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COVID-19 | La loi n°1.488 du 11 mai 2020 publiée au Journal de Monaco

15/05/2020

Quelles conséquences in fine pour l’employeur ? Sous quelles conditions peut-il envisager la rupture du contrat de travail ? Le télétravail est-il vraiment obligatoire ?

La loi n°1.488 du 11 mai 2020 « interdisant les licenciements abusifs, rendant le télétravail obligatoire sur les postes le permettant et portant d’autres mesures pour faire face à l’épidémie de COVID-19 » a été publiée vendredi 15 mai au Journal Officiel. Issue du projet de loi n°1014 déposé par le Gouvernement le 24 avril dernier (voir notre précédent article à ce sujet), dont elle modifie sensiblement certaines dispositions, elle est désormais opposable à l’ensemble des employeurs monégasques.

Ses dispositions impactent considérablement les conditions de rupture des contrats de travail durant la crise sanitaire. Ses effets sur les modalités de travail décidées par l’employeur dans le cadre de l’organisation de son activité sont beaucoup plus limités du fait, notamment, de l’application de la loi dans le temps.

En bref

La loi contient des dispositions de première importance concernant :
•    les conditions d’exécution des contrats de travail durant la crise sanitaire ; et
•    les conditions de rupture des contrats de travail durant la crise sanitaire.

L’obligation pour l’employeur de permettre, lorsque la nature de l’activité du salarié et les moyens techniques et matériels le permettent, le travail à distance (en ce compris le télétravail lorsque celui-ci est mis en place), n’est (déjà) plus d’actualité. Il en est de même des sanctions pénales associées.

En revanche dès le 16 mai 2020 et jusqu’au 18 juin 2020, les modalités de travail dérogatoires hors des locaux de l’employeur demeurent possibles, bien qu’elles ne soient que recommandées pour l’employeur. A défaut de maintien ou de mise en œuvre alors que son salarié l’estime fondé, l’employeur aurait à justifier de sa décision auprès de l’Inspection du travail, sans que l’avis de cette dernière ne la conditionne.
 
Jusqu’au terme 18 juin 2020, les licenciements (pour les CDI) et ruptures anticipées (pour les CDD) ne sont autorisés que pour des motifs limitativement énumérés et soumis à l’autorisation préalable de l’Inspection du travail, sous peine de sanctions pénales.

Les restrictions, sans précédent, au droit de rompre le contrat de travail ne seront pas sans soulever d’importantes difficultés en droit comme en pratique, notamment en matière disciplinaire. 
 
En effet, la limitation des licenciements disciplinaires au cas de la faute grave et l’obligation d’autorisation préalable de l’Inspection du travail sur le licenciement envisagé conduisent à substituer l’Inspecteur du travail à l’employeur dans l’appréciation de la gravité du manquement du salarié à ses obligations ce qui, en l’absence de définition légale de la faute grave, ne manquera pas d’aboutir sur des divergences d’appréciation des faits fautifs. Quant à la durée de « l’enquête » confiée dans ce cadre à l’Inspecteur du travail, elle-même susceptible de prolongation, celle-ci se heurtera vraisemblablement à la réactivité que nécessite, tant sur le plan juridique qu’opérationnel, la découverte par l’employeur d’une faute grave commise par l’un de ses salariés.
 
Sur le plan économique également, l’interdiction faite aux employeurs de mettre en œuvre des licenciements « initiés » postérieurement au 18 mars, et ce quand bien même ils seraient dûment justifiés économiquement, porte une atteinte considérable à la liberté d’entreprendre des chefs d’entreprise qui ne sera pas sans aggraver les difficultés économiques que rencontrent déjà nombre d’entre eux.

Quant aux conditions dans lesquelles s’inscrivent désormais les modalités dérogatoires d’exécution du travail, elles ne sauraient se traduire par une obligation généralisée de recourir au télétravail pour la durée de la crise sanitaire.
 
Ainsi les employeurs doivent appréhender, eu égard aux spécificités et besoins de leur propre activité :

  • Si le travail à distance,  désormais facultatif (y compris lorsque l’activité du salarié et les moyens matériels le permettraient) mais toujours possible de manière dérogatoire au cadre légal, correspond ou non aux besoins opérationnels de l’entreprise dans un contexte de nécessaire reprise d’activité et des missions susceptibles d’être confiées au salarié dans ce cadre. Cette appréciation concrète par les chefs d’entreprise permettra non seulement d’en justifier, le cas échéant, auprès de l’Inspection du travail en cas de différent, mais aussi et surtout d’apaiser le dialogue social dans l’entreprise où le sujet tend à cristalliser les tensions entre Direction et salariés. 
  • Le régime sous lequel seraient placés les salariés maintenus en travail à distance puisqu’une distinction est formellement opérée entre les salariés placés sous le régime légal du télétravail dans le cadre de la loi n°1.429 du 4 juillet 2016 relative au télétravail, sous les dérogations y apportées par le texte, des salariés travaillant à distance en dehors du cadre, plus formel, mais aussi plus sécurisé, du télétravail.

Enfin, le retour physique des salariés sur le lieu de travail n’est pas non plus exempt de conditions pour l’employeur, celui-ci devant veiller au strict respect des mesures de prévention sanitaire autour desquelles les locaux professionnels doivent désormais être repensés.

Auteurs

Portrait deSophie Marquet
Sophie Marquet
Partner
Monaco
Florence de Guzman de Saint-Nicolas