La question de la réserve héréditaire suscite des débats dans de nombreux pays européens, où les opinions divergent sur la manière de concilier la liberté de disposer de ses biens et la protection des intérêts des héritiers.
Le droit monégasque prévoit une réserve héréditaire au profit des descendants, qui est variable selon le nombre d’enfants, mais ne confère pas de droits réservataires au conjoint survivant.
Le droit international privé monégasque traite la question de la réserve héréditaire de manière singulière, en la soumettant à la loi nationale du défunt. Cette disposition repose toutefois sur une sorte de schizophrénie législative, au sein de l’article 63 du Code de droit international privé, qui engendre une insécurité juridique et une complexification disproportionnée du règlement des successions.
En comparaison, le droit français octroie une réserve héréditaire aux descendants qui est variable selon le nombre d’enfants, et le conjoint survivant n’a le statut d’héritier réservataire qu’en l’absence d’enfant.
La France a pris le parti de renforcer la réserve héréditaire des descendants dans son ordre législatif, en adoptant la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Cette loi a introduit un nouveau droit de prélèvement compensatoire, dans le but assumé par le législateur de faire de la réserve héréditaire un principe d'ordre public international. Cependant, cette loi soulève de nombreuses difficultés pratiques, notamment en raison de sa contradiction avec les dispositions du Règlement européen successions n°650/2012.
A l’inverse, certains Etats proches, comme la Belgique et la Suisse, ont récemment choisi d’abaisser la part de la réserve héréditaire dans leur droit pour accroître la liberté testamentaire. La Belgique a ainsi instauré une quotité disponible invariable de ½, tandis que la Suisse a limité la réserve héréditaire à ½ des droits légaux, quel que soit le nombre d’enfants. Ces réformes ont eu pour effet d’assurer une plus grande liberté testamentaire tout en assurant une certaine protection aux héritiers.
Au niveau européen, la Cour Européenne des Droits de l’Homme vient de rappeler, dans un récent arrêt Jarre contre France du 15 février 2024, que la réserve héréditaire n’est pas un droit de l’homme, faisant ainsi écho à l’arrêt Marckx contre Belgique du 13 juin 1979, qui jugeait déjà que « le droit de disposer de ses biens constitue un élément traditionnel fondamental du droit de propriété ». Cette jurisprudence de la CEDH exercera certainement une influence sur l'appréciation de l'ordre public international dans le cadre du Règlement européen successions.
En conclusion, la question de la réserve héréditaire est traitée de manière différente selon les pays. Quelques-uns la renforcent, alors que d’autres l’assouplissent pour accroitre l’autonomie de la volonté, en adéquation avec le courant libéral du Droit international privé. L’insécurité juridique générée par la solution monégasque, fondée sur la loi nationale du défunt, appelle à une réforme législative qui offrirait au législateur l’opportunité d’engager une réflexion sur la place attribuée à la réserve héréditaire dans l’ordre juridique monégasque.
Dans tous les cas, si vous résidez en Principauté ou y détenez des biens, vous devriez assurer votre avenir et celui de vos héritiers en confiant votre planification successorale à un professionnel du droit qui vous apportera des conseils personnalisés.