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Monaco dans le contexte fiscal international

01/04/2021

La perpétuelle évolution du cadre fiscal international

Depuis la fin du siècle dernier, la multiplication des interactions entre les économies mondialisées couplée aux constantes mutations technologiques ont poussé le cadre fiscal à évoluer fortement.

Dès les années 2000, l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (« OCDE ») s’est placée au cœur de cette évolution, notamment par le biais du Comité des affaires fiscales.

Autre organe majeur de cette évolution, le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales (« Forum fiscal mondial »), créé sous l’impulsion de l’OCDE, réunit certains pays membres de l’OCDE et les juridictions qui ont accepté de mettre en œuvre les normes de transparence et d’échanges d’informations fiscales qu’elle prescrit. Avec 162 membres, il constitue aujourd’hui le principal organisme international travaillant à la mise en œuvre des normes mondiales en matière de transparence et d'échange de renseignements.

Le Forum fiscal mondial évalue notamment le respect de ces normes par les états, ce qui avait permis à l’OCDE d’identifier plusieurs juridictions comme « non coopératives » dès l’année 2000, avant que le Comité des affaires fiscales de l’OCDE ne publie une liste des « paradis fiscaux non coopératifs » en avril 2002, dite « liste noire ».

Cette liste a depuis été mise à jour, les territoires mis en cause ayant pris l'engagement de mettre en œuvre les principes de l'OCDE en matière de transparence et d'échange effectif de renseignements en matière fiscale. Il n'y a aujourd’hui plus aucune juridiction dans la liste des paradis fiscaux non coopératifs du Comité des affaires fiscales de l'OCDE.

A partir de l’année 2012, l’OCDE a axé ses investigations sur les pratiques d’évasion fiscale avec, comme outil majeur, le Projet BEPS de l’OCDE et du G20 adopté en septembre 2013.

Le Projet BEPS ou Base Erosion and Profit Shifting a pour objectif éponyme de lutter contre les pratiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices en évitant, d’une part, l’utilisation abusive des conventions fiscales et, d’autre part, en favorisant l’imposition des bénéfices là où les activités économiques sont réalisées, et donc là où la valeur est effectivement créée. BEPS contient 15 Actions, aux thèmes divers, donc 4 sont considérées comme obligatoires (ce sont les « standard minimums »).

Partout la mise en œuvre du Projet BEPS passe par des modifications de la législation et des pratiques nationales, mais également des conventions fiscales. Afin de faciliter la mise en œuvre des Actions du Projet BEPS liées aux conventions de façon harmonisée dans l’ensemble des conventions fiscales bilatérales, une convention multilatérale appelée Instrument Multilatéral a été signée et est entrée en vigueur le 1er juillet 2018.

L’OCDE a également mis en place le Cadre Inclusif sur le Projet BEPS rassemblant 137 membres dont le but est de contrôler la mise en œuvre des standards minimums à travers des examens par les pairs (peer review).

Parallèlement, l’Union-Européenne (« UE ») travaille sur les mêmes sujets et alimente également sa liste des « juridictions fiscales non coopératives à des fins fiscales » dite « liste noire », établie sur la base de critères définis lors du Conseil ECOFIN du 8 novembre 2016, mais aussi une « liste grise », de transition, sur laquelle figurent les juridictions ayant « pris des engagements » pour se conformer aux standards.

Les listes de l’UE sont très régulièrement mises à jour et la dernière révision date d’ailleurs du 22 février dernier.

L’UE a elle-aussi mis en place courant 2016 un « paquet sur la lutte contre l’évasion fiscale » dont l’objectif est de garantir que les entreprises soient imposées là où elles réalisent leurs bénéfices. L’outil majeur au service de cet objectif est la Directive ATAD (Anti Tax Avoidance Directive) du 12 juillet 2016 qui a défini des mesures anti-abus, juridiquement contraignantes, et qui visent les principales formes d'évasion fiscale pratiquées par les grandes multinationales.

Enfin, notre voisin français a créé en 2009 la notion « d'État ou territoire non coopératif » (ETNC), inspirée de celle de « juridiction non coopérative » employée par l’OCDE et l’UE. Il s’agit là de l'un des principaux instruments de lutte contre l'évasion fiscale prévus par le droit français. L'inscription sur la liste des ETNC emporte l'application de différentes mesures fiscales de rétorsion. Parmi celles-ci, on peut citer le taux majoré de 75 % applicable à diverses retenues à la source, l'exclusion du régime mère-fille, la limitation accrue de la déductibilité des charges financières, ou encore le renversement de la charge de la preuve en matière de redressement des prix de transfert.

De manière générale, les personnes physiques ou morales résidentes de pays inscrits sur les listes noires, ou toute personne amenée à réaliser des transactions avec ces derniers, sont soumises à des mesures fiscales de rétorsion.

A la lumière de ce cadre de plus en plus impactant, il est aisé de comprendre les raisons qui ont poussé Monaco à respecter les exigences fiscales internationales.

Monaco, un Etat désormais reconnu par ses pairs

Si, comme l’indique désormais le Gouvernement Princier, « Monaco dispose d’un modèle de développement économique qui respecte les exigences internationales en matière de transparence fiscale et d’équité prônées par l'OCDE », la situation apparaissait différente au début des années 2000.

Aux termes de son rapport publié en 2000, l’OCDE avait initialement identifié la Principauté de Monaco comme une juridiction « non coopérative » avant de l’inscrire sur la fameuse « liste noire » publiée en 2002.

Cette situation a perduré jusqu’en mai 2009, date à laquelle Monaco a été retiré de la liste des juridictions non coopératives par le Comité des Affaires Fiscales de l’OCDE à la suite de l’engagement pris par le Gouvernement Princier de conclure des accords respectant, en matière d'échange de renseignements, les standards développés par l'OCDE.

Dès 2013, le rapport du Forum fiscal mondial de l’OCDE notait Monaco comme « largely compliant » aux standards internationaux en matière de transparence fiscale.

Depuis lors, la Principauté a multiplié les démarches favorables, notamment en s’engageant, le 17 mai 2016, à adopter l'ensemble des mesures obligatoires du Projet BEPS ou encore, le 7 juin 2017, en signant l’Instrument Multilatéral dans le but de procéder aux modifications nécessaires des articles contenus dans ses conventions fiscales concernés par les standards minimums.

C’est à la faveur de l’ensemble de ces démarches que la Principauté de Monaco a obtenu la reconnaissance de ses pairs dans le cadre du Forum fiscal mondial, recevant la notation de « compliant » dans le rapport publié par ce Forum le 4 avril 2018, et offrant ainsi aux entreprises implantées sur son territoire un cadre juridique clair et axé sur le développement de l’économie de la Principauté.

Monaco ne figure par ailleurs sur aucune des listes, noire ou grise, éditées par l’UE, ni sur la liste française des ETNC.

Cette évolution est particulièrement favorable au développement extérieur de l’économie monégasque, ce dont on ne peut que se féliciter.

Auteurs

Portrait deStephan Pastor
Stephan Pastor
Managing Partner
Monaco
Portrait deCharlotte Juge
Charlotte Juge