Home / Nos articles & publications / De nouveaux droits d’accès au dossier et d’observations...

De nouveaux droits d’accès au dossier et d’observations pour les personnes concernées par une enquête préliminaire

17/01/2023

Vous êtes visé par une enquête préliminaire à Monaco ou avez déposé une plainte ? Vous souhaitez obtenir accès au dossier de l’enquête et/ou formuler des observations et demandes d’actes en cours d’enquête ?

La loi n° 1.533 du 9 décembre 2022 relative à l'enquête préliminaire et aux mesures alternatives aux poursuites a introduit le principe du contradictoire dans le cadre de l’enquête préliminaire en permettant à la victime, au mis en cause ou à leurs conseils d’obtenir une copie du dossier de l’enquête et de formuler des observations sous certaines conditions.

Jusqu’à présent, ni la victime ni le mis en cause n’avait accès au dossier de l’enquête préliminaire et toute personne qui voulait obtenir communication du dossier (hors renvoi devant le Tribunal correctionnel) devait d’abord attendre une décision de classement sans suite avant de solliciter une copie auprès du Procureur Général (article 1er de l’ordonnance n°8.043 du 28 juin 1984 relative aux actes et formalités de greffe).

Désormais, le nouvel article 81-12 du code de procédure pénale prévoit un droit d’accès entier ou partiel au dossier pour la victime et le mis en cause sur initiative du Procureur Général entrainant un droit pour ces derniers de formuler toutes observations utiles (alinéa 1).

L’initiative du Procureur Général de mettre à disposition tout ou partie du dossier peut intervenir « à tout moment de l’enquête préliminaire » ce qui lui laisse une large appréciation d’action.

L’introduction de cette possibilité au premier alinéa de l’article peut apparaitre comme une incitation à envisager cette possibilité fréquemment.

Par ailleurs, les alinéas 2 et suivants de l’article 81-12 du code de procédure pénale prévoient désormais la possibilité pour toute personne mise en cause et pour la victime directement ou par l’intermédiaire de son conseil de solliciter la consultation du dossier de la procédure afin de formuler ses observations.

Cette demande ne peut intervenir qu’à l’expiration d’un délai de six mois à compter du dépôt de la plainte pour la victime et à l’expiration d’un délai de six mois après l’accomplissement d’un acte de procédure dont le mis en cause a fait l’objet (notamment garde à vue, audition libre, visite domiciliaire, renseignements téléphoniques, etc).

La rédaction de l’article laisse à penser que le Procureur Général peut déférer immédiatement à cette demande au visa de l’alinéa 1er de l’article 81-12. Aucune interdiction de principe n’est en tout cas posée.

Le cas échéant, le requérant disposera d’une copie de tout ou partie du dossier d’enquête mais ne pourra formuler que des observations (et non des demandes d’actes).

Si le Procureur Général décide de ne pas faire droit momentanément à cette demande, il sera tenu en tout état de cause en fin d’enquête préliminaire de mettre à disposition une copie de la procédure et d’informer la partie requérante de la possibilité de formuler des observations et demande d’actes dans un délai de deux mois.

Au sens des dispositions précitées, le requérant devra donc attendre la fin de l’enquête préliminaire pour formuler toute demande d’actes utile à la manifestation de la vérité et à la défense de ses intérêts.

Cette situation est logique et s’explique par le fait que le mis en cause comme la victime ne sont pas à proprement parler constituées à la procédure d’enquête contrairement à la procédure d’instruction.

Le législateur a également prévu le cas où aucune demande de consultation n’aurait été formulée afin de laisser la possibilité au Procureur Général « s’il en estime opportun » de mettre à disposition du mis en cause, de la victime ou de leurs avocats une copie de la procédure et de les informer du droit de formuler des observations et de solliciter l’accomplissement d’actes utiles à la manifestation de la vérité.

En tout état de cause, les requérants ne pourront solliciter l’accomplissement d’actes complémentaires qu’en toute fin d’enquête préliminaire.

Le législateur a décidé de ne pas préciser les observations et demandes d’actes que le requérant peut solliciter, lui laissant ainsi un large champ de possibilités.  

En pratique, les observations pourront porter notamment sur la régularité de la procédure, la qualification des faits pouvant être retenue, le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête, l’opportunité de procéder à des actes d’enquête supplémentaires nécessaires à la manifestation de la vérité voire sur les modalités d'engagement éventuel des poursuites.

Les demandes d’actes pourront varier en fonction des investigations diligentées et des circonstances du dossier (auditions, confrontations, visites de certains lieux, saisie, demande de renseignements, etc).

Le législateur n’a pas prévu la possibilité d’un recours à l’encontre de la décision du Procureur Général de ne pas faire droit en fin d’enquête aux demandes d’actes sollicités devant l’autorité hiérarchique supérieure (Directeur des services judiciaires).

L’absence de recours pourra éventuellement être comblée par la demande d’un supplément d’enquête au Tribunal correctionnel avant tout débats aux fonds.

Pour mémoire, les dispositions de l’article 81-12 du code de procédure pénale sont applicables aux enquêtes préliminaires ouvertes, à la date d’enregistrement au parquet général ou à la direction de la sûreté publique, à compter du 1er mars prochain aux enquêtes en cours, ainsi qu’à celles ouvertes postérieurement.

Auteurs

Portrait deGéraldine Gazo
Géraldine Gazo
Partner
Monaco
Portrait deSacha Nantas
Sacha NANTAS