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Concilier droit du travail et obligations règlementaires

Le défi des employeurs du secteur bancaire

06/04/2021

Par un communiqué de presse du 28 juillet 2020 l’ACPR[1] enjoignait les établissements de crédit placés sous sa supervision - dont les banques monégasques - à suivre la Recommandation CERS[2]  restreignant, notamment, l’attribution de rémunérations variables aux catégories de personnel relevant de son champ d'application.

Cette restriction initialement envisagée jusqu’au 1er octobre 2020 a depuis fait l'objet de prolongations successives en l’état de la persistance des effets de la crise sanitaire et économique. Le 18 février dernier l'ACPR devait finalement décider de sa prolongation jusqu'au 30 septembre 2021.

Si l’objectif de cette règle prudentielle édictée dans le contexte exceptionnel que nous connaissons est clair - s'assurer que les établissements de crédit "conservent des niveaux suffisants de fonds propres et de capacité d’absorption des pertes afin d’atténuer les incidences de la crise actuelle et de contribuer à une reprise plus en douceur de l’économie paneuropéenne dans son ensemble", elle n'est pas sans soulever de difficultés de mise en œuvre en matière sociale.

En effet, parce que ces mesures touchent à un élément essentiel de la relation de travail - la rémunération - strictement encadré tant par le droit social que, bien souvent, les dispositions du contrat de travail, leur application concrète est susceptible de se heurter à différents mécanismes protecteurs des droits des salariés.

Ce n’est pas la première fois que les établissements bancaires se retrouvent confrontés à la difficulté de concilier les dispositions réglementaires gouvernant leur activité avec les règles spécifiques du droit du travail.

On se souvient notamment de l’agitation provoquée par certaines dispositions de la Directive dite « CRD IV[3] » et ses nouvelles conditions posées aux modalités de rémunération de certains salariés, difficilement compatibles avec les règles classiques du droit du travail.

Rémunération différée, annulation, malus, comment suivre ces règles prudentielles évolutives sans mettre en risque la responsabilité de l'entreprise vis-à-vis de ses salariés face à une réglementation sociale protectrice de droits acquis ?

L’exercice est d’autant plus périlleux qu’il met souvent en balance le droit du travail protégé par les lois et juridictions sociales nationales et les directives d’institutions internationales dépourvues de pouvoir normatif à l’égard des parties au contrat de travail mais habilitées à réglementer l’activité de la société, voir même décider de sa poursuite.

Si les recommandations de l'ACPR ne peuvent avoir pour effet d’annuler purement et simplement des engagements pris dans le cadre du contrat de travail, elles confirment une nouvelle fois que la gestion de la relation de travail ne peut être décorrélée des enjeux du secteur d'activité dans lequel elle s'inscrit, y compris dans les mécanismes de rétribution de la prestation de travail, objet du contrat.

Il est donc indispensable que les professionnels du secteur, à commencer par les acteurs RH, s'approprient les principes réglementaires gouvernant l'activé à laquelle concourt la prestation de travail et ce afin d'être à même de l'encadrer de manière adaptée et compatible avec les exigences de leur activité.

Clauses de rémunération, définition des objectifs, intégration des aléas du marché aux mécanismes de rétributions variables, sensibilisation des administrations et juridictions sociales aux enjeux du secteur bancaire…, les outils pour y parvenir sont nombreux.

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[1] Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution
[2] Comité Européen du Risque Systématique
[3] Directive européenne 2013/36/UE du 26 juin 2013

Auteurs

Portrait deSophie Marquet
Sophie Marquet
Partner
Monaco
Portrait deOlivier Marquet
Olivier Marquet
Managing Partner
Monaco
Florence de Guzman de Saint-Nicolas