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Rapport Boutonnat sur le financement du cinéma et de l’audiovisuel

Vers un plan de relance de l’investissement privé ?

03/10/2019

Le 13 mai 2019, à l’occasion de l’ouverture du Festival de Cannes, le producteur de cinéma Dominique Boutonnat a remis aux ministres de la Culture, de l’Economie et des Finances et de l’Action et des Comptes publics un rapport portant sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles.

Une industrie reconnue mais à la santé fragile

A titre liminaire, le rapport rappelle que la France dispose d’une filière industrielle d’excellence dans les domaines de l’audiovisuel et du cinéma. Elle regroupe ainsi des talents artistiques et techniques, des écoles supérieures de formation, un savoir-faire, des acteurs économiques et un patrimoine culturel reconnus dans le monde entier. L’ensemble de ces atouts lui permet de se placer parmi les premiers producteurs mondiaux de contenus audiovisuels et cinématographiques.

Toutefois, Dominique Boutonnat relève plusieurs fragilités.

Tout d’abord, le financement global de la production audiovisuelle et cinématographique ne progresse plus, baisse légèrement même, depuis quelques années (- 6 % pour la production de films d’initiative française entre 2011 et 2017) alors même que le nombre de contenus produits ne cesse d’augmenter dans le même temps (16 films d’initiative française supplémentaires produits sur la même période).

Un niveau élevé de financement, s’est toutefois maintenu, selon lui, grâce à l’augmentation du financement public (+ 54 % entre 2011 et 2017 pour la production de films d’initiative française). Le financement privé a, de son côté, particulièrement souffert en raison notamment de la baisse des ressources publicitaires et d’abonnements des chaînes historiques, des ventes de DVDs, des financements étrangers et des recettes à l’export. Or, il pourrait s’avérer difficile d’accroître davantage les financements publics. Ils représentent aujourd’hui près d’un quart des financements de la production en raison des contraintes budgétaires pesant sur les comptes publics.

Dominique Boutonnat note ensuite plusieurs facteurs d’inquiétude tels que la fragilité financière des sociétés de production, qui ne disposent pas ou peu de fonds propres et se trouvent dépendantes des modes de financement externes, des investissements insuffisants au stade du développement des œuvres et des débouchés insuffisants à l’export.

Enfin, le rapport met en avant un bouleversement général de l’écosystème actuel dû à l’émergence de nouvelles plates-formes de vidéos à la demande à dimension internationale (telles que Netflix). Il ajoute que si le modèle de financement n’évolue pas, la production française indépendante, qui est habituellement à l’initiative des projets, pourrait être sérieusement fragilisée ou se transformer en un simple prestataire de services de ces plateformes.

La nécessité de renforcer la solidité financière et l’autonomie des entreprises du secteur

Pour faire face à ces mutations et remédier aux fragilités, le rapport juge nécessaire de faire émerger, à moyen terme, des entreprises financièrement solides et autonomes qui seraient notamment capables :

  • d’investir dans le développement de leurs œuvres, afin de pouvoir travailler plus en profondeur leur écriture ;
  • de participer directement à leur financement, au-delà de l’investissement du soutien automatique du Centre du cinéma et de l’image animée - CNC - ou de la mise en participation du salaire producteur ;
  • et de concevoir des œuvres davantage tournées vers un public international. 

Les propositions du rapport sur le financement du cinéma pour atteindre cet objectif

Dominique Boutonnat estime que cette évolution est possible en favorisant l’investissement privé. Pour ce faire, il considère que le secteur doit mettre en place, à court terme, un terrain favorable à l’investissement privé permettant de « rapprocher ce secteur du reste de l’économie réelle ».

Accroître la rentabilité du secteur

Le rapport identifie plusieurs barrières à l’entrée d’investisseurs privés, parmi lesquelles la faible rentabilité de l’actif sous-jacent, c’est-à-dire des sociétés de production et des recettes d’exploitation des œuvres qu’elles produisent.

Afin d’y remédier, il préconise de revaloriser les œuvres, notamment en luttant « de manière exemplaire et sans merci » contre le piratage.

Il recommande ensuite d’aligner les intérêts de tous les financeurs, à savoir le producteur, le distributeur et tout investisseur extérieur, en adoptant un système de traitement égal dit pari passu. Ce système aurait notamment pour conséquence d’intégrer dans le budget du film le minimum garanti et les frais d’édition du distributeur. Le coût global serait ainsi anticipé dès l’établissement du plan de financement (alors qu’il est le plus souvent décidé de manière discrétionnaire par le distributeur). La récupération de ce coût serait alignée sur celle de l’investissement des autres financiers (alors que ce coût est aujourd’hui recouvré avant les autres coûts du film) et le risque pesant aujourd’hui essentiellement sur le distributeur serait désormais partagé avec les autres financiers.

