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Le droit individuel à la formation à l'épreuve du contrat de travail à durée déterminée

16/12/2005

Le DIF permet aux salariés de suivre, à leur initiative et en principe en dehors du temps de travail, des formations financées par l'entreprise.

L'article L.933-1 du Code du travail prévoit que « Tout salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, à l'exclusion des [contrats d'apprentissage et des contrats de professionnalisation], disposant d'une ancienneté d'au moins un an dans l'entreprise qui l'emploie, bénéficie chaque année d'un droit individuel à la formation d'une durée de 20 heures (...)».

Parallèlement, l'article L.931-20-2 du Code du travail dispose que « les salariés employés en vertu d'un contrat de travail à durée déterminée peuvent bénéficier du droit individuel à la formation prévu à l'article L.933-1 du Code du travail, prorata temporis, à l'issue du délai de quatre mois fixé au b de l'article L.931-15 ».

L'appréciation de la condition d'ancienneté soulève en pratique des difficultés. Il en va de même pour la mise en oeuvre de ce droit. Le renvoi aux dispositions applicables aux CDI est insuffisant, la situation de ces deux catégories de salariés étant différente.
La première des interrogations concerne l'appréciation de la condition d'ancienneté pour l'ouverture du droit à DIF.

L'article L.931-20-2 du Code du travail prévoit que les salariés employés en vertu d'un CDD peuvent bénéficier du DIF à l'issue du délai de 4 mois fixé au b de l'article L.931-15.

L'article L. 931-15, portant sur le congé individuel formation, prévoit, dans son alinéa b, une condition d'ancienneté de 4 mois, consécutifs ou non, sous CDD au cours des 12 derniers mois.

La lecture combinée de ces deux articles indique donc que les salariés en CDD peuvent bénéficier du DIF à l'issue d'un délai de 4 mois, consécutifs ou non, sous CDD au cours des 12 derniers mois.

La condition d'ancienneté ainsi formulée donne lieu à deux interrogations.

  • Tout d'abord, on peut se demander si on doit prendre en considération, pour apprécier l'ancienneté de quatre mois, l'ensemble des CDD réalisés au cours des 12 derniers mois, même si le salarié a travaillé pour différentes entreprises, ou si l'on ne doit prendre en compte que les CDD réalisés chez le même employeur.
  • Par ailleurs, et si cette condition d'ancienneté est appréciée chez différents employeurs, on peut se demander si la durée du contrat exécuté auparavant dans une autre entreprise doit être prise en compte par le nouvel employeur pour le calcul des droits de l'intéressé.

La réponse à apporter à la première question reste incertaine, en l'absence de précision textuelle. Les débats parlementaires n'ont pas véritablement abordé le sujet, même si les discussions laissent transparaître un souhait de favoriser l'accès à la formation de cette catégorie de salarié et de prendre en considération leur situation particulière, caractérisée notamment par un changement fréquent d'employeurs 1.

Pour nourrir la réflexion, différents éléments peuvent cependant être pris en compte.
Il y a tout d'abord un rapprochement possible avec la condition d'ancienneté à remplir pour les salariés en CDI, qui doivent bénéficier d'une année d'ancienneté dans l'entreprise pour bénéficier de ce droit (article L.933-1 du Code du travail). Un raisonnement a contrario pourrait donc conduire à admettre qu'en l'absence d'une telle précision pour les salariés travaillant en CDD, l'ensemble des contrats exécutés chez différents employeurs, sur une période de 12 mois, doit être pris en compte.

Mais cette considération n'est pas suffisante pour résoudre la difficulté. En effet, en droit du travail, la définition de l'ancienneté s'apprécie en principe au sein d'une même entreprise ou d'un même groupe.

Par ailleurs, l'article L.931-15 du Code du travail conditionne l'accès au dispositif du CIF à deux conditions d'ancienneté, en distinguant entre une condition d'ancienneté de 24 mois, consécutifs ou non, en qualité de salarié, et une condition d'ancienneté de 4 mois, consécutifs ou non, sous CDD.

Ces deux éléments pourraient être invoqués pour retenir une solution permettant d'apprécier l'ancienneté réalisée chez un seul employeur.

Certains accords de branche ont résolu la question, en indiquant que la condition d'ancienneté s'apprécie dans l'entreprise, permettant de mettre fin aux interrogations sur ce point 2.

Si on décide de retenir une condition d'ancienneté appréciée chez différents employeurs, la question se pose de savoir comment se calculent les droits acquis dans le cadre du DIF.

La même lecture combinée des deux articles L.931-20-2 et L.931-15 permet à une partie de la doctrine de tirer de cet argument de texte la conclusion selon laquelle la durée d'un CDD réalisé chez un autre employeur devrait être prise en compte dans l'acquisition des droits (et non plus seulement dans la réalisation de la condition d'ancienneté) 3.

Cette interprétation va cependant au-delà de ce qu'a prévu la Loi.

