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Flash info Maroc | Nouvelle Constitution au Maroc : le tournant démocratique

30/11/2011

Le 1er juillet 2011, les marocains ont approuvé le projet de nouvelle Constitution par référendum à près de 98%. Cette réforme de la loi suprême du Maroc annoncée lors du discours royale du 9 mars 2011 est perçue comme nécessaire à la consécration des principes démocratiques au Maroc. La nouvelle Constitution entrée en vigueur le 30 juillet 2011 s’articule autour de plusieurs axes novateurs dont les principaux sont exposés ci-après. Les élections législatives anticipées du 25 novembre 2011 qui ont connu un taux de participation (45 %) en hausse par rapport aux élections législatives de 2007 (37 %), constituent ainsi une étape essentielle de la construction démocratique du Maroc dans le sillage de l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution.

1. La consécration du principe de la séparation des pouvoirs

Le régime au Maroc est défini en tant que monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale. La nouvelle Constitution a également supprimé toute référence à la sacralité de la monarchie. La Constitution rappelle qu’il ne peut y avoir de parti unique au Maroc. Les partis politiques et organisations syndicales ne pourront être dissous que sur une décision de justice. L’opposition bénéficie désormais d’un statut constitutionnellement reconnu. Elle dispose d’un droit de représentation proportionnel dans tous les organes du Parlement. La hiérarchie des normes au Maroc est clairement définie. Les conventions internationales dûment ratifiées par le Maroc priment sur le droit interne. Les pouvoirs de la Chambre des Représentants dont les membres sont élus au suffrage universel direct, sont renforcés en tant qu’instance législative du pays. Le domaine de la loi est également élargi et compte désormais l’amnistie. De plus, la transhumance parlementaire et tous les changements d’appartenance politique sont interdits pour les membres des chambres parlementaires au cours de leur mandat. Le pouvoir exécutif est désormais exercé par le Gouvernement présidé par le « Premier ministre » devenu « Chef du Gouvernement ». Ce dernier est nommé par le Roi au sein du parti politique arrivé en tête des élections législatives. Son rôle est renforcé dans la sphère politique marocaine avec la possibilité reconnue pour le Chef du Gouvernement de dissoudre la chambre des représentants. Toutefois, le Roi, autre organe de l’exécutif conserve certaines prérogatives telles que la possibilité de dissoudre les deux chambres du Parlement, l’accréditation des ambassadeurs et le droit de grâce. L’indépendance de la justice vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif est reconnue. La Constitution crée le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, un organe bénéficiant d’une autonomie financière et administrative venu remplacer le Conseil supérieur de la magistrature qui dépendait du Ministère de la Justice. Le Conseil constitutionnel devient la Cour Constitutionnelle composée de membres connus pour leur expérience et compétences notables dans le domaine juridique. Dans le cadre du contrôle préventif de constitutionalité de la loi, le nombre de signatures de parlementaires nécessaires à la saisine de la Cour Constitutionnelle a été abaissé. En outre, la saisine de la Cour Constitutionnelle est désormais ouverte aux justiciables en matière de protection des droits fondamentaux : il s’agit d’une extension du pouvoir de contrôle de la Cour Constitutionnelle aux lois promulguées lorsqu’une exception d'inconstitutionnalité fondée sur une atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevée par une partie au cours d'un procès. Les conditions et modalités d'application de cette nouvelle disposition constitutionnelle devront être fixées par une loi organique qui permettra de comparer les similitudes de ce nouveau mécanisme avec « la question prioritaire de constitutionnalité » en vigueur en France depuis le 1er mars 2010 (ex. renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité par les juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif).

2. La reconnaissance des droits et libertés fondamentales

Les Droits de l’homme au Maroc ont désormais une valeur constitutionnelle. Les droits ainsi consacrés concernent notamment le droit à un procès équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable, la présomption d’innocence, le droit à la vie, l’égalité homme femme (étendue), la protection de la vie privée, les libertés de pensée et la liberté de la presse. Par ailleurs, plusieurs conseils et institutions existant avant la réforme sont désormais reconnus par la nouvelle Constitution du Maroc tels que le Médiateur, le Conseil national des droits de l’homme, le Conseil de la concurrence, le Conseil économique, social et environnemental, l’Instance nationale de la probité et de lutte contre la corruption, etc. Les mécanismes de bonne gouvernance se trouvent également consacrés à leur tour avec le renforcement du rôle de la Cour des comptes dans le contrôle des finances publiques. Le principe d’équilibre des finances de l’état est également constitutionnalisé. Les conflits d’intérêts, délits d’initiés et pratiques contraires au principe de la concurrence libre et loyale sont interdits. Le Maroc fait de la lutte contre la corruption et la nécessité d’instaurer un contrôle interne efficace des priorités, le but étant d’ancrer les principes de transparence et de responsabilité.

3. Reconnaissance constitutionnelle des symboles de l’identité nationale marocaine

La nouvelle Constitution proclame l’Amazigh langue officielle du Royaume au même rang que l’Arabe. L’Etat continue cependant d’encourager l’apprentissage et la maitrise des langues étrangères les plus utilisées dans le monde, et reconnait l’unicité de son identité nationale enrichie par ses divers affluents. L’organisation territoriale décentralisée du Maroc, grand chantier actuellement en cours de mise en place, est désormais inscrit dans la nouvelle Constitution.

Cette nouvelle Constitution constitue ainsi une évolution positive ancrée dans le processus démocratique du Maroc. Le Parlement et le Chef du Gouvernement se voient accordés une marge de manœuvre plus large. De quoi rassurer la communauté internationale sur la stabilité du pays.

Contact

Marc Veuillot, avocat, directeur de CMS Bureau Francis Lefebvre Maroc

Wilfried Le Bihan, avocat, co-directeur de CMS Bureau Francis Lefebvre Maroc

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Marc Veuillot