Home / Nos articles & publications / Crise sanitaire & Préservation de l'emploi

Crise sanitaire & Préservation de l'emploi

Focus sur le transfert des contrats de travail

04/11/2020

Crise sanitaire & Préservation de l’emploi :
Rappel du principe sacré de transfert automatique des contrats de travail

« Il n'existe rien de constant si ce n'est le changement » nous dit Buddha.

Et pourtant en matière sociale, le changement dans la situation juridique de l’employeur avec maintien de l’entité économique autonome et faculté de continuation de l’activité induit toujours, de manière constante, un maintien dans l’emploi pour le salarié.

Ce principe sacré, nécessaire à la préservation des emplois, prend tout son sens dans le contexte sanitaire actuel et ses répercussions économiques majeures pour les entreprises et leurs salariés.

Il est consacré en droit monégasque par l’article 15 de la loi n°729, et donne matière tout comme dans la juridiction voisine, à de multiples occasions d’applications et interprétation par les juridictions qui sanctionne avec constance et sans faillir les acteurs d’entités économiques auxquels sont rattachés des salariés.

Article 15 de la loi n°729 : quelles sont les conditions d’applicabilité ?

« S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel entrepreneur et le personnel de l'entreprise »

Transposition de dispositions des droits européen et français, cet article organise le maintien du contrat de travail en cas de transfert d’une entité économique, gage de sécurité de l’emploi pour les salariés et de légitimes questionnements pour les employeurs.

L’existence des conditions cumulatives suivantes doit être vérifiée :

  • une entité économique autonome : plusieurs indices doivent être pris en compte : présence d’employés affectés à l’activité, d’actifs corporels (outils, équipements, matériels, ordinateurs, stocks, terrains, etc.) et incorporels (clients, droits de marque, baux, contrats, etc.).
  • la continuation de l’activité, soit l’absence de disparition - au jour du transfert - de l'activité qui demeure exploitable.

Dès lors que ces conditions sont remplies, le transfert des contrats de travail s’opère par le seul effet de la loi (sans besoin de conclure un avenant ni que quelconque formalité ne soit exécutée par le premier exploitant de l’activité ni son successeur), sauf les cas de transferts entre deux juridictions distinctes. Aussi, les obligations à la charge de l’ancien employeur sont transférées au nouveau qui a le devoir de maintenir l’ensemble des droits des salariés (rémunération, ancienneté, congés payés, etc.).

Cette disposition étant d'ordre public, il ne peut y être fait échec ni par l'ancien, le nouvel employeur, ni même par les salariés affectés à l’activité pouvant être continuée, quand bien même cela contreviendrait à des intérêts économiques et sociaux critiques, tels que certaines entreprises peuvent en connaître dans la période actuelle.

En pratique :
  • l’ancien employeur ne peut révoquer les contrats de travail des salariés exerçant au sein de son entreprise au motif  n’exploiterait plus - soit du fait d’une cession de tout ou partie de son fonds de commerce, soit du fait de la cessation du contrat de location gérance lui ayant été consenti – l’activité à laquelle étaient attachés les salariés ;
  • le nouvel employeur commet une faute en refusant de reprendre ces salariés, sauf à les licencier lui-même au visa d’un motif autonome lié à sa propre entreprise et l’environnement économique dans lequel elle évolue. Demeure que les juridictions se montreront très stricts et exigeants quant à l’analyse du motif invoqué à l’appui de ces licenciements.

Eu égard à ses effets, la tentation de certaines entreprises peut alors être grande de tenter de contourner l’effet de cette obligation de reprise, et ce de différentes manières. Toutefois les salariés victimes de ces agissements, disposent de tout un arsenal juridique pour faire valoir leurs droits, jusqu’à la réintégration dans leur emploi, de sorte que les employeurs seront bien avisés de prendre conseil avant toute opération sur leur activité pouvant comporter une poursuite d’exploitation par un tiers.

Quand les conditions légales de transfert ne sont pas réunies cependant, il est toujours possible d’envisager un transfert conventionnel des contrats de travail, avec l’accord des salariés concernés, et ce toujours dans l’optique du maintien de l’emploi.

En matière de relation collective du travail (représentation du personnel, accord d’entreprise, normes internes et unilatérales, etc.), les effets de l’article 15 de la Loi 729 ne sont pas définis par la loi, en sorte qu’il sera sage pour les entreprises de prendre avis sur les obligations pouvant résulter de la jurisprudence et des usages.

En définitive les enjeux sont de taille, et il s’avère que l’applicabilité de ce principe de transfert automatique présente nombre d’aléas pour les entreprises, ce d’autant plus que seules les juridictions clôtureront a posteriori et définitivement tout débat au travers d’une approche souveraine, casuistique et fondée, en sus, sur la jurisprudence.

L’Equipe sociale de CMS Monaco assiste et conseil les entreprises dans le cadre de leurs projets, de l’évolution de leurs activités en particulier au regard des nouvelles contraintes liées à la crise sanitaire, et des opérations de réorganisation affectant leur masse salariale.

Auteurs

Portrait deSophie Marquet
Sophie Marquet
Partner
Monaco
Portrait deSylvain Néron
Sylvain Néron
Portrait deFlorence De Guzman
Florence de Guzman de Saint-Nicolas
Portrait deSophia Bernardi
Sophia Bernardi
Senior Associate
Monaco
Afficher plus Afficher moins