Il propose enfin de valoriser toutes les fenêtres d’exploitation en intéressant davantage les diffuseurs au cinéma (par exemple en réformant la réglementation audiovisuelle limitant le nombre de films et les jours de diffusion à la télévision) et en actualisant régulièrement la chronologie des médias.

Améliorer la transparence de la filière

Dans un secteur où les financiers et intervenants sont souvent nombreux, il est essentiel que les droits de chacun sur les œuvres et leurs recettes soient connus des professionnels. L’industrie dispose déjà de mécanismes destinés à assurer cette transparence tels que le registre public du cinéma et de l’audiovisuel (qui recueille les principaux contrats relatifs à la production et à la distribution des films français) ou les audits de comptes de production et d’exploitation réalisés par le CNC.

Le rapport suggère de valoriser cette transparence en modernisant le registre public du cinéma et de l’audiovisuel, en accélérant les procédures et en développant les audits du CNC.

Il propose surtout la mise en place d’une blockchain afin d’organiser, de manière transparente et inviolable, les remontées de recettes et leur répartition entre les ayants droit. Une fois cette révolution mise en œuvre, le rapport envisage le déploiement de smart contracts organisant de manière automatisée cette répartition des recettes, voire la création d’une monnaie virtuelle.

Mettre en place un écosystème favorable à l’investissement privé

Le rapport souhaite convaincre des investisseurs privés du potentiel du secteur. A cette fin, il préconise de créer un fonds public pour les industries culturelles et créatives et de le doter de 80 à 100 millions d’euros pour la production et la distribution audiovisuelles et cinématographiques. Ce fonds pourrait aider le secteur à atteindre la maturité nécessaire et, si le niveau de rentabilité est suffisant, inciter d’autres fonds à y investir.

Il propose également de mobiliser l’épargne privée en modernisant les dispositifs fiscaux existants, notamment l’investissement dans les sociétés de financement du cinéma et de l’audiovisuel, et en favorisant la mise en place des fonds professionnels (FPCI et FCPR) dédiés aux industries culturelles.

S’appuyer sur le CNC pour accompagner cette transition

Dominique Boutonnat propose de maintenir le rôle central du CNC dans la production française mais souhaite en adapter les missions et la structure afin qu’il puisse accompagner la transition progressive du secteur.

Il recommande ainsi de :

  • redéfinir les priorités en matière d’aide publique, afin que cette dernière soit affectée aux projets dénués de rentabilité pour lesquels l’investissement privé fait défaut ;
  • d’évaluer l’augmentation continue du nombre de films produits ; et
  • de réformer les aides publiques, pour les rendre plus simples et plus lisibles.

Il suggère, par ailleurs, de développer les compétences économiques du CNC en renforçant son analyse économique et financière des entreprises du secteur, en réaffirmant son rôle de tiers de confiance (par la constitution d’une blockchain), et en constituant un pôle de promotion du secteur à l’international regroupant différentes structures telles qu’Unifrance, Film France et TVFI.

Des propositions qui pourraient se matérialiser par des mesures concrètes

Afin de dynamiser l’investissement privé dans le cinéma et l’audiovisuel, le rapport cherche à se rapprocher du secteur de l’économie réelle et à instaurer, dans l’esprit des producteurs, une logique de rentabilité.

Certains éléments de ce rapport, notamment ceux s’inscrivant dans cette logique entrepreneuriale, ont été vivement critiqués par une partie de la profession, laquelle considère qu’il tient insuffisamment compte de l’exception culturelle française.

Ce rapport semble toutefois avoir été accueilli favorablement par les pouvoirs publics. Le président de la République a ainsi annoncé la création d’un fonds d’investissement de 225 millions d’euros à destination des entreprises culturelles et créatives, tel que proposé par le rapport. Il a, par ailleurs, nommé l’auteur du rapport, Dominique Boutonnat, à la présidence du CNC (que le rapport charge d’accompagner la transition envisagée).

On peut donc logiquement s’attendre à certains bouleversements dans l’audiovisuel et le cinéma au cours des prochains mois…


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Cet article a été publié dans notre Lettre Propriétés Intellectuelles d'octobre 2019. Découvrez les autres articles de cette lettre.

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Florentin Sanson
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