Home / Actualités / Les négociateurs de l’accord de groupe

Les négociateurs de l’accord de groupe

L’accord de groupe est désormais assimilé à l’accord d’entreprise

08/07/2019

La négociation collective au niveau d’un groupe est encouragée par le législateur depuis sa reconnaissance par la loi du 4 mai 2004. Les récentes réformes, notamment la loi « travail » du 8 août 2016 et la loi du 29 mars 2018 ratifiant les « ordonnances Macron », se sont inscrites dans ce mouvement en assimilant pleinement l’accord de groupe à l’accord d’entreprise (articles L.2232-11 et L.2232-33 du code du travail).

Les conditions de validité de l’accord de groupe sont par ailleurs clairement définies en s’appréciant à l’échelle de l’ensemble des entreprises ou établissements compris dans le périmètre de cet accord (article L.2232-34 du Code du travail).

Cette clarification par le législateur du régime juridique de l’accord de groupe était la bienvenue. Elle laisse cependant de côté une question pourtant essentielle : avec qui négocier l’accord de groupe ?

Un périmètre de l’accord librement défini pour l’accord de groupe

L’accord de groupe fixe son champ d’application constitué de tout ou partie des entreprises constitutives du groupe (article L.2232-30 du Code du travail). Est ainsi reconnue aux parties à la négociation une grande liberté dans la configuration du groupe servant de périmètre à la négociation collective.

Il faut néanmoins être vigilant dans la rédaction de l’accord de groupe, lequel doit impérativement fixer son champ d’application. Ainsi, l’accord signé par le DRH groupe pour le compte de la société mère ne constitue pas un accord de groupe dès lors qu’il ne fixe pas son champ d’application, et son application ne peut pas être étendue aux filiales (Cass. Soc. 21 mars 2018, n° 16-21741).

L’accord de groupe, un accord naturellement paritaire

L’accord de groupe est négocié et conclu entre (article L.2232-31 du Code du travail) :

  • d’une part, l’employeur de l’entreprise dominante ou un ou plusieurs représentants, mandatés à cet effet, des employeurs des entreprises concernées par le champ de l’accord ;
  • d’autre part, les organisations syndicales de salariés représentatives dans le groupe ou dans l’ensemble des entreprises concernées par le champ de l’accord.

Côté patronal

La partie à la négociation peut être soit la direction de l’entreprise dominante, soit un ou plusieurs représentants des employeurs concernés par le champ de l’accord et mandatés à cet effet par l’employeur de l’entreprise dominante ou par l’ensemble des employeurs concernés (circ. DRT n° 09 du 22 septembre 2004, fiche n° 5).

Quel que soit le périmètre de l’accord, l’employeur de l’entreprise dominante ou son représentant a vocation à représenter l’ensemble des employeurs concernés sans qu’il ait nécessairement à justifier d’un mandat exprès des employeurs des entreprises comprises dans le périmètre concerné. Mais il peut également donner mandat à un ou plusieurs autres employeurs compris dans le champ de l’accord de représenter l’ensemble des entreprises concernées (circ. DRT n° 09 du 22 septembre 2004, fiche n° 5).

Côté salarial

L’accord de groupe doit être négocié avec les seules organisations syndicales représentatives dans le périmètre du groupe au sein duquel il a vocation à s’appliquer.

Pour apprécier la représentativité des organisations syndicales au niveau du groupe, il convient de se référer à l’article L.2122-4 du Code du travail :

  • la représentativité des organisations syndicales, au niveau de tout ou partie du groupe, est appréciée conformément aux règles relatives à la représentativité syndicale au niveau de l'entreprise, par addition de l'ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements concernés ;
  • si le périmètre des entreprises ou établissements compris dans le champ d'un accord de groupe est identique à celui d'un accord conclu au cours du cycle électoral précédant l'engagement des négociations, la représentativité des organisations syndicales est appréciée par addition de l'ensemble des suffrages obtenus dans ces entreprises ou établissements soit pour le cycle en cours, lorsque les élections se sont tenues à la même date, soit lors des dernières élections intervenues au cours du cycle précédant le cycle en cours, lorsque les élections se sont tenues à des dates différentes ;
  • dans le cas contraire, la représentativité est appréciée par addition de l'ensemble des suffrages obtenus lors des dernières élections organisées dans les entreprises ou établissements compris dans le périmètre de l'accord.

Dans ces différentes hypothèses, on retrouve un principe commun : celui de la consolidation des suffrages obtenus au sein au niveau du périmètre retenu pour l’accord de groupe.

Le fait qu’une entreprise du groupe soit dépourvue de représentants du personnel ne permettant pas de dégager une audience à prendre en compte dans la mesure de la représentativité syndicale au niveau du périmètre du groupe considéré est sans incidence (circulaire DGT n° 06 du 27 juillet 2011, question-réponse n° 10).

Les organisations syndicales qui ne seraient pas représentatives au niveau du groupe mais à un niveau inférieur (entreprise ou établissement) ne doivent toutefois pas être ignorées : en effet, les organisations syndicales de salariés représentatives dans chacune des entreprises ou chacun des établissements compris dans le périmètre de l’accord doivent être informées préalablement de l’ouverture d’une négociation dans ce périmètre (article L.2232-32 du Code du travail).

