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Flash info Algérie | Refonte du code des marchés publics algérien

03/12/2010

Décret présidentiel n°10-236 du 7 octobre 2010 portant réglementation des marchés publics, abrogeant le décret présidentiel n°02-250 du 24 juillet 2002

Le texte portant nouveau code des marchés publics (ci-après, le « Code ») vient d’être publié au journal officiel. Ses dispositions étaient attendues avec beaucoup d’intérêt par les opérateurs économiques nationaux et internationaux concernés par la passation de marchés publics en Algérie.

Il est utile de rappeler que le code des marchés publics dans sa version modifiée et complétée datant de 2002, avait déjà fait l’objet de certains aménagements introduits par :

  • l’instruction du premier ministre datant du 21 décembre 2009 imposant aux cocontractants, nationaux ou étrangers, ainsi qu’à leurs sous-traitants de signer une déclaration de probité morale avant de soumissionner pour l’obtention des marchés publics en Algérie ;
  • les dispositions de l’article 55 de la loi de finances complémentaire (LFC) pour 2010 qui prévoient que « Les cahiers des charges des appels d'offres internationaux doivent prévoir l'obligation, pour les soumissionnaires étrangers, d'investir dans le cadre d'un partenariat, dans le même domaine d'activité, avec une entreprise de droit algérien, dont le capital est détenu majoritairement par des nationaux résidents. Les modalités d'application des dispositions du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre chargé du commerce ».

Selon le communiqué du conseil des ministres du 11 juillet 2010 faisant suite à l’adoption du Code, trois objectifs sont visés à travers cette nouvelle rédaction, à savoir :

  • garantir la transparence dans les procédures d'approbation des marchés publics ;
  • consolider les instruments de prévention et de lutte contre la corruption ;
  • promouvoir la participation de l'entreprise et de la production nationales à la satisfaction de la commande publique.

Sans prétendre à aucune exhaustivité, nous développerons dans ce qui suit les principales dispositions du code des marchés publics.

Un encadrement strict des procédures de passation des marchés publics

Le décret présidentiel n°10-236 pose les fondements d’un encadrement strict des règles de passation des marchés publics, en prévoyant notamment :

  • l’obligation d'intégrer dans le contenu de l'offre technique, des documents attestant le fait que les obligations sociales et fiscales du soumissionnaire sont remplies (art. 51) ;
  • la codification de l’obligation de la signature par le soumissionnaire à un appel d'offres public, d'une déclaration de probité, et l'introduction d'une clause anti-corruption notifiant aux soumissionnaires les sanctions pénales encourues en cas de violation de la législation en vigueur (art. 51) ; 
  • l'exclusion de la participation aux marchés publics de tout opérateur ayant violé la législation et la réglementation protégeant les deniers publics. Il s’agit notamment des opérateurs en état de faillite et de déclaration judiciaire, de ceux qui ne justifient pas du dépôt légal de leurs comptes sociaux ou plus généralement, des opérateurs qui sont inscrits au « fichier national des fraudeurs » (art. 52) ;
  • la généralisation de l’application du Code aux entreprises publiques économiques et établissements publics, indépendamment du fait que l’Etat finance ou ne finance pas les projets qu’ils sont chargés de réaliser. Dans le cas où l’Etat n’apporte aucun concours financier, ces derniers sont tenus d’adopter et de valider par leurs organes sociaux ou leurs conseils d’administration, le Code des marchés publics. Il est néanmoins à noter que le Conseil des Participations de l’Etat et le ministre de tutelle, chacun en ce qui le concerne, peuvent, en cas de nécessité impérieuse, déroger à ces dispositions (art. 2) ;
  • la circonscription de la procédure du gré à gré à certains cas. Cette procédure exceptionnelle est limitée aux cas suivants énumérés à l’article 43 du Code : 
    - « ... [...] 
    - quand les prestations ne peuvent être exécutées que par un partenaire cocontractant unique qui détient soit une situation monopolistique, soit, à titre exclusif, le procédé technologique retenu par le service contractant ; 
    - dans les cas d’urgence impérieuse motivée par un danger imminent que court un bien ou un investissement déjà matérialisé sur le terrain et qui ne peut s’accommoder des délais de l’appel d’offres, à condition que les circonstances à l’origine de cette urgence n’aient pu être prévues par le service contractant et n’aient pas été le résultat de manœuvres dilatoires de sa part ; 
    - dans le cas d’un approvisionnement urgent destiné à sauvegarder le fonctionnement de l’économie ou les besoins essentiels de la population, à condition que les circonstances à l’origine de cette urgence n’aient pu être prévues par le service contractant et n’aient pas été le résultat de manœuvres dilatoires de sa part ; 
    - quand il s’agit d’un projet prioritaire et d’importance nationale. Dans ce cas, le recours à ce mode de passation exceptionnel doit être soumis à l’accord préalable du conseil des ministres ;
    - quand un texte législatif ou règlementaire attribue à un établissement public un droit exclusif pour exercer une mission de service public. La liste des établissements concernés sera déterminée par un arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre concerné ; 
    - quand il s’agit de promouvoir l’outil national public de production. Dans ce cas, le recours à ce mode de passation exceptionnel doit être soumis à l’accord préalable du conseil des ministres.
  • la création d'un observatoire de la commande publique destiné à recenser et analyser les données économiques relatives aux marchés publics. 

