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Nouvelles règles applicables dans les relations B2B – L’abus de dépendance économique et l’interdiction des clauses abusives

03/06/2019

Le 24 mai 2019, un ensemble de mesures visant à lutter contre les comportements abusifs et rééquilibrer les relations économiques entre les entreprises est paru au Moniteur belge. Cette nouvelle loi entraîne des modifications importantes dans les relations B2B, notamment dans le secteur du retail.

Nous détaillons ci-dessous les principes nouveautés.

1. L’abus de dépendance économique

La nouvelle règlementation introduit en droit belge la notion de  « dépendance économique » qui peut se rencontrer, par exemple, dans la relation entre un fournisseur et un retailer. Une entreprise se retrouve dans une situation de dépendance économique par rapport à une autre lorsque :

  • elle ne dispose pas d’alternative raisonnablement équivalente et disponible dans un délai, à des conditions et à des coûts raisonnables,
  • (ice qui permet à l’autre partie de lui imposer des prestations ou des conditions qui ne pourraient être obtenues dans des circonstances normales de marché.

La situation de dépendance économique n’est pas interdite en tant que telle mais uniquement l'abus d'une telle situation, dès lors que la concurrence est susceptible d'être affectée sur le marché belge concerné ou une partie substantielle de celui-ci.

La loi fournit plusieurs exemples de pratiques pouvant être considérées comme des abus de dépendance économique :

  • le refus d’une vente, d’un achat ou d’autres conditions de transaction ;
  • l’imposition (de façon directe ou indirecte) des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction inéquitables ;
  • la limitation de la production, des débouchés ou du développement technique au préjudice des consommateurs ;
  • le fait d’appliquer à l’égard des partenaires économiques des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;
  • le fait de subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires économiques, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.

L'Autorité de la concurrence est compétente pour contrôler le respect de ces nouvelles règles. Elle peut infliger des amendes allant jusqu'à 2% du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée, ainsi que des astreintes en cas de non-respect de sa décision. Une partie confrontée à un abus de dépendance économique peut également engager une action en cessation devant les tribunaux belges afin de faire cesser ces pratiques.

Les nouvelles règles contre l'abus de dépendance économique sont insérées dans le livre IV du Code de droit économique et entreront en vigueur au mois de mai 2020.

2. Clauses abusives

La nouvelle règlementation interdit par ailleurs les « clauses abusives » dans les contrats entre entreprises. De manière générale, une clause contractuelle sera considérée comme abusive si, prise seule ou en combinaison avec d'autres clauses, elle crée un « déséquilibre manifeste » entre les droits et obligations des parties.

Outre cette interdiction générale, la loi contient une « liste noire » de clauses considérées comme abusives et interdites en toutes circonstances. Il s’agit des clauses ayant pour objet de :

  • prévoir un engagement irrévocable de l'autre partie, alors que l'exécution des prestations de l'entreprise est soumise à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ;
  • conférer à l'entreprise le droit unilatéral d'interpréter une clause du contrat ;
  • en cas de conflit, faire renoncer l'autre partie à tout moyen de recours contre l'entreprise ;
  • constater de manière irréfragable la connaissance ou l'adhésion de l'autre partie à des clauses (par exemple des conditions générales) dont elle n'a pas eu effectivement l'occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat.

La loi contient également une « liste grise » de clauses présumées abusives, à moins que l'entreprise ne puisse démontrer que ces clauses ne créent pas de déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties. Il s’agit des clauses ayant pour objet de :

  • autoriser une des parties à modifier unilatéralement et sans raison valable les termes du contrat (par exemple le prix);
  • entraîner la prolongation ou le renouvellement tacite du contrat sans délai de résiliation raisonnable ;
  • placer, sans contrepartie, le risque économique sur une partie alors que celui-ci incombe normalement à l'autre entreprise ou à une autre partie au contrat ;
  • limiter ou exclure les droits d'une partie en cas de violation du contrat par l'autre partie ;
  • engager les parties sans spécification d'un délai raisonnable de résiliation ;
  • libérer une partie de sa responsabilité en cas de dol ou de faute grave ;
  • fixer des montants de dommages et intérêts réclamés en cas d'inexécution ou de retard dans l'exécution des obligations de l'autre partie qui dépassent manifestement l'étendue du préjudice susceptible d'être subi par l'entreprise.

L’interdiction des clauses abusives entrera en vigueur au mois de novembre 2020, mais uniquement pour les contrats conclus, renouvelés ou modifiés après cette date.

3. Pratiques commerciales déloyales

Enfin, la nouvelle règlementation interdit les pratiques commerciales « trompeuses » et « agressives » entre les entreprises.

La définition des pratiques du marché trompeuses et agressives s'inspire des dispositions existantes interdisant les pratiques trompeuses et agressives dans les relations B2C. Une pratique commerciale sera considérée comme agressive au sens de la loi si « dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d’altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d’une influence injustifiée, liberté de choix ou de conduite de l’entreprise à l’égard du produit et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision relative à la transaction qu’elle n’aurait pas prise autrement ». Il faut entendre par « influence injustifiée » l'utilisation par une entreprise d'une position de force vis-à-vis d'une autre entreprise de manière à faire pression sur celle-ci, même sans avoir recours à la force physique ou menacer de le faire, de telle manière que son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause soit limitée de manière significative.

Les nouvelles règles interdisant les pratiques commerciales déloyales entreront en vigueur au mois d’août 2019.

4. Délais de paiement

Outre les modifications décrites ci-dessus, une proposition de loi modifiant la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales a été approuvée le 10 avril 2019.

Celle-ci interdit désormais aux entreprises de convenir de délais de paiement excédant 60 jours si le créancier (par exemple le fournisseur) est une PME et que le débiteur (le retailer) n’est pas une PME.

Cette mesure entrera en vigueur dans un délai de six mois suivant sa publication au Moniteur belge.

Auteurs

Portrait deLoïc de Hults
Loïc de Hults
Avocat Senior
Bruxelles
Portrait deRenaud Dupont
Renaud Dupont
Managing Partner
Bruxelles