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TVA : Actualités monégasques

27/04/2021

Le 26 février 2021, une nouvelle Ordonnance Souveraine (n°8.512) ainsi qu’un nouvel Arrêté Ministériel (n°2021-161) relatifs à la TVA ont été publiés au Journal Officiel de la Principauté. Quelques mois plus tôt, la France adoptait elle aussi de nouvelles mesures en TVA dans sa Loi de Finances pour 2021 du 29 décembre 2020.  De nouvelles Directives importantes en matière de TVA sont aussi intervenues au niveau de l’Union Européenne.

Les territoires français et monégasque forment une union douanière organisée par la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963.

La Principauté est donc incorporée dans le territoire douanier européen, bien que demeurant un État tiers à l’Union Européenne.

Cependant, en raison des spécificités monégasques, le régime de TVA applicable en Principauté présente certaines caractéristiques qui lui sont propres.

Les nouvelles mesures qui s’appliquent à Monaco

  • Les règles applicables aux « opérations complexes uniques » sont précisées à Monaco par l’Ordonnance n°8.512

 En matière de TVA, certaines opérations économiques peuvent être composées de plusieurs sous-opérations / éléments. Dans une telle situation, pour déterminer le régime de TVA applicable, il convient de déterminer si cette opération dite « complexe » est « unique » ou composée d’éléments distincts.

A titre d’exemple, le paiement des droits d’entrée dans un musée, une exposition ou encore un parc d’attraction peut permettre l’accès des visiteurs à une grande diversité d’activités et d’installations, qui pourraient séparément être taxées à des taux de TVA différents. Lorsque le montant payé par le client est forfaitaire, c’est-à-dire qu’il est indépendant des activités réellement réalisées, la prestation pourrait être considérée comme une « opération complexe unique » facturée globalement au taux de TVA le plus élevé.

Une opération composée de plusieurs éléments pourra être considérée comme une « opération complexe unique » dès lors que :

  • les éléments sont si étroitement liés qu’ils forment objectivement une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel ;
  • un ou plusieurs éléments constituent la prestation principale et que les autres sont accessoires (ce qui est en fait une application de la règle classique selon laquelle « l’accessoire suit le principal »).

Cette définition inspirée de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne, qui existait déjà dans la jurisprudence française, est reprise dans un nouvel article 5 ter du Code des Taxes sur le Chiffre d’Affaires (« CTCA ») monégasque.

Concernant le taux applicable, le nouvel article 51-0 du CTCA prévoit qu’en principe, en présence d’une opération complexe unique, le taux de TVA applicable à l’ensemble de l’opération est le taux le plus élevé parmi ceux applicables aux différents éléments.

Les textes français sont, à ce titre, identiques.

Des règles particulières sont par ailleurs applicables :

  • à certaines opérations du secteur bancaire et financier. En effet, la règle de « l’accessoire suit le principal » ne s’appliquera pas forcément à ces opérations qui suivent déjà des règles spécifiques selon les services inclus dans la prestation, avec un mécanisme d’option qui pourrait primer sur cette règle. Une confirmation serait la bienvenue dans la doctrine fiscale.
  • à certaines opérations du secteur numérique (comme les offres d’abonnement comprenant un service de télévision et internet par exemple), dites « offres composites », i.e. composées d’éléments dissociables. Ces offres composites de services numériques dérogent aux règles applicables aux opérations complexes uniques : une prestation soumise à un taux réduit de TVA peut être isolée et facturée séparément.
  • à certaines prestations d’agents de voyage.
  • L’entrée en vigueur de la réforme sur le commerce électronique est repoussée par l’Ordonnance n°8.512

Monaco et la France ont transposé les dispositions de deux Directives européennes (Directive UE/2017/2455 dite « Directive e-commerce » et Directive UE/2019/1995). L’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions a été repoussée au 1er juillet 2021.

Ces dispositions modifieront principalement les règles des « ventes à distance » (par exemple par internet) de biens à des clients finaux dans l’Union Européenne et simplifieront de nombreuses procédures administratives.

A noter la modification du seuil de ventes à distance (articles 7 et 14 bis du CTCA). Actuellement, les entreprises assujetties qui vendent des biens à destination de particuliers dans d’autres États membres doivent payer la TVA dans l’État de départ dès lors que le seuil des ventes à distance fixé par chaque État membre n’est pas dépassé (35 000 euros pour la France par exemple). Au contraire, la TVA est due dans l’État membre de destination si ce seuil est dépassé, ou si le vendeur a opté pour la TVA du pays de destination.

A compter du 1er juillet 2021, le seuil de ventes à distance est ramené à 10 000 euros au niveau de l’ensemble des États membres.

  • L’Ordonnance n°8.512 crée à l’article 29 bis du CTCA une amende en cas de non-respect des conditions de l’obtention du « bordereau de détaxe »

Pour rappel, les personnes résidant en dehors de Monaco et de l’Union Européenne peuvent déduire la TVA du prix des biens achetés à Monaco et transportés en dehors de Monaco et de l’Union Européenne – c’est le système de la « détaxe ». Pour cela, il faut obtenir un « bordereau de vente » visé par les douanes.

Depuis le 1er janvier 2021, le fait de solliciter ou d’obtenir le visa d’un bordereau de vente alors que les conditions pour l’obtenir (détaillées aux nouveaux articles A-52 C et A-52 D du CTCA crées par l’Arrêté Ministériel n°2021-161) ne sont pas réunies, est passible d’une amende de 150 à 1 500 € et de la confiscation des marchandises litigieuses.

Les mesures qui s’appliquent en France mais pas à Monaco

Si l’ensemble des mesures ci-dessus concernent à la fois Monaco et la France, certaines mesures françaises n’ont pas à ce jour été implémentées à Monaco.

  • La dispense de désignation d’un représentant fiscal pour les besoins de la TVA à Monaco ne s’applique que pour les assujettis français

En France, conformément à l’article 289 A du Code Général des Impôts, lorsqu’un assujetti établi hors de l’Union Européenne est redevable de la TVA ou doit accomplir des obligations déclaratives en France, il est en principe tenu de désigner un représentant fiscal qui s’engage à remplir les formalités lui incombant et, en cas d’opérations imposables, à acquitter la TVA à sa place. Cependant, un arrêté du 15 mai 2013 liste les Etats hors Union Européenne dont les assujettis n’ont pas à désigner un représentant fiscal en France. Cet arrêté vient d’être modifié par l’arrêté du 16 février 2021 qui a ajouté plusieurs Etats à ladite liste, dont notamment le Royaume-Uni.

En Principauté, conformément à l’article 72 du CTCA, ce sont tous les assujettis établis en dehors de Monaco qui sont tenus, dans les mêmes circonstances, de désigner un représentant fiscal à Monaco. Cependant, en application du principe de territoire commun en matière de TVA issu de la convention fiscale franco-monégasque, les assujettis français ne sont pas soumis à cette exigence. L’arrêté français du 16 février 2021 n’apporte donc aucune modification à Monaco : seuls les assujettis français restent dispensés de l’obligation de désignation d’un représentant fiscal.

  • La création en France d’un régime de groupe TVA

La Loi française de Finances pour 2021 instaure, à compter du 1er janvier 2023 et sous conditions, un régime de groupe en matière de TVA, qui permettra d’assimiler diverses entités françaises d’un même groupe à un même assujetti à la TVA.

Pour l’heure, Monaco n’a pas transposé cette mesure dans son droit interne.

Auteurs

Portrait deStephan Pastor
Stephan Pastor
Managing Partner
Monaco
Charlotte Juge