Un soutien accru à la promotion de la production nationale

Le décret présidentiel n°10-236 prévoit notamment :

  • l'encouragement des services contractants à recourir à l'allotissement des projets, pour permettre aux entreprises algériennes de participer davantage à la réalisation des programmes d'investissements publics ;
  • le relèvement de 15% à 25% de la marge maximale de préférence reconnue à l'entreprise locale dont le capital est majoritairement national, ainsi qu'aux produits et services locaux, lors des soumissions aux marchés publics ; 
  • l'obligation de recours exclusivement à l'appel d'offres national, lorsque la production nationale ou l'outil local de production est en mesure de satisfaire le besoin du service contractant ;
  • la codification des dispositions de la LFC pour 2010 instituant l’obligation pour les soumissionnaires étrangers de s’engager dans le cahier des charges des appels d’offres internationaux à créer un partenariat d'investissement avec une entreprise de droit algérien dont le capital est détenu majoritairement par des nationaux résidents.

La rédaction de l’article 24 du Code apporte des clarifications sur le contenu du dossier d’appels d’offres. Ce dernier devrait en effet, contenir une liste non limitative d’entreprises de droit algérien dont le capital est détenu majoritairement par des nationaux résidents, susceptibles de concrétiser une opération de partenariat avec le soumissionnaire étranger.

Le non-respect par le soumissionnaire étranger de l’engagement suscité, entraîne :

  • la résiliation du marché si, avant sa concrétisation, le partenariat n’est pas mis en œuvre ;
  • le cas échéant, l’application de pénalités financières pouvant aller jusqu’à vingt pour cent (20 %) du montant du marché ;
  • l’inscription de l’entreprise étrangère, ayant failli à son engagement, sur une liste d’entreprises interdites de soumissionner aux marchés publics.

Il convient de noter que sont concernés par ces dispositions les marchés de travaux de fournitures, d’études et de services.

Les termes généraux de l’article en question nous laissent supposer qu’a priori, et sous réserve d’une position contraire des autorités, l’engagement d’investissement dans le cadre d’un partenariat s’entendrait de la création d’une entité de droit algérien. Il reste cependant qu’à ce stade, nous n’avons pas connaissance de commentaires supplémentaires pour savoir si tous les secteurs d’activité seront concernés et dans quelle proportion capitalistique ce partenariat devrait se matérialiser.

Une codification des pratiques existantes

Dans une pratique bien établie, les entreprises algériennes avaient tendance pour des marchés publics d’envergure à constituer des groupements (avec ou sans personnalité morale). Le Code semble consacrer cette pratique en apportant un certain nombre de clarifications telles que :

  • l'obligation pour tout soumissionnaire dans le cadre d’un groupement de ne se prévaloir que de ses propres qualifications et références professionnelles (art. 39) ;
  • la possibilité de soumissionner dans le cadre d’un groupement, lorsque l’intérêt de l’opération le justifie doit être prévu dans le cahier des charges de l’appel d’offres, sous réserve du respect des règles relatives à la concurrence (art. 59) ;
  • les soumissionnaires, dans le cadre d’un groupement d’entreprises, doivent intervenir sous la forme de groupement solidaire ou de groupement conjoint. Ces notions sont définies comme suit : 
    - le groupement est solidaire lorsque chacun des membres du groupement est engagé pour l’exécution de la totalité du marché; 
    - le groupement est conjoint lorsque chacun des membres du groupement s’engage à exécuter la ou les prestations qui sont susceptibles de lui être attribuées dans le marché ; 
    - le mandataire du groupement conjoint est obligatoirement solidaire, pour l’exécution du marché, de chacun des membres du groupement pour ses obligations contractuelles à l’égard du service contractant.
  • le bénéfice de la marge préférentielle nationale de 25% dans le cadre de groupement est soumis à la justification des parts détenues par l’entreprise de droit algérien et l’entreprise étrangère, en termes de tâches à réaliser et leurs montants.

Auteurs

Portrait deSamir Sayah
Samir Sayah
Jean-Jacques Lecat