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Assurance et Covid-19

Le risque pandémique est-il couvert ?

03/08/2020

De nombreuses interrogations se posent aujourd’hui sur les modalités d’indemnisation, par les compagnies d’assurance, des préjudices résultant de la pandémie de Covid-19.

Si les discussions se cristallisent surtout autour de l’étendue et de la mise en jeu des garanties de pertes d’exploitation, les mécanismes généraux du droit des assurances doivent être considérés, et les enjeux économiques et réputationnels pour les assureurs ne peuvent être négligés.

Classiquement, la garantie de pertes d’exploitation couvre les pertes de chiffre d’affaires subies par l’assuré qui sont la conséquence directe d’un dommage matériel affectant un bien garanti, nécessaire à l’activité professionnelle. L’indemnité alors versée permettra de compenser la baisse de chiffre d’affaires liée à l’interruption de l’activité causée par le dommage lui-même (ex : un incendie qui détruit un commerce).

Or, les pertes subies par les professionnels du fait de la pandémie de Covid-19 résultent de la seule fermeture des établissements, et sont donc décorrélées de tout dommage aux biens. Elles ne sont donc généralement pas couvertes par la garantie des pertes d’exploitation.

Seule la garantie de pertes d’exploitation dite « sans dommage », à condition qu’elle soit prévue au contrat, permettrait de couvrir les pertes récemment subies par les professionnels. 

Selon l’étude réalisée par l’ACPR, seuls 2,6 % des assurés seraient garantis effectivement contre le risque pandémique, leurs contrats garantissant les pertes d’exploitation quelle qu’en soit la cause et ne comportant aucune exclusion de ce risque, alors que plus de 93 % des contrats ne permettraient pas l’indemnisation des pertes liées au Covid-19[1].

Pour les 4 % restants, la couverture est incertaine, souvent en raison de la rédaction de la clause d’exclusion, dont l’application peut prêter à discussion et pourrait nécessiter d’être soumise à l’appréciation du juge.

Un paradoxe s’installe alors. On sait que, s’agissant de contrats d’adhésion dans le doute, le contrat d’assurance doit être interprété dans un sens favorable à l’assuré [2]. En ce qui concerne les clauses d’exclusion cependant, le Code des assurances subordonne la validité de ces clauses à leur caractère formel et limité[3]. La jurisprudence retient ainsi qu’une clause d’exclusion est nulle dès lors qu’elle doit être interprétée.[4]

On peut alors s’interroger sur l’ampleur exacte de la marge de manœuvre du juge dans l’interprétation d’une clause d’exclusion et s’attendre à un contentieux fourni sur le sujet du Covid-19.

Un premier exemple des problématiques posées à cet égard nous a été fourni par l’ordonnance de référé parisienne rendue le 22 mai 2020 dans l’affaire opposant AXA à un restaurateur. Le juge des référés y a procédé à une analyse précise des termes du contrat pour considérer que la garantie s’appliquait, tout en considérant que les nombreux moyens soulevés en défense (sur le caractère inassurable du risque et l’interprétation du champ de la garantie notamment) ne constituaient pas une contestation sérieuse.[5]

Ayant d’abord annoncé son intention d’interjeter appel à l’encontre de cette décision, l’assureur aurait finalement trouvé un accord avec son assuré. On ne saurait, en effet, négliger les conséquences de ce type de contentieux qui, au-delà des précédents jurisprudentiels qu’ils peuvent créer, présentent un risque réputationnel important pour les assureurs. On pensera ici à l’assureur du festival Hellfest, dont la presse a très largement relayé le litige l’opposant aux organisateurs de l’édition 2020 annulée, assureur et assuré s’opposant durement sur l’interprétation qu’il convient de retenir d’une clause d’exclusion visant le SRAS.

Dans un tel contexte, certains assureurs acceptent d’indemniser des sinistres dont la couverture pourrait pourtant être discutée. L’ACPR met alors en garde : ces gestes commerciaux ne doivent pas priver les assurés de leur droit de recours en cas de contestation de l’étendue de la garantie. On peut, par ailleurs, s’interroger sur leur légitimité dès lors qu’indemniser certains sinistres en allant au-delà des obligations strictes du contrat pourrait mettre en danger la capacité des assureurs à faire face à leurs engagements à l’égard d’autres assurés.

Nul doute que le secteur tirera ses propres leçons de cette crise sanitaire sans précédent.


[1] Communiqué de presse de l’ACPR du 23 juin 2020 : Garantie « pertes d’exploitation » : l’état des lieux de l’ACPR
[2] Article 1190 du Code civil et article L. 211-1 du Code de la consommation.
[3] Article L. 113-1 du Code des assurances.
[4] Civ. 2e, 22 mai 2001, n° 99-10.849.
[5] Président du Tribunal de commerce de Paris, Ordonnance de référé, 12 mai 2020, n°2020017022


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Anne Renard
Avocate
Paris
Cécile Gimonet