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Réforme sur l'organisation du temps de travail

Révolution ou Evolution ?

15/10/2021

L’aménagement concerté du temps de travail, un outil de gestion et de dialogue social.

Nouvelle loi sur l’organisation du temps de travail à Monaco : Révolution ou Evolution ?

Adapter le cadre légal et normatif aux besoins de l’activité constitue une attente commune des entreprises, en manque de flexibilité, a fortiori dans le contexte de crise sanitaire et de climat économique tendu.

Parmi les outils de gestion permettant de moduler les conditions d’exploitation et répondre aux attentes respectives de l’entreprise et des salariés, figure la négociation collective. Utilisée dans divers domaines, la négociation collective s’est particulièrement développée dans le pays voisin en matière d’organisation du temps de travail.

Le droit monégasque accuse en la matière, un certain retard, de sorte que les dispositions sur la durée du travail et le repos, demeurent à ce jour trop peu flexibles.

A tel point que la loi n°1505 du 24 juin 2021 sur l’aménagement concerté du temps de travail caractérise indéniablement un pas en avant, en ce qu’elle autorise la mise en place d’une organisation pluri-hebdomadaire du temps de travail. Reste à déterminer dans quelle mesure cette avancée projette réellement la Principauté vers le futur.

Une révolution …

Ce texte constitue une réforme majeure du droit monégasque à plusieurs égards.

Tout d’abord, elle offre aux entreprises monégasques la possibilité de prévoir une organisation du temps du travail sur une période de référence supérieure à la semaine (dans la limite d’une année), par catégorie de salariés, instituant ainsi un double niveau de flexibilité :

  • Quant au temps de travail : il est possible d’adopter une approche pluri-hebdomadaire et de faire varier la durée du travail d’une semaine sur l’autre afin que l’organisation du temps de travail soit au diapason de l’activité. Ce faisant, les heures supplémentaires peuvent être appréciées à l’issue de la période de référence retenue et non pas à l’issue de chaque semaine.
  • Quant aux catégories de salariés, une entreprise pouvant adopter autant d’organisations du temps qu’elle compte de types de populations.

Par ailleurs, cette réforme introduit le compte épargne temps (CET), un instrument existant déjà dans les juridictions voisines telles le Luxembourg, la France, ou l’Allemagne par exemple. Ce dispositif permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération (immédiate ou différée), en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises, ou des sommes qu'il y a affectées. Il offre, en principe, une meilleure flexibilité dans la gestion du temps de travail tant pour les entreprises que pour les salariés de nature à limiter tout impact de crise passagère et à améliorer l’articulation vies professionnelles et familiales.

… économe ou coûteuse ?

Si la mise en place de l’aménagement concerté du temps de travail constitue une véritable réforme, il convient néanmoins de nuancer cette affirmation dès lors que cet outil est limité en raison de son coût.

Ainsi appréhendé comme un accord dérogatoire, l’accord collectif d’aménagement concerté du temps de travail doit prévoir pour toute heure accomplie au-delà de 39 heures par semaine ou de la durée considérée comme équivalente ou de la durée contractuelle, en sus du paiement, le cas échéant, des heures supplémentaires une des contreparties financières suivantes:

  • Une majoration à hauteur de 10% ;
  • Un temps de récupération de 10% à créditer sur un compte épargne temps, étant précisé que ce temps devra être soldé à l’issue de la période de référence ou le jour de la rupture du contrat de travail ou de résiliation de l’accord d’entreprise ou de la convention collective. Il est à noter que ce temps est assimilé à des heures supplémentaires.

De fait, si, dans le cadre d’une organisation pluri-hebdomadaire du temps de travail, les heures accomplies au-delà de 39 heures ne constituent pas sur le plan juridique des heures supplémentaires, elles le seront sur le plan financier puisqu’elles ouvriront droit à majoration ou à un repos complémentaire.

Ce faisant, des contraintes nouvelles de coûts surgissent là où il pouvait être considéré que l’esprit du projet originel était d’offrir aux entreprises un outil juridique pour faire face à des temps de crise en leur permettant de réduire le recours aux mesures de flexibilité externe (compression d’effectifs et externalisation) en recourant aux nouvelles mesures de flexibilité interne (modulation, CET).

L’aménagement du temps de travail à Monaco ne sera donc pas un outil à la portée de tout acteur économique ou répondant à toute contingence.

Objectif : une évolution du dialogue social

Grâce à cette réforme, c’est avant tout le dialogue social qui connaît une évolution démocratique majeure.

Sont ainsi introduits deux modes alternatifs de négociation collective dans l’entreprise, savoir celles :

  • avec les délégués du personnel au niveau de l’entreprise, dont la mission définie par la loi a été élargie ; la voie de la prérogative et primauté des organisations syndicales sur le dialogue social a donc été écartée.
  • avec un représentant des salariés spécialement désigné à cet effet en l’absence de délégué du personnel ; la voix des premiers acteurs de l’entreprise est ainsi préservée.

Le dialogue social et la logique démocratique sont ainsi mis à l’honneur, puisque l’accord collectif devra recueillir dans les 14 jours suivant sa signature un vote favorable à la majorité simple des salariés concernés par l’accord, outre l’autorisation expresse du Directeur du Travail, afin d’entrer en vigueur.

Cette réforme constitue une évolution majeure des processus de dialogue, en conférant aux salariés de l’entreprise et à leurs représentants au sein même de l’entité, une faculté d’adoption concertée avec l’employeur, de normes adaptées à leurs besoins et contraintes respectifs.

Les pouvoirs ainsi conférés sont tels que l’articulation entre l’accord collectif et le contrat de travail est substantiellement modifiée : l’aménagement du temps de travail fixé d’un commun accord s’impose à chaque salarié à temps plein (à l’exclusion des salariés à temps partiel) concerné sans que cela ne puisse caractériser une modification du contrat de travail.

Autrement dit, la négociation collective intra entreprise prime quant au sujet de l’organisation du temps de travail, non seulement sur la négociation syndicale sectorielle, mais également sur la logique contractualiste individuelle.

Mode d’emploi

En l’état, cet outil peut s’avérer utile pour adapter l’organisation du temps de travail à une activité non homogène du fait de son caractère saisonnier, de la fluctuation des commandes, et/ou pour limiter les effets directs et par ricochet de réductions d’activité. En période systémique ou exceptionnelle de faible activité, il pourra être envisagé une réduction temporaire du temps de travail ensuite compensée par une probable augmentation de la durée du travail lors d’une période de forte activité.

Pour ce faire, il convient néanmoins de maîtriser le processus de négociation collective tout autant que l’organisation pluri-hebdomadaire du temps de travail, en évitant les écueils, erreurs et risques.

Auteurs

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Sophie Marquet
Partner
Monaco
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Sylvain Néron