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COVID-19 | Confinement en France : quelles conséquences sur une résidence fiscale à Monaco ?

20/05/2020

Un séjour prolongé en France pendant la crise sanitaire est-il de nature à remettre en cause une résidence fiscale à Monaco ?

Un récent communiqué des autorités fiscales françaises, précisément de la Direction des Impôts des Non-Résidents (DINR), se penche sur le cas des personnes domiciliées hors de France qui sont empêchées (ou ont été empêchées) de rentrer chez elles, et donc séjourneraient ou auraient séjourné en France en 2020 « de manière prolongée ».  La DINR conclut, au visa de la jurisprudence française « Larcher » de 1995, qu’un séjour temporaire au titre du confinement en France, ou de restrictions de circulation décidées par le pays de résidence, n’est pas de nature à caractériser une domiciliation fiscale en France au sens de l’article 4 B du Code Général des Impôts (CGI) français.

Peut-on être certains que la même approche serait retenue en toutes circonstances ?

Une analyse des critères français et monégasques de la résidence fiscale est nécessaire.

A ne pas confondre : La résidence fiscale d'une personne physique est indépendante de son domicile civil ou de son domicile ordinaire, ou bien encore de sa nationalité.

Quels sont les critères français de la résidence fiscale (« domicile fiscal ») ?

Les règles de détermination du « domicile fiscal » sont énoncées en France par l'article 4 B du CGI, qui considère comme fiscalement domiciliés en France :

a) Les personnes qui ont sur le territoire français leur foyer ou le lieu de leur séjour principal

Si le foyer s’entend du lieu où les intéressés vivent avec leur famille et où ils y habitent normalement, le critère du lieu de séjour principal fait, de son côté, référence à une condition de durée (au moins 6 mois en France au cours d’une année en principe).  Cependant, le critère du lieu de séjour principal est subsidiaire par rapport à celui du foyer et n’entre en jeu que si le contribuable n’a pas de foyer en France ou si l’existence de ce foyer ne peut pas être déterminée.

Selon la jurisprudence « Larcher » (arrêt du Conseil d’Etat français du 3 novembre 1995, n°126513), pour la détermination du foyer il n’est pas tenu compte des séjours effectués temporairement en dehors de France en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles.

b) Les personnes qui exercent en France une activité professionnelle non accessoire, que cette activité soit salariée ou non

c) Les personnes qui ont, en France, le centre de leurs intérêts économiques

Ces critères a) b) et c) sont alternatifs et non pas cumulatifs.

Quels sont les critères monégasques de la résidence fiscale ?

S’il n’existe pas de définition légale précise de la résidence fiscale à Monaco, l’Ordonnance Souveraine n°8.566 du 28 mars 1986, règlementant la délivrance des certificats de résidence, dispose que « toute personne qui, pour remplir une quelconque formalité, est tenue de fournir un certificat de résidence doit, pour solliciter la délivrance de celui-ci :

a) si elle est de nationalité monégasque, produire une pièce établissant son identité et sa résidence en Principauté ;

b) si elle est d'une autre nationalité :

  • établir qu'elle est titulaire d'une carte de séjour en cours de validité ;
  • justifier qu'elle possède un logement à Monaco en produisant un titre de propriété, un bail locatif ou une attestation d'hébergement ;
  • certifier sur l'honneur, sous les peines prévues à l'article 98 du Code pénal , qu'elle réside en Principauté plus de six mois par an ou qu'elle y a le centre principal de ses activités ;
  • présenter les factures d'eau, d'électricité et de téléphone, relatives à l'année écoulée ainsi que tout autre document pouvant servir de preuve en matière de résidence.

Les personnes installées en Principauté depuis moins de six mois ne pourront se voir délivrer un certificat de résidence que sur présentation de documents justifiant une dérogation. »

Le certificat de résidence constitue la matérialisation juridique de la résidence fiscale à Monaco.

L’Ordonnance Souveraine n°6.208 du 20 décembre 2016, portant application de la Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, de l'Accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers et du Protocole de modification de l'accord entre la Communauté Européenne et la Principauté de Monaco prévoyant des mesures équivalentes à celles que porte la Directive 2003/48/CE (relative à la Norme Commune de Déclaration), apporte une définition du terme de personne physique résidente de Monaco qu’elle définit comme « la ou les personnes physiques qui ont leur lieu de séjour principal sur le territoire de la Principauté, ou leur foyer, ou y ont le centre principal de leurs activités, sous réserve des conventions fiscales bilatérales ».

Ces textes fournissent donc des indications utiles sur les critères de la résidence fiscale à Monaco.

La jurisprudence monégasque considère, d’ailleurs, que l’appréciation de la résidence habituelle est « une question de pur fait qui doit être examinée au vu d’un ensemble d’indices précis et concordants » (décision du Tribunal Suprême, 14 février 2017, e. MA. c/ ETAT DE MONACO).

Le conflit de résidences fiscales

Sans lien privilégié (attaches familiales prépondérantes, lieu de scolarisation des enfants, investissements immobiliers…) avec un autre pays que Monaco, le conflit de résidences fiscales ne se présente pas.

En cas de conflit de résidences fiscales, il est en général fait application des conventions fiscales bilatérales, afin que le jeu des critères conventionnels tranche le conflit et établisse la résidence fiscale dans un seul pays.

Cependant, la convention fiscale signée entre Monaco et la France le 18 mai 1963 ne comprend pas de critères généraux qui trancheraient les conflits de résidences, à l’exception du cas spécifique des français résidant à Monaco depuis une certaine date.

Un séjour en France est donc un cas complexe auquel il faut porter une attention toute particulière.

La notion de résidence fiscale revêt une importance capitale puisque c’est elle qui conditionne le régime fiscal dont le contribuable dépend.

Une remise en cause d'une résidence fiscale pour l’année N, et la fixation de celle-ci pour l’année N en France, par exemple, implique d’être redevable de l’impôt sur le revenu français pour cette année N, sur les revenus mondiaux.

S’agissant de l’IFI, par principe, en cas de résidence fiscale en France au 1er janvier N, l’IFI ne s’applique pas qu’aux actifs immobiliers français, mais également à ceux détenus à l’étranger.

S’ajouteront aux rappels d’impôts, des pénalités de retard et majorations.

Auteurs

Portrait deRaphaëlle Svara
Raphaëlle Svara
Partner
Monaco
Charlotte Juge