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Accusation d’harcèlement moral ou sexuel en entreprise

L’action en diffamation est possible sous condition

16/12/2019

Afin de lutter efficacement contre le harcèlement moral et sexuel en entreprise, le Code du travail a aménagé un dispositif de protection en faveur des témoins et des victimes de harcèlement interdisant qu'ils puissent être licenciés pour avoir fait l'objet ou avoir relaté de tels faits. Néanmoins, la nécessaire protection des intérêts des victimes potentielles de harcèlement ne doit pas se faire au détriment de ceux qui peuvent être accusés à tort de tels actes. La recherche d'un équilibre entre protection de la victime et répression des dénonciations infondées est donc nécessaire. Dans un arrêt récent, la chambre criminelle de la Cour de cassation apporte d'utiles précisions sur l'étendue de l'immunité dont bénéficie l'auteur de la dénonciation (Cass. crim., 26 nov. 2019, n° 19-80.360).

Une action en diffamation en principe impossible

Par une décision rendue le 28 septembre 2016 (n° 15-17.823), la chambre criminelle de la Cour de cassation a énoncé le principe suivant : "la dénonciation par un salarié auprès de son employeur et des organes chargés de veiller à l'application des dispositions du Code du travail des agissements répétés de harcèlement moral dont il s'estime victime ne peut être poursuivi pour diffamation publique", celle-ci étant constituée par "toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé" (loi du 29 juillet 1881, art. 29).

La Cour décide qu'une décision contraire serait de nature à faire obstacle à l'effectivité du droit, reconnu au salarié par les articles L.1152-2, L.1153-3 et L.4131-1 du Code du travail, de dénoncer de tels faits. A charge pour celui qui en est accusé de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un harcèlement (C. trav., art. L.1154-1). En effet, l'article 122-4 du Code pénal prévoit expressément que "n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires". Or, lorsqu'une action en diffamation est engagée, il appartient à la personne poursuivie, c'est-à-dire à l'auteur de la dénonciation, d'établir la véracité des faits allégués (loi du 29 juillet 1881, art.55) ou sa bonne foi (Cass. civ. 2e, 27 mars 2003, n° 00-20.461) pour échapper à une condamnation.   

Cette même décision précise également que lorsque la partie poursuivante établit que le salarié, auteur de la dénonciation, avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la mauvaise foi de celui-ci est caractérisée. Des poursuites pour dénonciation calomnieuse peuvent alors être engagées. Ce délit résulte de la dénonciation d'un fait que l'on sait totalement ou partiellement inexact et qui est de nature à entraîner pour son auteur des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires (C. pén., art.226-10).

Une action possible en cas d'accusations largement diffusées

Une nouvelle décision rendue le 26 novembre 2019 (Cass. crim., 26 nov. 2019, n° 19-80.360) vient préciser les limites de l'immunité pénale dont bénéficie l'auteur d'une dénonciation de harcèlement.

Dans cette affaire, une salariée avait dénoncé des faits d'agression sexuelle et de harcèlement sexuel et moral commis par le vice-président de l'association qui l'employait, dans un courriel adressé depuis sa messagerie électronique au directeur général de l'association, à l'inspecteur du travail, mais aussi à des cadres de l'association, à l'auteur prétendu des faits et à son fils, au directeur spirituel de l'association ainsi qu'à son propre époux.

Le vice-président de l'association mis en cause avait alors déposé plainte pour diffamation à son encontre.

La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel qui avait déclaré la salariée coupable de diffamation, aux motifs suivants :

  • pour bénéficier de l'immunité pénale conférée par l'article 122-4 du Code pénal, l'auteur d'une dénonciation de harcèlement doit réserver la relation de tels agissements à son employeur ou à des organes chargés de veiller à l'application des dispositions du Code du travail et non comme en l'espèce, l'avoir aussi adressé à des personnes ne disposant pas de ces qualités. L'action en diffamation est donc possible ;
  • pour s'exonérer de sa responsabilité, il appartient alors à la personne poursuivie d'établir la réalité des faits dénoncés ou sa bonne foi.

En l'espèce, le juge a constaté que s'il existe des éléments permettant d'établir la réalité d'un harcèlement moral, voire sexuel dans la perception qu'a pu avoir la salariée, rien ne permet de prouver l'existence de l'agression sexuelle pour laquelle :

  • elle n'a pas déposé plainte ;
  • elle ne peut produire ni certificat médical, ni attestation de personnes qui auraient pu avoir connaissance, si ce n'est des faits, du moins de son désarroi. 

Dans ces conditions, la salariée ne peut bénéficier de l'excuse de bonne foi, "les propos litigieux ne disposant pas d'une base factuelle suffisante". Le délit de diffamation publique est donc constitué.

Après avoir admis que la mauvaise foi de l'auteur de la dénonciation permet à la personne mise en cause d'engager des poursuites pour dénonciation calomnieuse, la Cour lui reconnaît la possibilité de poursuivre l'auteur de la dénonciation en diffamation publique à la condition que l'accusation ait été diffusée largement, au-delà "des organes chargés de veiller à l’application des dispositions du Code du travail". Le juge ne précise pas quelles sont les personnes qui doivent être destinataires de la dénonciation. Le salarié qui aura donné à sa dénonciation un caractère public (réseaux sociaux, presse, communication à l’ensemble du personnel, etc.), sans se limiter aux seules personnes strictement nécessaires (employeur, DRH, médecin du travail, représentants du personnel, référent harcèlement sexuel, inspecteur du travail) s'exposera à des poursuites pénales.

 
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