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Le droit à l’assistance d’un avocat dans le cadre d’une audition libre

09/05/2023

Vous avez été convoqué à une audition par la Police et souhaitez savoir si vous pouvez être assisté par un avocat ?

Par la loi n° 1.533 du 9 décembre 2022 relative à l'enquête préliminaire et aux mesures alternatives aux poursuites, le législateur a encadré légalement la présence de l’avocat en matière d’audition libre.

L’audition libre diffère de la garde à vue en ce qu’elle s’effectue sans contrainte exercée de la part des services de police judiciaire à l’encontre de la personne entendue.

Le déclarant se rend de lui-même au lieu fixé par la convocation afin d’être entendu dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction en cours.

Suivant les nouvelles dispositions du code de procédure pénale applicables à compter du 1er mars 2023, le droit à l’assistance de l’avocat lors d’une audition libre diffère selon les soupçons qui pèsent sur la personne entendue et l’âge de celle-ci.

Si vous êtes entendu en tant que suspect

Le suspect est la personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction (article 60-15 du code de procédure pénale).

En application des dispositions de l’article précité (3°), le suspect ne peut faire l’objet d’une audition libre qu’après avoir été préalablement informé « du droit à l’assistance d’un avocat dans les conditions identiques à celles prévues pour la garde à vue ».

Autrement dit le suspect dispose du droit de bénéficier de l'assistance d'un avocat dès le début de la mesure d’audition.

Si la personne entendue n'est pas en mesure de désigner un avocat ou si l'avocat choisi ne peut être joint, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le président du tribunal de première instance sur la base d'un tableau de roulement établi par le Bâtonnier de l'ordre des avocats-défenseurs et avocats de Monaco.

L'avocat est informé par l'officier de police judiciaire de la qualification juridique et des circonstances de l'infraction. Procès-verbal en est dressé par l'officier de police judiciaire et signé par l'avocat.

Si l'avocat ne se présente pas dans un délai d'une heure après avoir été avisé, l'officier de police judiciaire peut décider de débuter l'audition.

Si l'avocat se présente après l'expiration de ce délai, alors qu'une audition est en cours, celle-ci est interrompue à la demande de la personne entendue afin de lui permettre de s'entretenir avec son avocat dans les conditions prévues à l'article 60-9 bis du code de procédure pénale et que celui-ci prenne connaissance des documents prévus à l'article 60-9 bis alinéa 2 du code précité.

Il incombe à l'officier de police judiciaire d'informer la personne entendue du droit d'interrompre l'audition. Si la personne ne demande pas à s'entretenir avec son avocat, celui-ci peut assister à l'audition en cours dès son arrivée.

Dès le début de l’audition, l'avocat peut s'entretenir avec la personne entendue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien dont la durée ne peut excéder une heure.

L'avocat peut assister la personne tout au long de son audition en vue de la manifestation de la vérité.

Par renvoi aux dispositions applicables en matière de garde à vue, l’avocat devrait pouvoir a minima consulter le procès-verbal d’audition de la personne qu’il assiste.

Dès réception de la convocation, il est donc très important de solliciter de l’officier de police judiciaire en charge de l’enquête qu’il vous informe du statut sous lequel ce dernier entend vous auditionner afin que vous puissiez faire valoir vos droits à l’assistance d’un avocat le cas échéant.

Si vous êtes entendu en tant que témoin

L’article 125 du code de procédure pénale définit négativement le témoin comme une personne à l’encontre de laquelle il n’existe pas d’indices rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des faits de l’infraction.

Le témoin ne peut donc faire l’objet que d’une audition libre et jamais d’une garde à vue que ce soit dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction.

Ainsi, le témoin peut être entendu par le juge d’instruction en application des dispositions des articles 125 et suivants du code de procédure pénale ou par l’officier de police judiciaire dans le cadre d’une enquête selon les dispositions des articles 81-11 et suivants du code de procédure pénale.

La présence de l’avocat lors de l’audition de témoin (différent de l’audition de témoin assisté) n’a pas été spécifiquement encadrée par le législateur, ce dernier considérant sûrement l’assistance d’un avocat comme inutile au témoin en l’absence de soupçons ou d’indices à charge contre la personne entendue.

Reste que l’article 81-11 du code de procédure pénale dispose en termes généraux que dans le cadre d’une enquête préliminaire, l’officier de police judiciaire peut décider du placement en garde à vue d’une personne, ou procéder à l’audition de toute personne sous le régime de l’audition libre conformément au Titre IV bis.

Or, le titre IV bis dont s’agit renvoie aux règles applicables en matière de garde à vue et d’audition libre et prévoit le droit pour les personnes faisant l’objet de ces mesures de bénéficier de l’assistance d’un avocat.

Par principe, toute déclaration de la part d’un témoin devant un officier de police judiciaire s’analyse comme une audition en matière pénale.

Par interprétation littérale de l’article 81-11 qui évoque l’audition au sens large, il est donc permis de penser que le témoin pourra bénéficier de l’assistance d’un avocat pour tout type d’audition et notamment en qualité de témoin, à tout le moins dans le cadre d’une enquête préliminaire.

Dans ces circonstances, il est recommandé à la personne convoquée en tant que témoin de solliciter de l’officier de police judiciaire la permission d’être assisté par un avocat lors de ses déclarations et d’expliciter sa demande par des circonstances de fait.

Cette demande pourra intervenir par tous moyens préalablement à la mesure d’audition.

L’officier de police judiciaire appréciera les suites à donner à cette demande au regard des circonstances de l’affaire.

En cas de refus et en tout état de cause, le témoin se souviendra qu’il bénéficie d’une protection de source prétorienne, la Cour européenne des Droits de l’Homme considérant par une jurisprudence constante qu’un justiciable ne peut faire l’objet d’aucune condamnation sur la base des déclarations incriminantes tenues lors d’un interrogatoire de Police subi sans l’assistance possible d’un avocat au visa de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (voir notamment en ce sens, CEDH Salduz c/ Turquie 27 nov. 2008, n° 36391/92).

Si vous êtes mineur

Le nouvel article 60-16 du code de procédure pénale prévoit que le mineur de moins de dix ans ne peut être entendu sous le régime de l’audition libre, ce qui exclut de facto un quelconque besoin d’assistance par un avocat.

S’agissant du mineur de plus de dix ans, l’article précise que celui-ci ne peut être entendu en audition libre qu’en présence d’un avocat après information, par tous moyens, d’un de ses représentants légaux.

Le texte est suffisamment clair pour ne point douter de l’obligation de présence de l’avocat lors de l’audition libre d’un mineur de plus de dix ans et ce en toutes hypothèses.

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Géraldine Gazo
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