En ce qui concerne la composition de la délégation salariale, si les règles sont clairement fixées pour la négociation d’un accord d’entreprise (article L.2232-17), le Code du travail s’avère en revanche plus laconique pour la négociation de l’accord de groupe.

En effet, l’article L.2232-32, alinéa 2 du code du travail offre simplement aux organisations syndicales représentatives à l’échelle du périmètre de la négociation de groupe la possibilité de « désigner un ou des coordonnateurs syndicaux de groupe choisis parmi les délégués syndicaux du groupe et habilités à négocier et signer la convention ou l'accord de groupe ».

Ce faisant, le Code du travail évoque une possibilité et ne précise aucunement le nombre des négociateurs salariaux appelés à négocier et signer l’accord de groupe.

Dès lors, une alternative se présente aux syndicats représentatifs pour composer leur délégation, étant précisé que chaque organisation est libre de choisir la modalité qui lui convient :

  • soit envoyer ses délégués syndicaux présents dans les entreprises du groupe parties à l’accord, « ce qui peut conduire à une délégation salariale pléthorique » comme le lève le professeur Bernard TEYSSIÉ (Droit du travail, Relations collectives, LexisNexis, 10e éd. 2016, n° 1701 et s.) ;
  • soit désigner un ou plusieurs coordonnateurs syndicaux parmi les délégués syndicaux. Mais un tel coordonnateur n’est désigné que pour la négociation en cause et ne constitue donc pas une institution pérenne de négociation au sein du groupe (circ. DRT n° 09 du 22 septembre 2004, fiche n° 5).

Vigilance sur le mandat des négociateurs syndicaux

Quelle que soit l’option retenue, la question du mandatement des négociateurs syndicaux se pose.

En effet, si le délégué syndical d’entreprise est désigné pour représenter son organisation syndicale auprès du chef d’entreprise et se trouve investi du pouvoir de négocier et de conclure un accord d’entreprise (Cass. Soc. 19 février 1992, n° 90-10896), a contrario pour un accord de groupe, le délégué syndical d’entreprise ne bénéficie pas de la même présomption puisqu’il n’a pas été désigné sur ce périmètre

Aussi convient-il d’appliquer l’article L.2231-2 du Code du travail aux termes duquel les représentants des organisations syndicales de salariés sont habilités à contracter, au nom de l’organisation qu’ils représentent, en vertu soit d’une stipulation statutaire de cette organisation, soit d’une délibération spéciale de cette organisation, soit de mandats spéciaux écrits qui leur sont donnés individuellement par tous les adhérents de cette organisation.

Dès lors :

  • soit les statuts du syndicat, qui a désigné les délégués syndicaux, prévoient explicitement un mandat donné au titre de la négociation de groupe ;
  • soit les statuts ne le prévoient pas et la fédération à laquelle est affilié le syndicat peut délivrer au délégué syndical un mandat exprès pour négocier et conclure l’accord de groupe.

Mais il convient de s’assurer que la fédération syndicale, qui mandate l’interlocuteur syndical pour négocier un accord de groupe, a un champ professionnel et géographique couvrant effectivement les entités comprises dans le périmètre de l’accord. En effet, un groupe aux activités diverses est susceptible de relever du champ de différentes fédérations appartenant pourtant à la même étiquette syndicale.

Une solution pourrait consister à faire mandater à un niveau supérieur le ou les négociateurs syndicaux de l’accord de groupe, c’est-à-dire par la confédération syndicale.

Une autre solution pourrait consister en un mandat multiple, c’est-à-dire à faire mandater ce ou ces négociateurs syndicaux par les différentes fédérations syndicales dont les champs professionnels et géographiques permettent de couvrir l’ensemble des sociétés parties à l’accord de groupe considéré.

La possibilité de créer par voie d’accord collectif des délégués syndicaux de groupe pour négocier les accords de groupe

Au regard de l’absence de pérennité des interlocuteurs syndicaux de groupe prévus par le Code du travail, la pratique a depuis longtemps recouru, par la voie de la négociation collective, à la création de délégués syndicaux de groupe (parfois appelés coordonnateurs ou coordinateurs syndicaux de groupe) ayant pour attribution de négocier et de conclure des accords de groupe.

Dans un arrêt Axa largement publié (Cass. Soc. 30 avril 2003, n° 01-10027), la Cour de cassation a donné toute sa force à l’autonomie normative des partenaires sociaux pour prévoir une telle représentation syndicale de groupe.

Il est ainsi possible de pérenniser par la voie d’un accord collectif la mise en place de délégués syndicaux de groupe chargés, au niveau de celui-ci, de fonctions similaires à celles des délégués syndicaux d'entreprise (Cass. Soc. 23 octobre 2007, n° 06-44438).

La qualité du dialogue social au niveau d’un groupe passe peut-être par cette pérennisation des interlocuteurs syndicaux de groupe.

flèche 30x30
Lire également : Articulation entre accord de groupe et accord d'entreprise

En savoir plus sur notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d'avocats est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Notre enracinement local, notre positionnement unique et notre expertise reconnue nous permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée dans tous les domaines du droit.

cabinet avocats CMS en France

A propos de notre cabinet d'avocats

actualité droit du travail 330x220

Toute l'actualité du droit du travail

nous contacter 330x220

Nous contacter

Vos contacts

Portrait deVincent Duval
Vincent Duval