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Représentation du personnel

quels Employeurs sont réellement concernés

12/01/2021

Obligation d’organiser des élections de délégués du personnel : A partir de quand ? Et jusqu’à quand ?

Organisation d’élections de délégués du personnel : que dit la loi ?

Alors que la Principauté de Monaco se dotait de lois sociales au sortir de l’après-guerre, la loi n°459 du 19 juillet 1947 transposait - mot pour mot - la loi française du 17 avril 1946 fixant le statut des délégués du personnel dans les entreprises :

« Il est institué des délégués du personnel dans tous les établissements industriels, commerciaux ou agricoles, les offices ministériels, les professions libérales, les sociétés civiles, les syndicats professionnels et les associations quels que soient leur forme et leur objet, où sont occupés habituellement plus de dix salariés ».

Ce faisant la condition d’occupation habituelle de plus de dix salariés pour les besoins du déclenchement de l’obligation d’organisation d’élections de délégués du personnel était reprise.  Toutefois, ni le législateur français ni le monégasque ne définissaient ce qu’il fallait entendre par le fait d’occuper « habituellement » plus de dix salariés.

En France, le droit a depuis plusieurs décennies évolué pour abandonner ce terme préférant encadrer la période de calcul des effectifs plus strictement, non cependant sans difficultés, débats et réformes en vue de limiter les effets de seuil. De son côté, le droit monégasque n’a pas évolué sur cette question ce qui n’est pas gage de simplicité et de sécurité pour les employeurs.

Dès lors, est-ce qu’une société monégasque a l’obligation d’instituer des délégués du personnel dès que le seuil de 10 salariés est franchi, ou une certaine durée d’occupation « habituelle » post franchissement du seuil de 10 salariés – et le cas échéant comment la caractériser - doit-elle être acquise avant d’avoir à mettre en place des délégués du personnel ?

En d’autres termes, pendant combien de temps le seuil de 11 salariés peut-il être franchi - tel le Rubicon par César – sans que l’obligation d’organisation d’élections de délégués du personnel ne soit encore effective ?

Cette question est d’importance eu égard aux enjeux en cause, tant la représentation collective des salariés, et l’équilibre des droits avec ceux de l’employeur dont l’œuvre est d’assurer la poursuite de l’entreprise, est nécessaire.

L’employeur monégasque qui omet de respecter l’obligation d’organisation d’élections de délégués du personnel encourt d’ailleurs un risque pénal, mais également civil (certaines procédures en matière d’emploi étant conditionnées à l’information/consultation préalable des délégués du personnel).

En pratique, quand considérer le seuil de 10 salariés franchi ?

Pour tenter de trouver une réponse, il faut nécessairement en venir à de l’archéologie du droit afin de comprendre comment les lois française de 1946 et monégasque de 1947 ont été auparavant appliquées. Ce faisant, plusieurs pistes de réflexion sont à envisager.

La première consisterait à retenir une durée pendant laquelle l’effectif doit demeurer supérieur à 10 salariés : c’est l’approche - législative - retenue par les réformes françaises de la loi de 1946 avec d’abord une durée moyenne de 12 mois au cours des 36 derniers mois, puis une durée de 12 mois consécutifs avec les Ordonnances Macron.

A Monaco toutefois, la difficulté tient au fait qu’aucun texte législatif ne permet justement de légitimer une telle approche, de déterminer une durée spécifique et surtout de faire un choix entre durées moyenne ou consécutives.

La seconde, bien plus fondée en l’espèce, consisterait à appréhender la notion d’emploi habituel et de la lier à l’acquisition de la qualité d’électeur (soit l’acquisition d’une ancienneté de 6 mois dans l’entreprise). Ce lien est d’autant plus légitime que ces deux durées sont régies par la même loi n° 459 du 19 juillet 1947, ce qui permet de garantir la cohérence du seuil de franchissement.

Ramené à la problématique du seuil de déclenchement de l’obligation d’organisation des élections, cela signifie qu’elles doivent l’être lorsque l’entreprise compte au moins 11 électeurs.

Et ensuite : à quand les prochaines élections ?

La durée du mandat des délégués du personnel élus est fixée par la loi à 12 mois, l’employeur étant tenu d’organiser chaque année de nouvelles élections dans le mois qui précède « l'expiration normale » des fonctions de délégués au sens de la loi.

A cet égard, la loi prévoit que ces fonctions de représentation collective cessent soit par décès, démission, résiliation du contrat de travail (par démission, licenciement ou voie judiciaire), la disparition des conditions requises pour l'éligibilité, soit même par la révocation en cours de mandat par la majorité du collège électoral auquel le délégué du personnel appartient.

Sur ce dernier point, il sera donc retenu que l’employeur ne sera pas tenu d’organiser immédiatement de nouvelles élections sans attendre le terme normal de 12 mois, dans la mesure où les délégués titulaire et suppléant auront vocation à se substituer ; sauf dans l’hypothèse rare, mais non inédite en Principauté, où les fonctions des deux devaient cesser concomitamment par l’une quelconque des causes susvisées, notamment la révocation par les salariés eux-mêmes, dans certaines conditions restrictives.

Les employeurs dont les effectifs pourraient excéder le seuil de 10 salariés seront donc bien avisés de prendre conseil, tant la représentation du personnel revêt des écueils et répond à des spécificités en Principauté de Monaco.

Auteurs

Portrait deSophie Marquet
Sophie Marquet
Partner
Monaco
Portrait deSophia Bernardi
Sophia Bernardi
Senior Associate
Monaco
Sylvain Néron
Florence de Guzman de Saint-Nicolas
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