En effet, le transfert d'un droit d'un employeur à un autre est un dispositif d'exception par rapport au droit commun et devrait donc être prévu expressément par les textes pour pouvoir lui être imposé.

Ainsi, en l'absence d'une telle disposition en ce sens, il paraît difficile d'imposer à un employeur de supporter et de financer des droits qui n'ont pas été acquis au sein de son entreprise.

Pour la mise en oeuvre du DIF, l'article L.931-20-1 renvoie aux articles L.933-3 à L.933-6, relatifs aux CDI.

La transposition n'étant pas toujours évidente, la mise en oeuvre pratique de ce DIF pour les salariés en CDD suscite de nombreuses interrogations, notamment concernant le moment où ces heures peuvent être utilisées.

Deux possibilités semblent envisageables :

  • Utilisation des droits acquis en cours de contrat

Les dispositions concernant la mise en oeuvre de la formation sont communes aux salariés embauchés sous CDI et ceux embauchés sous CDD.

Ces textes ne prévoient pas qu'il soit nécessaire d'acquérir un nombre d'heures minimales de droit au DIF pour pouvoir demander à bénéficier d'une formation.

Ainsi, le salarié embauché en CDD peut, dès lors qu'il a l'ancienneté requise, demander à tout moment à ce que les droits qu'il a acquis soient mobilisés à son profit.

Les heures de formation se dérouleront alors en dehors de son temps de travail.

Certes, dans cette hypothèse, le salarié ne peut utiliser tous ses droits avant la fin du contrat, mais tel est le cas également pour un salarié embauché sous CDI, qui peut quitter l'entreprise (quelque soit le mode de rupture) alors qu'il n'a pas utilisé tous les droits acquis.

Dans ce cas, il convient de s'interroger sur les modalités d'utilisation du droit au DIF à l'issue du contrat.

  • Utilisation des droits au DIF à l'issue du contrat à durée déterminée

La Loi ne précise pas ce que deviennent les droits à formation non utilisés au terme du contrat à durée déterminée.

On peut se demander si le salarié en CDD peut utiliser ses droits à DIF à l'issue de son contrat, alors qu'il ne travaille plus chez l'employeur ou si au contraire, l'arrivée du terme du CDD lui fait perdre les droits acquis non utilisés.

Cette dernière solution semble trop rigoureuse, et ne reflète pas à notre sens la volonté du législateur, ni celle des partenaires sociaux 4.

Par ailleurs, le renvoi aux dispositions applicables lors de la rupture du CDI semble au contraire laisser entendre que la fin du CDD n'entraîne pas la perte des droits au DIF. Mais les textes restent muets sur les solutions pratiques.

La mise en parallèle avec les modalités d'utilisation des droits au DIF en cas de rupture du CDI permet fournir des solutions concrètes. Il est en effet prévu, pour les salariés en CDI que l'employeur doit informer le salarié dans la lettre de licenciement (sauf faute grave ou lourde) de ses droits à DIF et que ce dernier peut demander à en bénéficier, dès lors qu'il en fait la demande avant la fin du préavis, c'est-à-dire avant la fin de son contrat de travail. En revanche, et si la demande n'est pas faite dans ce délai, les droits aux DIF sont perdus 5.

L'action de formation peut quant à elle se dérouler après la fin du préavis, dès lors que le salarié en a fait la demande dans le délai requis.

Il serait possible d'envisager un mécanisme proche pour les salariés en CDD, impliquant notamment :

  • l'information du salarié quelque temps avant la fin de son CDD (un mois par exemple) en lui précisant les droits acquis, la possibilité de les utiliser sous condition d'en faire la demande avant la fin du contrat et qu'à défaut, les droits seront perdus,
  • Si le salarié répond positivement à la proposition, il conviendra alors d'organiser la formation, éventuellement après la fin du contrat.

Cette solution permet notamment une cohérence avec les mécanismes mis en place pour les salariés titulaires d'un CDI, ce qui en simplifie la gestion pour l'employeur et permet d'être mieux compris par les salariés concernés.

1 Débats parlementaires de l' Assemblée Nationale
2 Voir par exemple l'avenant du 27 juillet 2005 (non étendu) à l'accord du 8 novembre 2004 portant sur la formation professionnelle du personnel des entreprises de courtage d'assurance ou de réassurance, qui prévoit, dans son article 22 alinéa 3, une condition d'ancienneté de 4 mois pour les CDD, qui s'apprécie dans l'entreprise.
3 La Formation Professionnelle, Dossiers pratiques, édition Francis Lefebvre
4 Voir notamment l'accord national interprofessionnel du 20 décembre 2003, chapitre 3, section 2, article 2-14
5 Article L.933-6 du Code du travail

Article paru dans la revue Décideurs n°69 - 15 septembre - 15 octobre 2005


Authors:

Françoise Albrieux-Vuarchex, Claire-Hélène Berny, Avocats CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon