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Harcèlement moral : quelles conséquences sur la rupture du contrat de travail ?

Flash info Droit social

14/02/2019

Cass. soc., 30 janv. 2019, n° 17-31.473
Cass. soc., 23 janv. 2019, n° 17-21.550

Dans deux affaires récentes, la Cour de cassation se prononce une nouvelle fois sur les incidences d’un harcèlement moral sur la validité de la rupture du contrat de travail. Si cette situation n’est pas de nature à remettre en cause la validité d’une convention de rupture conventionnelle signée par le salarié (Cass. soc., 23 janv. 2019, n° 17-21.550), elle constitue une cause de nullité du licenciement prononcé en raison de l’absence prolongée du salarié qui en a découlé (Cass. soc., 30 janv. 2019, n° 17-31.473). Décryptage.

Pas de licenciement pour absence prolongée due à un harcèlement moral

Si un salarié ne peut être licencié en raison de sa maladie, puisqu'une telle mesure serait manifestement discriminatoire, rien ne s’oppose, en revanche, au prononcé d'un licenciement fondé sur les conséquences de l’absence du salarié sur le fonctionnement de l’entreprise. La jurisprudence a progressivement précisé les conditions requises pour procéder à ce type de licenciement :

  • des absences fréquentes et répétées ou une absence prolongée, ce qui suppose que les périodes de garantie d’emploi éventuellement prévues par les conventions collectives aient pris fin (Cass. soc., 23 janv. 2013, n° 11-28.303) ;
  • une absence désorganisant l’entreprise et non ses services ou établissements (Cass. soc., 2 déc. 2009, n° 08-43.486 ; Cass. soc., 23 janv. 2013, n° 11-28.075 ; Cass. soc., 23 mai 2017, n° 14-11.929) ;
  • une nécessité de remplacer définitivement le salarié ce qui suppose qu’un recrutement soit effectué dans l’entreprise (Cass. soc., 4 juin 1998, n° 96-40.308 ; Cass. soc., 25 janv. 2012, n° 10-26.502), même sur un autre poste (hypothèse d'un remplacement "en cascade"; Cass. soc., 26 janv. 2011, n° 09-71.907).

Toutefois, même lorsque toutes ces conditions sont réunies, l’employeur peut être empêché de procéder au licenciement sur ce motif en raison du manquement qui lui est imputable. C’est ce qu’illustre l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 janvier 2019 (n° 17-31.473).

Dans cette affaire, une salariée, gestionnaire de paie et administration du personnel ayant plus de 35 ans d’ancienneté, est licenciée pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et nécessitant son remplacement définitif après plusieurs arrêts de travail pour accident du travail puis pour maladie. Elle saisit alors le conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir la nullité de son licenciement en raison du harcèlement moral qu’elle estimait avoir subi.

La chambre sociale énonce tout d’abord le principe selon lequel "lorsque l’absence prolongée du salarié est la conséquence du harcèlement moral dont il a fait l’objet, l’employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que cette absence a causé au fonctionnement de l’entreprise". Elle confirme ensuite la décision des juges du fond qui, pour décider que le licenciement était nul, ont retenu l’existence d’un harcèlement moral ayant eu des répercussions sur l’état de santé du salarié et ont fait ressortir le lien de causalité entre le harcèlement à l’origine de l’absence de la salariée et le motif du licenciement.

Si cette solution n’est pas nouvelle (Cass. soc. 11 oct. 2006, n° 04-48.314 ; Cass. soc., 16 déc. 2010, n° 09-41.640), elle retient néanmoins l’attention. En l’espèce, la Cour d’appel avait relevé que la salariée avait alerté sa hiérarchie des agissements qu’elle estimait subir et que l’employeur n’était pas en mesure de justifier avoir mis en œuvre tous les moyens pour prévenir de tels agissements. Dans ces circonstances, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir décidé que le manquement de l’employeur était caractérisé, entraînant l’impossibilité pour ce dernier de se prévaloir de la perturbation causée par l’absence prolongée.

On peut néanmoins s’interroger sur le point de savoir si la solution aurait été identique dans l’hypothèse où le salarié n’aurait jamais fait état de difficultés particulières au cours de l’exécution de son contrat. Dans une telle situation, l’employeur ne peut, en tout état de cause, mettre en œuvre des mesures propres à faire cesser des agissements dont il n'a pas connaissance.

Par ailleurs, la Cour de cassation a récemment rejeté la demande d’annulation du licenciement pour "harcèlement moral" formée par un salarié au motif que ces termes précis n’avaient pas été formellement employés par ce dernier lors de la dénonciation des agissements (Cass. soc., 13 sept. 2017, n° 15-23.045). Or, il semble résulter des circonstances de l’espèce du 30 janvier 2019 que la salariée n’avait pas qualifié les agissements subis de "harcèlement moral" : l'articulation entre ces deux solutions interroge.

Le harcèlement moral n’emporte pas nécessairement nullité de la convention de rupture homologuée

Par un arrêt du 23 janvier 2019 (n° 17-21.550), la chambre sociale confirme, en adéquation avec la volonté des partenaires sociaux dans l'accord national du 11 janvier 2008, son libéralisme dans l’appréciation des conditions de validité des ruptures conventionnelles homologuées.

Pour rappel, la validité d’une convention de rupture suppose que la liberté du consentement des parties soit garantie (C. trav., art. L.1237-11). À cet égard, le rapport annuel de la Cour de cassation pour 2013 précisait que la convention de rupture est soumise aux règles générales des articles 1128 et suivants du Code civil ce qui suppose un consentement libre et éclairé, exempt d’erreur, de dol ou de violence.

La Cour de cassation circonscrit pourtant strictement les situations dans lesquelles une rupture conventionnelle homologuée peut être remise en cause par ses signataires. Ainsi, le fait que le salarié soit arrêté en raison d'un accident du travail lors de la signature de la convention ne suffit pas à établir l’existence d’un vice de consentement de nature à entraîner sa nullité (Cass. soc., 16 déc. 2015, n° 13-27.212). Elle a retenu une solution identique à propos de la conclusion d’une convention de rupture par une salariée en congé maternité (Cass. soc., 25 mars 2015, n° 14-10.149).

De la même façon, elle a jugé que l’existence de tensions, entre les parties au contrat au moment de la signature, n’affecte pas, par elle-même, la validité d’une convention de rupture (Cass. soc., 3 juill. 2013, n° 12-19.268). Toutefois, la Cour de cassation a décidé que devait être annulée la rupture conventionnelle signée par une salariée qui s’était trouvée dans une situation de violence morale du fait du harcèlement dont elle faisait l’objet (Cass. soc., 30 janv. 2013, n° 11-22.332).

Par l’arrêt rendu le 23 janvier 2019 (n° 17-21.550), la Cour de cassation précise sa jurisprudence sur ce dernier point. En l’espèce, un salarié demandait l’annulation de la convention de rupture signée dans un contexte de harcèlement moral. La Cour pose clairement pour principe "qu'en l'absence de vice du consentement, l'existence de faits de harcèlement moral n'affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture". En d’autres termes, l’existence d’un vice du consentement ne s’évince pas nécessairement de la situation de harcèlement moral dans laquelle se trouve le salarié et il appartient donc à ce dernier, non seulement de l’invoquer, mais aussi de démontrer que la situation de harcèlement a exercé sur lui une contrainte sans laquelle il n’aurait pas consenti à la rupture.

Il est ainsi confirmé que, sauf à avoir invoqué une fraude ou un vice du consentement, un salarié ne pourra obtenir la nullité de la convention qu’il a signée.


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