Home / Publications / Flash info Afrique | Les investissements étrangers...

Flash info Afrique | Les investissements étrangers au Gabon : nouvelle obligation d’autorisation

09/09/2011

Le Décret n°0673/PR/MECIT du 16 mai 2011 (le « Décret ») qui vient compléter les dispositions de la Charte des investissements Gabonaise du 23 juillet 1998 (la « Charte »), prévoit un régime d’autorisation préalable à la réalisation d’investissements par des personnes morales ou physiques étrangères (2). Le champ d’application qui englobe les investissements réalisés dans les domaines forestiers et des industries extractives (1) et les conséquences d’un refus ou d’une sanction pour défaut d’autorisation (3) ont des répercussions significatives sur les investissements étrangers au Gabon.

1. Champ d’application de l’autorisation

Quant aux personnes, le Décret s’applique aux entreprises dont le siège social n’est pas situé au Gabon et aux personnes physiques étrangères ou ne résidant pas au Gabon.
Les opérations visées concernent l’acquisition directe ou indirecte du contrôle d’une entreprise gabonaise et l’acquisition directe ou indirecte de tout ou partie d’une branche d’activité d’une entreprise dont le siège social est situé au Gabon.

En outre, le Décret prévoit la possibilité pour le gouvernement de soumettre également à autorisation préalable les opérations de change, les mouvements de capitaux et les règlements de toute nature entre le Gabon et l’étranger ainsi que la constitution et la liquidation des investissements étrangers au Gabon ainsi que l’importation et l’exportation de toute matière et autres mouvements matériels de valeur entre le Gabon et l’étranger. 
Le gouvernement peut aussi décider d’ordonner le rapatriement des créances sur l’étranger hors zone CEMAC nées de l’exportation de marchandises, de la rémunération de services et, d’une manière générale, de tous revenus ou produits à l’étranger.

Les activités soumises au régime d’autorisation prévu par le Décret, comprennent tout d’abord, de manière classique par rapport aux mesures existant dans d’autres pays, les activités dans les secteurs des jeux d’argent et les activités ayant ou pouvant avoir des applications militaire ou de défense (Article 6 du Décret). 
De manière beaucoup plus particulière, le Décret étend le régime d’autorisation préalable aux « activités liées à l’exploitation durable des produits forestiers » et aux « activités liées à la recherche et à l’exploitation des mines et des hydrocarbures ».

Ce sont donc des pans majeurs de l’économie gabonaise et parmi les plus attractif pour les investisseurs étrangers qui sont désormais soumis à un contrôle étroit de la part des autorités gabonaises.
Le sens très général des termes employés et particulièrement celui d’ « activités liées » entraîne en outre un grand nombre d’incertitudes sur la portée de ces dispositions que la pratique et le dialogue avec les autorités gabonaises devront lever.

2. Demande d’autorisation préalable

Tout investisseur étranger souhaitant investir dans les domaines visés par le Décret doit adresser au Ministre chargé de l’économie un dossier d’autorisation.

Aux termes du Décret, ce dossier doit comprendre l’identification de l’investisseur, y compris, s’agissant des personnes morales, la liste de ses actionnaires disposant d’une participation supérieure à 5%, l’identification complète des membres du Conseil d’Administration (le Décret ne précisant pas quelles information doivent être fournies si la société ne dispose pas d’un conseil d’administration) ; le « dossier juridique de la société » et « tout autre élément permettant d’apprécier la demande ».

La référence au « dossier juridique » de l’investisseur étranger méritera elle aussi d’être précisée. Il y a tout lieu de penser que l’investisseur devra communiquer son certificat d’immatriculation auprès du registre compétent ainsi que les statuts à jours et, le cas échéant, les autorisations/habilitations dont il dispose pour exercer son activité.
Concernant les « autres éléments » permettant d’apprécier la demande, cette exigence vise, selon nous, la description et les modalités de l’opération envisagée. Là encore, des indications devront confirmer la signification qui doit être donnée à cette exigence.

A compter de la réception de la demande, le Ministre de l’économie dispose d’un délai maximum de deux (2) mois pour se prononcer. Sans réponse de sa part dans ce délai, l’autorisation est réputée acquise. 
Concernant les investissements réalisés avant l’entrée en vigueur du Décret, les investisseurs étrangers disposent d’un délai d’un (1) an maximum pour solliciter l’autorisation du Ministre et régulariser leur situation. 
En d’autres termes, le Décret prévoit un réexamen des investissements réalisés. La mise en œuvre de ce texte devra permettre d’établir si ce réexamen pourra conduire à des renégociations avec les autorités sur les conditions de réalisation des investissements.

Le refus d’autorisation préalable doit être motivé. Pour autant, le Décret ne prévoit pas de voie de recours pour l’investisseur étranger ayant subi un refus. Le refus d’autorisation équivaut à l’interdiction pour l’investisseur étranger de réaliser l’investissement envisagé.

3.  Sanctions

Le Décret prévoit que tout investissement étranger réalisé en violation des dispositions du Décret devra faire l’objet d’une suspension d’activité jusqu’à l’autorisation du Ministre. Pour les investissements déjà réalisés et pour lesquels aucune demande d’autorisation n’aura été formulée dans le délai d’un an, une telle « suspension » peut avoir des conséquences importantes, notamment, pour les industries extractrices où l’arrêt des installations engendre des coûts considérables.

Le refus d’autorisation d’un investissement déjà réalisé semble conduire à une expropriation de l’investisseur. L’application de cette nouvelle mesure aux investissements existant soulève de nombreuses questions notamment quant à sa compatibilité avec les dispositions de la Charte relative à la protection des investissements et avec les conventions bilatérales de protection des investissements conclus par le Gabon, à l’indemnisation éventuelle de l’investisseur et aux modalités de son éventuel remplacement par une société tierce.

Il conviendra de suivre avec attention la mise en œuvre de ce Décret qui procure aux autorités gabonaises un pouvoir de contrôle significatif sur les domaines stratégiques de l’économie gabonaise.

Auteurs

Portrait dePierre Marly
Pierre Marly
Jean-Jacques Lecat