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Publication de la troisième directive sur l’open data

Du neuf dans la continuité

04/10/2019

La directive 2019/1024 du 20 juin 2019 concernant les données ouvertes et la réutilisation des informations du secteur public est entrée en vigueur après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne le 26 juin 2019. Elle a été adoptée relativement rapidement, dans une volonté commune des institutions de l’Union européenne de faire évoluer le droit au plus près des pratiques.

L’adoption de la troisième directive sur l’open data : un processus consensuel

Il est rare, particulièrement sur des sujets en lien avec les nouvelles technologies, que l’Union européenne soit prescriptrice. Et qu’elle adopte deux directives sur un même sujet au cours de la même décennie. Mais c’est bien le cas en matière d’open data. La deuxième directive ISP, lentement mais fidèlement transposée en France entre 2015 et 2017 datait en effet du 26 juin 2013 (sur ce sujet, voir notre rétrospective « L’open data a quinze ans : repères »).

Pour comprendre les motivations des rédacteurs du nouveau texte, les considérants de la directive sont révélateurs. Ils indiquent tout d’abord que la directive de 2013 est réexaminée dans le cadre du programme « pour une réglementation affûtée et performante ». Après consultation du public, il est apparu nécessaire de « mettre à jour le cadre législatif pour tenir compte des progrès des technologies numériques et de stimuler davantage encore l'innovation numérique, notamment en ce qui concerne l'intelligence artificielle ».

Le considérant 10 de la directive précise que la quantité de données produites dans le monde depuis l’adoption de la première directive PSI, en 2003, a augmenté « de manière exponentielle ». Dans le même temps, les techniques de traitement et d’analyse des données ont fortement évolué. Ces avancées permettent d’envisager de nouveaux usages et des débouchés économiques qui n’étaient pas imaginables quinze ans auparavant. Ainsi, une révision de la réglementation sur l’ouverture des données publiques s’imposait, pour que l’open data ne devienne pas un rendez-vous manqué.

C’est ainsi que la troisième directive a été adoptée dans un temps relativement court à l’échelle de la maturation des textes de droit européen. Après la consultation publique lancée le 19 septembre 2017, une proposition de directive a été présentée le 25 avril 2018. Le texte a été publié moins d’un an plus tard.

Faire évoluer l’open data : un impératif économique traduit dans la directive

La révision de la directive sur l’open data n’est pas seulement liée à la volonté de l’Union européenne de disposer d’une réglementation en phase avec son temps. Les enjeux économiques sont immenses.

La Commission européenne indiquait ainsi, dans le communiqué de presse présentant la proposition de directive, que la valeur de l’économie européenne fondée sur la donnée représentait 300 milliards d’euros en 2016. Dotée d’un cadre législatif adapté, la valeur économique que pourrait atteindre le secteur de la donnée était alors évaluée à 739 milliards d’euros en 2020 (communiqué IP/18/3364 du 25 avril 2018).

En effet aujourd’hui, de nombreux secteurs dépendent en grande partie de la quantité et de la qualité des données qu’ils peuvent traiter. Les secteurs les plus consommateurs de données sont – assez logiquement - les secteurs du conseil et de l’analyse stratégique (business intelligence). Mais les applications sont bien plus nombreuses : ainsi les GPS et les solutions de pilotage guidé pour les véhicules autonomes utilisent massivement des données géographiques, pour ne prendre que cet exemple.

D’autres applications n’ont pas fait florès mais disposent d’un potentiel de développement important comme la réutilisation des données de la commande publique ou les données de recherche.

La révision a ainsi pour objet essentiel de permettre aux PME ainsi qu’aux start-up d’accéder à de nouveaux marchés pour pouvoir offrir des produits et des services basés sur la donnée.

