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Charges de copropriété et charges locatives dans le bail commercial

Refacturation des charges de copropriété au locataire et prescription de l’action en répétition

18/07/2019

Par un arrêt du 9 mai 2019, la Cour de cassation rappelle que les charges de copropriété ne peuvent être refacturées au locataire en l’absence de stipulation expresse du bail commercial et précise les règles de prescription applicables à l’action en répétition des charges indûment versées. 

En l’espèce, un bail commercial portant sur des locaux issus d’une copropriété est conclu en 1980. Le 31 mai 2013, le locataire assigne son bailleur en répétition des charges de copropriété payées depuis 2002, considérant qu’elles lui ont été indûment refacturées.

Par cette affaire, la Cour de cassation rappelle les conditions dans lesquelles un bailleur peut refacturer des charges à son locataire. Surtout, elle précise la prescription applicable à l’action en répétition des charges indûment versées.

A défaut de clause expresse dans le bail commercial, pas de refacturation possible des charges de copropriété

Les juges du fond ont retenu qu’en l’absence de stipulation du bail prévoyant le remboursement des charges de copropriété par le preneur, celles-ci ne peuvent lui être refacturées (CA Paris, 2 septembre 2016, n° 14/14325).

Ils ont considéré que ne constitue pas une renonciation du locataire à contester les charges le fait de :

  • les avoir payées pendant de nombreuses années ;
  • n’avoir émis aucune protestation à réception du détail des charges locatives les mentionnant ;
  • les avoir refacturées au sous-locataire. 

Conseil pratique : soigner la rédaction des clauses relatives aux charges locatives dans les baux commerciaux

La position retenue en l’espèce s’inscrit dans un courant jurisprudentiel qui conduit les bailleurs à affiner la rédaction des clauses relatives aux charges locatives, d’autant qu’il se combine désormais avec l’article R.145-40-1 du Code de commerce. Cet article impose, depuis l’entrée en vigueur de la loi Pinel du 18 juin 2014, de faire figurer dans les baux commerciaux un « inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances » précisant leur répartition entre le bailleur et le locataire.

En l’espèce, se posait également la question du délai de prescription de l’action en répétition. Sur combien d’années le locataire peut-il obtenir le remboursement des charges indûment payées ?

Action du locataire en répétition des charges : rappel des règles de prescription

A titre liminaire, les éléments suivants peuvent être rappelés :

  • avant la réforme opérée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai de prescription de droit commun était de 30 ans (article 2262 ancien du Code civil). Par exception, un délai de prescription abrégé de 5 ans s’appliquait aux « actions en répétition des loyers, des fermages et des charges locatives » (article 2277 ancien du Code civil, dans sa version issue de la loi du 18 janvier 2005) ;
  • la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, a réduit le délai de prescription de droit commun à 5 ans (article 2224 du Code civil) ;
  • lorsqu’un délai de prescription est en cours au moment de l’entrée en vigueur d’une loi nouvelle prévoyant un délai plus court, ce nouveau délai démarre à compter de la date d’entrée en vigueur de ladite loi, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder le délai initial (article 2222 du Code civil).

Au cas particulier, le locataire sollicitait la restitution de charges payées depuis 2002 en se fondant sur le droit commun (soit la prescription trentenaire en cours jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de 2008).

Le bailleur lui opposait la prescription quinquennale de l’article 2277 ancien du Code civil.

L’enjeu était alors de déterminer si les charges de copropriété constituaient des “charges locatives” au sens de l’article 2277 ancien du Code civil.

Application de la prescription de droit commun à l’action du locataire en répétition de charges non visées au bail commercial

La cour d’appel de Paris a considéré que les charges de copropriété n’étaient pas des « charges locatives » au sens de l’article 2277 ancien du Code civil.

Elle a relevé que ces charges n’étaient locatives :

  • ni par nature, puisqu’elles n’étaient pas totalement et exclusivement liées à l’usage des locaux par le locataire ;
  • ni par l’effet du bail commercial, puisque celui-ci ne prévoyait pas expressément qu’elles seraient supportées par le locataire.

Elle en a déduit que la répétition de ces charges était soumise à la prescription de droit commun. Ainsi, le délai de prescription trentenaire applicable avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 n’étant pas expiré à la date de l’assignation (soit le 31 mai 2013), l’action en restitution des sommes payées depuis 2002 était recevable.

La Cour de cassation confirme cette position. Elle retient que les charges de copropriété non prévues par le bail commercial comme étant supportées par le locataire ne peuvent être considérées comme des « charges locatives ». Dès lors, l’article 2277 ancien du Code civil prévoyant une prescription abrégée n’est pas applicable (Cass, 3e civ., 9 mai 2019, n° 16-24.701).

Il peut être noté que la Haute juridiction ne reprend pas à son compte l’analyse de la Cour d’appel relative à l’absence de caractère locatif « par nature » des charges de copropriété. Elle se fonde uniquement sur les stipulations du bail commercial.

Cette appréciation de l’article 2277 ancien du Code civil répond à la norme selon laquelle les exceptions doivent s’apprécier strictement.

La solution est favorable aux locataires. Cependant, en pratique, elle ne concernera que les poursuites introduites dans les 5 ans de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.

Les poursuites introduites postérieurement seront, quant à elles, soumises au délai de prescription quinquennale de l’article 2224 nouveau du Code civil.


Actualité des baux commerciaux :

Cet article a été publié dans notre Lettre des baux commerciaux de juillet 2019. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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Lucie Menerault
Avocate
Paris