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La liberté d’entreprendre face à la protection de l’environnement

Le Conseil d’Etat prend à nouveau position

22/09/2021

Par une décision du 6 août 2021, le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article L.541-15-10, III 2° (16ème alinéa) du Code de l’environnement relatif à l’utilisation obligatoire de contenants et couverts réemployables dans le secteur de la restauration (CE, 6/08/21, n°450228).

Cet article prévoit « qu’à compter du 1er janvier 2023, les établissements de restauration sont tenus de servir les repas et boissons consommés dans l'enceinte de l'établissement dans des gobelets, y compris leurs moyens de fermeture et couvercles, des assiettes et des récipients réemployables ainsi qu'avec des couverts réemployables. Les modalités de mise en œuvre du présent alinéa sont précisées par décret. »

A l’occasion d’une QPC portant sur cette disposition soulevée devant lui, le Conseil d’Etat s’est à nouveau prononcé sur la conciliation entre protection de l’environnement et liberté d’entreprendre.

La liberté d’entreprendre limitée par la protection de l’environnement

A l’appui de leur QPC, des fabricants d’emballages avaient soulevé trois moyens : la méconnaissance du devoir de prévention inscrit à l’article 3 de la Charte de l’environnement, du principe d’égalité visé à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté d’entreprendre qui découle de l’article 4 de la même Déclaration.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre, qui nous intéresse ici, le Conseil d’Etat a jugé « qu’il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées par rapport à l’objectif poursuivi. En imposant aux établissements de restauration l’utilisation de vaisselle réemployable, le législateur a entendu favoriser la réduction des déchets plastiques, dans un but de protection de l’environnement. Cette obligation n’impose toutefois pas aux établissements de restauration un choix particulier de procédé industriel, de distribution, de commercialisation et de consommation et s’appliquera seulement à partir du 1er janvier 2023. L’atteinte ainsi portée à la liberté d’entreprendre des établissements de restauration par le législateur n’est donc pas, compte tenu du champ de cette obligation, manifestement disproportionnée au regard de l’objectif d’intérêt général de protection de l’environnement. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre ne présente pas de caractère sérieux ».

Cette décision fait suite à la très remarquée décision du Conseil constitutionnel du 31 janvier 2020 (CC, 31 janvier 2020, n°2019-823 QPC). Le Conseil d’Etat avait, en effet, saisi le Conseil constitutionnel d’une QPC (CE, 7 novembre 2019, n°433460) , estimant que le moyen , selon lequel l'interdiction de la production, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par l'Union européenne était susceptible de porter atteinte à la liberté d'entreprendre, garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, soulevait une question présentant un caractère sérieux.

Le Conseil constitutionnel a jugé que « en faisant obstacle à ce que des entreprises établies en France participent à la vente de tels produits partout dans le monde et donc, indirectement, aux atteintes qui peuvent en résulter pour la santé humaine et l’environnement et quand bien même, en dehors de l’Union européenne, la production et la commercialisation de tels produits seraient susceptibles d’être autorisées, le législateur a porté à la liberté d’entreprendre une atteinte qui est bien en lien avec les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l’environnement poursuivis ». 

Des conséquences non négligeables pour l’activité économique

Ce faisant, le Conseil constitutionnel a érigé la protection de l’environnement en objectif à valeur constitutionnelle l’intégrant ainsi dans le bloc de constitutionnalité avec, pour conséquence, une nécessaire conciliation avec la liberté d‘entreprendre.

Il en résulte que l’objectif d’intérêt général de protection de l’environnement - et c’est bien ce que vient rappeler le Conseil d’Etat dans sa décision du 6 août 2021 après avoir opéré un contrôle de proportionnalité - vient limiter concrètement l’exercice de la liberté d’entreprendre.

Cette décision, qui s’inscrit dans une perspective de « verdissement » de l’activité économique, présente des conséquences importantes pour les entreprises qui doivent dorénavant nécessairement prendre en considération la protection de l’environnement dans le développement de leurs activités.

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