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Résiliation d'un marché de travaux aux torts réciproques des parties

Lettre Construction-Urbanisme | Décembre 2018

21/12/2018

Cass. 3eciv., 6 septembre 2018, n° 17-22.026 

La résiliation d’un marché de travaux sera prononcée aux torts réciproques des parties lorsque ni le maître d’ouvrage ni le constructeur ne démontre que l’autre partie a gravement manqué à ses obligations contractuelles en l’absence de toute faute de sa part, et qu’aucun accord sur la poursuite de l’exécution dudit marché n’a été trouvé.

En l’espèce, des particuliers avaient confié, en qualité de maîtres d’ouvrage, des travaux pour la construction d’une maison individuelle à une entreprise. En cours d’exécution, le chantier connaît des difficultés et le constructeur assigne les propriétaires en paiement du solde de son marché. Ces derniers demandent reconventionnellement la mise en jeu de la responsabilité du constructeur en raison de l’arrêt du chantier et des malfaçons constatées sur la construction et réclament en conséquence des dommages et intérêts. Ils sollicitent également la tenue d’une nouvelle expertise et le paiement d’une provision.

L’expertise judiciaire relève effectivement des malfaçons et propose un chiffrage des réparations qui est contesté par une expertise amiable non contradictoire diligentée par les maîtres d’ouvrage, dont la pertinence n’est donc pas retenue par les juges du fond.

La cour d’appel de Grenoble relève que, postérieurement au dépôt de l’expertise, les propositions des maîtres d’ouvrage de poursuite du marché, soit par la réparation des désordres, soit par l’achèvement gratuit des travaux en l’état, ont été refusées par l’entreprise. Constatant l’absence d’accord, elle prononce la résiliation du contrat aux torts réciproques des parties et rejette la demande d’indemnisation des maîtres d’ouvrage.

Ces derniers forment alors un pourvoi en cassation en reprochant à la Cour d’appel d’avoir prononcé la résiliation du contrat aux torts des deux parties, alors même que seule l’entreprise a manqué à ses obligations. Ils arguent également du fait que la Cour n’a pas recherché la part de responsabilité imputable à chacune des parties ni la part du dommage que chacune d’elles a dû supporter, violant ainsi les dispositions de l’article 1184 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

Par un arrêt en date du 6 septembre 2018, la Cour de cassation rejette ces demandes en approuvant le raisonnement tenu par la Cour d’appel : "les parties n’avaient ni l’une, ni l’autre, voulu sérieusement poursuivre l’exécution du contrat après le dépôt du rapport d’expertise, la cour d’appel, […], qui a pu prononcer la résiliation du marché de travaux aux torts réciproques des parties, a légalement justifié sa décision".

Au cas précis, le fait que les juges du fond aient pu apprécier que, d’une part, aucune des deux parties n’envisageait "sérieusement" de poursuivre l’exécution du contrat et, d’autre part, l’entreprise n’établissait pas de faute contractuelle grave des maîtres d’ouvrage et était elle-même coupable de fautes contractuelles, suffisait à justifier résiliation aux torts partagés. L’examen des fautes potentiellement imputables aux parties n’ayant pas été demandé par les parties, la Cour d’appel n’était pas tenue d’y procéder.  

Ainsi, la Haute juridiction affirme que, dans l’hypothèse où une partie a sollicité la résiliation judiciaire d’un contrat synallagmatique sans rapporter la preuve de la faute exclusive de son cocontractant, l’existence d’un désaccord persistant entre les parties sur la poursuite de l’exécution du contrat justifie la résiliation aux torts partagés, sans qu’il soit besoin de faire un examen plus poussé des fautes imputables à l’une ou l’autre partie.

Cette solution n’est pas inédite et s’inscrit dans le fil d’une jurisprudence ancienne (Cass.3e civ. 8 février 1977, n° 75-14.289).


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Publication : Lettre Construction-Urbanisme | Décembre 2018