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La réforme du droit de suite sur la vente d’œuvres d’art

30/01/2023

Lors de la revente d’une de leurs œuvres par un professionnel du marché de l’art, les auteurs d’œuvres d’art originales et de manuscrits originaux, ainsi que leurs ayants droits bénéficient d’un droit patrimonial inaliénable d’intéressement au produit de la revente, dénommé droit de suite. Cette participation, qui se fait sous la forme d’une rémunération forfaitisée, permet aux artistes et à leurs ayants-droits de partager avec les vendeurs le profit économique que ceux-ci tirent de l’augmentation en valeur de leurs œuvres.

Le droit de suite était réglementé à Monaco depuis 1975 via deux textes, l’Ordonnance Souveraine n°5.501 du 9 janvier 1975 ayant rendu exécutoire à Monaco la Convention de Berne du 09 septembre 1886 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques et la Loi n°491 du 24 novembre 1948 sur la protection des œuvres littéraires et artistiques.

Afin d’accompagner le récent essor du Marché de l’Art Monégasque et de promouvoir son attractivité, la loi n° 1.526 adoptée le 1er juillet 2022 sur a mis à jour les règles précédemment applicables en matière de droit de suite.

Ce texte élargit le champ des œuvres précédemment visées (œuvres plastiques, artistiques, littéraires, scientifiques, audiovisuelles ou numériques) pour y inclure les œuvres créées par l’artiste lui-même ou sous sa responsabilité en quantités limitées, telles que les bronzes, les photographies signées ou les manuscrits originaux des écrivains et compositeurs.

Il met en place des exonérations de droit de suite, l’une au profit du vendeur ayant acquis l’œuvre directement auprès de l’auteur et revendant l’œuvre acquise dans un délai maximal de trois ans. La seconde au profit des œuvres dont le prix de vente est inférieur à un montant qui sera fixé par ordonnance souveraine.

La nouvelle loi réforme encore les modalités de rémunération des artistes qui bénéficiaient jusque-là d’une rémunération fixée à 3% du prix de toute revente de leur création, à la condition qu’elle ait lieu sous la forme d’une vente aux enchères réalisée sur le territoire monégasque (article 11 de la Loi n°491 du 24 novembre 1948). Désormais, le périmètre du droit de suite est élargi à l’ensemble des professionnels du marché de l’art, de sorte que des professionnels de l’art intervenant en qualité de vendeur, d’acheteur, ou d’intermédiaire sont concernés. Le montant du droit de suite est lui soumis à un plafond de 12.000 € et dans la lignée de la règlementation applicable dans la majorité des pays européens, le taux fixe de rétrocession est remplacé par la mise en œuvre d’un taux dégressif par tranches de prix comme suit :

  • Première tranche : 3% pour les œuvres dont le prix de vente est 50.000 €
  • Deuxième tranche : 2% pour les œuvres dont le prix de vente est compris entre 50.000,1 € et 200.000 €
  • Troisième tranche : 0,5% pour les œuvres dont le prix de vente est compris entre 200.000,1 € et 350.000 €
  • Quatrième tranche : 0,25% pour les œuvres dont le prix de vente est compris entre 350.000,1 € et 500.000€
  • Cinquième tranche : 0,15% pour les œuvres dont le prix de vente est supérieur à 500.000 €

La durée de la protection des artistes post mortem est portée de cinquante à soixante-dix ans, uniformisant ainsi la durée de protection monégasque avec la durée de protection en vigueur dans l’Union européenne (directive n°2001/84/CE dite « directive droit de suite » du 27 septembre 2001).

Les artistes pourront désormais céder leur droit de suite à titre onéreux ou gratuit, par succession ou legs dans la limite du respect des droits de leurs héritiers réservataires, permettant ainsi aux artistes de disposer de ce droit patrimonial dans le cadre de leur organisation successorale.

Les artistes étrangers pourront aussi bénéficier de la protection du droit de suite sous certaines conditions, à savoir, dès lors qu’un bénéfice identique sera accordé par leur Etat d’origine aux artistes monégasques, et également s’ils sont résidents à Monaco et ont participé à la vie artistique monégasque depuis plus de cinq années.

En, conclusion, cette refonte réussie du champ d’application comme des modalités du droit de suite s’inscrit dans une double volonté d’apporter une meilleure protection aux artistes, tout en développant l’attractivité du Marché de l’Art monégasque sur un plan local comme international.

Auteurs

Portrait deGéraldine Gazo
Géraldine Gazo
Partner
Monaco
Portrait deSandra Landais
Sandra Landais
Senior Associate
Monaco