Home / Publications / Adoption par le Sénat du projet de loi « Grenelle...

Adoption par le Sénat du projet de loi « Grenelle II » : quelles conséquences pour les éoliennes ?

11/12/2009

Le projet de loi portant engagement national pour l’environnement a été adopté par le Sénat le 8 octobre dernier. Des dispositions non négligeables pour la filière éolienne ont été votées au cours du débat sur le texte du projet de loi, dispositions qui sont considérées par certains parlementaires et acteurs de la filière comme autant de verrous supplémentaires imposés au développement de l’éolien terrestre.

Modification des critères de création des Zones de développement éolien (ZDE) :

L’article 10-1 de la loi du 10 juillet 2000, tel qu’issu de la loi du 13 juillet 2005, dispose actuellement que les zones de développement de l'éolien sont définies par le préfet du département en fonction de leur potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés.

L’article 34-I du projet de loi entend ajouter de nouveaux critères dans la définition des ZDE: la préservation de la sécurité publique, de la biodiversité ainsi que la préservation du patrimoine archéologique.

L’introduction de ces nouveaux critères va ainsi rendre plus contraignante la création de zones de développement de l’éolien terrestre.

Rappelons que l’ajout de ces critères a fait l’objet de vifs débats devant l’Assemblée Nationale, où il a pu être rappelé qu’une ZDE était un instrument de planification électrique qui n’avait pas vocation à faire état d’une analyse aussi détaillée que celle réalisée dans l’étude d’impact jointe au dossier de demande de permis de construire.

Il est ainsi à craindre que le dossier de création des ZDE ne devienne excessivement lourd pour les collectivités locales. En outre, le projet de texte n’aborde pas la question de l’entrée en vigueur de cette disposition. Est-ce à dire que les projets de ZDE devront être modifiés au vu des ces nouvelles dispositions si l’arrêté de création des ZDE n’a pas été publié avant la promulgation de la loi ?

Adoption du principe de soumission des éoliennes au régime des Installations classées pour la protection de l’environnement :

Soumission des éoliennes au régime ICPE: Aux termes de l’article 34 du projet de loi, les éoliennes seraient placées sous le régime des Installations classées pour la protection de l’environnement, l’amendement visant à supprimer les dispositions soumettant les éoliennes à ce régime n’ayant pas été adopté.

Corrélativement, le projet de loi prévoit l’abrogation de l’article L. 553-2 du code de l’environnement. Pour rappel, cet article soumet actuellement l’implantation d’une ou plusieurs éoliennes dont la hauteur de mât est supérieure à 50 mètres à la réalisation préalable d’une étude d’impact (1) et d’une enquête publique.

Cette abrogation est logique dans la mesure où le dossier déposé par le futur exploitant d’une Installations classées pour la protection de l’environnement doit contenir l’étude d’impact prévue à l’article L. 122-1 du Code de l’environnement et où la procédure d’instruction de la demande comporte notamment une enquête publique régie par les articles R. 512-14 et suivants du code de l’environnement.

Certes, l’article 34 précise que les dispositions relatives au classement des éoliennes dans la nomenclature des Installations classées pour la protection de l’environnement ne seront pas applicables aux projets pour lesquels un arrêté d’ouverture d’enquête publique aura été pris avant le classement des éoliennes dans la nomenclature (2) .

En outre, les installations ayant fait l’objet d’une étude d’impact et d’une enquête publique, et bénéficiant d’un permis de construire définitif pourront être mises en service et exploitées conformément aux prescriptions qui leurs étaient applicables avant leur classement. Pour ce faire, l’exploitant devra se faire connaître du préfet dans l’année qui suit la publication du décret incluant les éoliennes dans la nomenclature des ICPE.

Il n’en reste pas moins qu’une telle classification pourrait être de nature à préjudicier au développement des éoliennes – et par là même à répondre aux objectifs européens à atteindre en 2020 - de par la confusion que fera inéluctablement naître un tel classement, les installations classées étant souvent associées aux sites industriels polluants susceptibles de poser des problèmes en termes de sécurité.

Rappelons que comité opérationnel n° 10 sur les énergies renouvelables, réuni dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, s’était opposé à un tel classement et que le Rapporteur, Bruno Sido, avait déclaré en commission que le classement des éoliennes en ICPE « ne l’enthousiasmait pas » considérant qu’il s’agissait « d’un mauvais signal que l’on envoie à la population et un gage que l’on donne aux opposants à cette forme d’énergie ».

Maintien des garanties financières : Le projet de loi maintient l’obligation, pour l’exploitant d’une installation produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent, de constituer des garanties financières pour le démantèlement des éoliennes et la remise en état du site à la fin de l'exploitation.