Mais il faut également signaler les bénéfices indirects d’une bonne politique d’open data. La Commission européenne estime à cet égard que les administrations pourraient économiser jusqu’à 1,7 milliard d’euros, un améliorant leurs temps de réaction et en réutilisant les données des autres personnes publiques au lieu de multiplier les collectes parallèles. Il faut également signaler que la disponibilité des données pourraient permettre aux Etats membres de mieux contrôler le bon usage des deniers publics et d’effectuer des rattrapages le cas échéant (étude « Creating Value through Open Data », 2015).

Les apports de la troisième directive sur l’open data : une relative continuité…

La philosophie de la politique européenne d’open data est inchangée : il s’agit d’offrir aux Etats membres un cadre commun, fondé sur deux piliers traditionnels : la transparence et la libre concurrence. Il ne s’agit pas d’ouvrir l’accès aux documents aux personnes physiques. L’objectif est bien la réutilisation des données à des fins d’intérêt public ou à des fins commerciales.

Un grand nombre de données sont couvertes par le nouveau texte : celles des personnes publiques, y compris les établissements publics nationaux et locaux et les structures d’économie mixte. Les données des musées, des bibliothèques et des archives sont concernées, tandis que les données scientifiques, audiovisuelles et liées à l’éducation restent exclues de son champ d’application.

Comme cela était déjà le cas antérieurement, l’accès aux données reste par principe gratuit. Les administrations ne peuvent exiger une rémunération en échange. Néanmoins, tirant les enseignements des retours d’expérience faits par certains organismes publics dans le cadre de la consultation préalable, la troisième directive prévoit expressément que le coût marginal de réutilisation des données pourra être facturé. Sont notamment concernés les frais liés à la reproduction ou à l’anonymisation des données à caractère personnel.

Mais quelques évolutions importantes à signaler

La troisième directive prévoit des développements spécifiques concernant les données des entreprises de réseau, notamment dans le secteur des transports. Celles-ci entreront dans le champ d’application de la réglementation relative à l’open data si les Etats membres en décident ainsi : si une loi nationale prévoit que certaines données doivent être accessibles, la réglementation de l’open data leur sera applicable. Certaines d’entre elles seront disponibles en temps réel grâce à des interfaces de programmation d’application (API).

L’Etat français s’apprête déjà, avant toute transposition de la directive, mais sur le fondement du règlement délégué du 31 mai 2017, à décider de l’ouverture de certaines données de transport. Le projet de loi d’orientation des mobilités, actuellement en nouvelle lecture, prévoit en effet la mise à disposition de certaines de ces données et l’obligation de les fournir à certains opérateurs. Des données plus spécifiques concernant l’accessibilité au transport des personnes handicapées devront également être fournies (articles 9, 9 bis et 10 du projet de loi).

Plus généralement, l’un des axes de travail de la Commission était de permettre que les données privées présentant un intérêt public et/ou ayant été obtenues avec le concours d’aides publiques soient rendues accessibles ou réutilisables. Et ce afin d’assurer un retour sur investissement. C’est à présent chose faite, même si les Etats membres disposent d’une marge d’appréciation en la matière.

Les nouvelles règles ont également vocation à apporter davantage de transparence et à encadrer les accords d’échanges de données entre les entreprises des secteurs public et privé.

Enfin, la Commission européenne devra établir une liste de jeux de données à forte valeur ajoutée. Ces ensembles devront être mis à disposition gratuitement, lisibles par machine, fournis en recourant à des API et sous forme de téléchargements de masse, le cas échéant. Les catégories de données concernées sont listées en annexe de la directive. Il s’agit des données :

  • météorologiques ;
  • liées à l’observation de la terre et de l’environnement ;
  • statistiques ;
  • concernant les sociétés et leurs actionnaires ; et
  • de mobilité.

Pour conclure, les Etats membres ont jusqu’au 17 juillet 2021 pour transposer la troisième directive. L’Etat français n’a pas encore donné d’indications sur ses intentions concernant ce chantier.

La directive, en son article 18, prévoit une nouvelle évaluation du dispositif d’open data « au plus tôt le 17 juillet 2025 ».


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Hélène Chalmeton
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