaud Reygrobellet
Associé
Paris