Raccourcissement du délai de recours des tiers : Parallèlement à la soumission des éoliennes au régime ICPE, le Sénat a réduit le délai de recours des tiers contre les décisions prises au titre de cette règlementation (arrêté d’autorisation, arrêté d’enregistrement, récépissé de déclaration). Celui-ci a été ramené à 6 mois à compter de la publication ou de l’affichage desdites décisions, au lieu du délai de quatre ans prévu à l’article L. 514-6 du code de l’environnement.

Un délai de recours aussi long aurait été un facteur d'insécurité juridique majeur pour les porteurs de projets d'éoliennes, a fortiori dans la mesure où le délai de recours des tiers actuellement applicable contre les permis de construire est de deux mois à compter du premier jour d’affichage du permis sur le terrain.

Inopposabilité des documents d’urbanisme aux éoliennes : Autre atténuation votée par le Sénat : les dispositions du Plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu relatives aux installations classées ne seraient pas applicables aux éoliennes dès lors que celles-ci ont été approuvées avant l’entrée en vigueur de la loi.

Sont notamment visées les dispositions particulières de limitation ou d'interdiction concernant les installations classées figurant dans les documents d’urbanisme. Le basculement des éoliennes dans le régime ICPE serait revenu à interdire, au titre de la règlementation de d'urbanisme, de nombreux sites qui sont actuellement propices pour le développement de l'éolien dès lors que le règlement de zone interdirait l’implantation d’installations classées.

Report d’un an de l’intégration dans le régime ICPE : Il était initialement proposé d’intégrer les éoliennes dans le régime des installations classées au 1er janvier 2010. Ce délai a été jugé manifestement trop bref, un décret en Conseil d'Etat modifiant la nomenclature des installations classées, puis un arrêté ministériel fixant les règles techniques applicables aux éoliennes étant nécessaires. L’article 34 prévoit ainsi de reporter à un an après la publication de la loi l'abrogation de l'article L. 553-2 du code de l'environnement qui prépare le passage sous le régime ICPE.

Dispense de permis de construire pour les éoliennes en mer

Les éoliennes en mer sont actuellement soumises à trois procédures d'autorisation : l'étude d'impact et l'enquête publique spécifiques aux éoliennes, l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public, et le permis de construire. Le projet de loi, tel qu’adopté par le Sénat, modifie l’article L. 421-5 du code de l’urbanisme relatif aux dispenses d’autorisation d’urbanisme et insère un alinéa visant les constructions, aménagements, installations et travaux implantés « en mer, sur le domaine public maritime immergé au-delà de la laisse de la basse mer ».

Objectif de production d’électricité

L’article 34 bis introduit dans le projet de loi une programmation pluriannuelle de l’énergie mécanique du vent afin d’atteindre l’objectif de 25.000 MW en 2020, à savoir :

  • pour la période 2009-2011 : 4.500 MW de production installée
  • pour la période 2012-2014 : 5.000 MW de production installée
  • pour la période 2015-2017 : 5.500 MW de production installée
  • pour la période 2018-2020 : 6.000 MW de production installée

Cet article s’inscrit dans le prolongement de la loi dite Grenelle 1 fixant un objectif de production à l’échéance 2020.

Obligation d’achat

L'article L. 2224-32 du code général des collectivités territoriales autorise actuellement les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à aménager et à exploiter des installations hydroélectriques, des installations utilisant les autres énergies renouvelables, des installations de valorisation des déchets ménagers, ou des installations de cogénération. Le même article précise que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale bénéficient, à leur demande, de l'obligation d'achat de l'électricité dans les conditions prévues à l'article 10 de la loi du 10 février 2000 précitée.

L’article 33 du projet de loi a introduit cette même possibilité pour les départements et les régions. Ceux-ci pourront désormais, sur leurs territoires respectifs, aménager, exploiter, faire aménager et faire exploiter dans les conditions prévues par le code général des collectivités territoriales des installations de production d'électricité et bénéficier, à leur demande, de l'obligation d'achat de l'électricité.

Ce projet de loi sera examiné par l’Assemblée Nationale au début de l’année 2010 et pourra encore faire l’objet de modifications. Seul le vote d’amendements au sens contraire pourrait être de nature à empêcher notamment le classement des éoliennes en Installations classées pour la protection de l’environnement.

Il est légitime de s’inquiéter de l’adoption de certaines de ces dispositions alors même que, à la suite du Grenelle de l’environnement, le gouvernement a affiché un objectif ambitieux pour la filière éolienne d’atteindre une production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent de 25.000 MW en 2020.


(1) Qui est jointe au dossier de demande de permis de construire article R.431-16 du code de l'urbanisme
(2) A cet égard, il sera essentiel de veiller à ce que la publication de tels arrêtés ne soit pas ralentie


Article rédigé par Céline Cloché-Dubois
A paraître dans la Revue Energie et Développement Durable de Janvier 2010

Auteurs

Céline Cloché-Dubois
Avocat