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Responsabilité décennale des constructeurs

Effet interruptif d'une assignation en référé ou requête

01/02/2022

Vers une évolution possible à Monaco ?

L'effet interruptif d'une assignation en référé sur la prescription décennale au titre de la responsabilité due par les constructeurs est en France consacré de longue date, depuis la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dite "Badinter", et codifiée à l'article 2241 du Code civil français s’agissant d'une application de la position ancienne de la Cour de Cassation.

Alors que les articles 2062 et 2065 du Code civil monégasque reconnaissent le caractère interruptif de la prescription d'une demande en justice, d’un commandement, d’une mesure conservatoire ou d’un acte d’exécution forcée, ils ne spécifient pas expressément si tel est le cas d’une demande en référé.  La transposabilité à Monaco de la règle d’interruption adoptée dans un premier temps par les juridictions françaises, puis codifiée pour la première fois à l’ancien article 2444 du Code civil français en ajoutant aux autres causes d’interruption (citation en justice, commandement ou saisie) la citation en référé,  se pose donc.

Si les juridictions monégasques ont déjà été amenées à se prononcer sur les conditions d'application de l'interruption du délai de prescription, elles ont pour l’heure constamment précisé que le délai de prescription décennale ne peut être suspendu ou interrompu par une assignation en référé aux fins d’expertises, ni par une ordonnance prescrivant celle-ci, ni par le dépôt du rapport de l’expert1.

A cet égard, la Cour d'appel a eu l'occasion de préciser que seuls sont susceptible d’interrompre le délai de prescription un commandement, une mesure conservatoire, ou un acte d’exécution forcé, de même qu'une demande en justice bien que portée devant une juridiction incompétente2.

Cependant, avec la récente réforme de la procédure civile introduite par la Loi n° 1.511 du 2 décembre 2021 portant modification de la procédure civile, le législateur vient de consacrer la possibilité d'ordonner par voie de requête et de référé des mesures d'instruction in futurum afin de sauvegarder ou d’établir des éléments de preuve avant tout procès.

En particulier, le législateur a entendu conférer à cette mesure un effet suspensif, en précisant que la suspension de la prescription a lieu lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction et se poursuit jusqu'au jour de l'exécution de la mesure d'instruction, concrètement, au moment du dépôt du rapport du technicien.

Dans ces circonstances, il ne peut qu'être recommandé, en présence d'un contentieux né ou à naître à l'effet d'engager la responsabilité décennale d'une ou plusieurs parties, d'apporter une attention toute particulière aux moyens de suspension et d'interruption de la prescription.

 
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1 Cour d’appel 19 février 1974 Hoirs B. c. P., S.I.M H., J. et J. N. et autres.
2 Cour d'appel 26 septembre 2019, Société E.C.M. c. k.AL A.

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Sophie Marquet
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Monaco
Sabah Belakbir