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Contrôle du Conseil d’Etat sur le périmètre des "prestations annexes"

réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux publics d’électricité

18/01/2019

Dans une décision du 28 septembre 2018 (CE, 28 septembre 2018, n° 411454, société Eveler), le Conseil d’Etat a précisé le contrôle qu’il exerce sur les décisions par lesquelles la Commission de régulation de l’énergie (CRE) fixe le champ d’application et la tarification des prestations proposées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité sur le fondement de l’article L.341-3 du Code de l’énergie.

Rappelons tout d’abord que le Conseil d’Etat a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre ce texte, faute de caractère "sérieux" (CE, 28 juillet 2017, n° 411454, société Eveler).

On se souvient ensuite que la Haute juridiction administrative a successivement annulé deux décisions de la CRE en tant qu’elles encadraient la tarification de prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux : les prestations "d’accompagnement multi-raccordement" (CE, 25 septembre 2015, n° 386077, société Le Caloch Consultant) et de "pré-étude de raccordement ou reprise d’étude" (CE, 26 avril 2018, n° 404611, société Le Caloch Consultant).

Par la première décision, il a été jugé que la prestation en cause ne relevait pas des missions de service public confiées aux gestionnaires de réseaux publics. Par la seconde, le Conseil d’Etat a constaté que la prestation consistait à exploiter des informations que les gestionnaires de réseaux doivent fournir à leurs clients en application des dispositions de l’article L.322-8 du Code de l’énergie, de sorte que lesdits gestionnaires "ne sont pas seuls en mesure de proposer les prestations visées". Par suite, en les incluant dans le périmètre des prestations annexes en monopole, la CRE avait porté dans les deux cas une atteinte illégale à la liberté d’entreprendre, ainsi qu’à la liberté du commerce et de l’industrie.

Cette jurisprudence pouvait paraître ambiguë sur deux points. D’une part, si l’article L.322-8 du Code de l’énergie, sur lequel s’est appuyé le Conseil d’Etat alors qu’il n’est pas mentionné à l’article L.341-3, énonce un certain nombre de missions de service public confiées aux gestionnaires de réseaux publics de distribution, c’est de manière non exhaustive ("… un gestionnaire de réseau de distribution d'électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé…") et par un renvoi aux cahiers des charges de concession et aux règlements de service des régies qui, en droit, déterminent ces missions au cas par cas. D’autre part, la jurisprudence n’était pas parfaitement claire sur le point de savoir si la condition selon laquelle les gestionnaires de réseaux doivent "n’être pas seuls en mesure de proposer les prestations visées" s’apprécie en droit ou en fait.

Par sa décision du 28 septembre 2018, le Conseil d’Etat a fixé plus nettement ses critères d’appréciation, en confortant le monopole des gestionnaires de réseaux publics sur une autre prestation annexe, intitulée "consultation des données de comptage".

Après avoir rappelé sa décision du 28 juillet 2017 sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L.341-3 du Code de l’énergie et rejeté "pour les mêmes motifs" le moyen tiré de la violation par ces mêmes dispositions de l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il a jugé que, d’une part, aux termes des articles L.322-8, L.341-4 et R.341-4 du Code de l’énergie, la prestation contestée constitue une prestation annexe aux missions de service public confiées aux gestionnaires de réseaux et que, d’autre part, "les prestations litigieuses, qui découlent des évolutions technologiques affectant les appareils de comptage, ne sont […] pas susceptibles d'être proposées par des entreprises n'ayant pas la qualité de gestionnaires de réseau" ; il s’agit en effet de "données brutes de comptage" que seuls les gestionnaires de réseau sont en mesure de recueillir directement à partir des nouveaux compteurs dits "évolués" (ou "Linky") et qui, par suite, sont différentes des services de télérelève et de traitement des informations générées par les compteurs d'électricité, proposés par les opérateurs privés.

On en déduit que, pour le Conseil d’Etat, les deux critères sont d’abord cumulatifs : ils doivent être simultanément remplis pour que la prestation puisse être incluse dans le monopole des gestionnaires de réseaux à titre de "prestation annexe réalisée à titre exclusif". Par ailleurs, le second critère s’apprécie à la fois en droit et en fait.

La solution, rendue en matière de distribution publique d’électricité, semble devoir s’appliquer également au transport d’électricité et de gaz, ainsi qu’aux activités sous monopole des gestionnaires de terminaux méthaniers régulés : d’une part, en effet, l’article L.341-3 du Code de l’énergie porte à la fois sur le transport et sur la distribution d’électricité ; d’autre part, l’article L.452-2 du même code est rédigé en des termes quasiment identiques pour ces trois catégories d’installations de gaz naturel régulées.


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Cet article a été publié dans notre Lettre des régulations de janvier 2019Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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