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Annulation administrative des CEE et compte Emmy insuffisamment approvisionné

Encadrement par la loi Climat et résilience d’une pratique administrative

16/09/2021

L’article L.222-2 du Code de l’énergie prévoit quatre sanctions que peut prononcer le ministre chargé de l’énergie lorsque des certificats d’économies d’énergie ont été indûment délivrés à un éligible :

1/ prononcé d’une sanction pécuniaire dont le montant est plafonné et proportionné à la gravité du manquement et à la situation de l’intéressé ;

2/ privation de la possibilité pour l’intéressé de se voir délivrer des certificats d’économies d’énergie ;

3/ annulation des certificats d'économies d'énergie de l'intéressé d'un volume égal à celui concerné par le manquement ;

4/ suspension ou rejet des demandes de certificats d'économies d'énergie faites par l'intéressé.

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ("loi Climat et résilience") s’intéresse à la procédure d’annulation des CEE.

Lorsque le ministre choisit d’annuler des certificats d’économies d’énergie, comme le lui permet l’article L.222-2 du Code de l’énergie, se pose la question de la quantité de certificats d’économies d’énergie effectivement détenus par l’entité sanctionnée, c’est-à-dire plus concrètement du compte Emmy de l’intéressé insuffisamment pourvu en certificats. Comment la sanction trouve-t-elle à s’appliquer dans ce cas ?

On savait que le ministre avait l’habitude de mettre en demeure l’intéressé de bien vouloir acquérir la quantité nécessaire de certificats afin que la sanction d’annulation puisse trouver à s’appliquer. La pratique était pour le moins curieuse. On comprend maintenant qu’elle était en fait purement et simplement dépourvue de base légale puisque le législateur vient avec la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite "loi Climat et résilience") lui donner la base légale qui manquait. 

Ainsi le législateur vient-il de créer avec l’article 183 de la loi Climat et résilience un nouvel article qui vient s’intercaler entre les articles L.222-3 du Code de l’énergie qui rappelle que les sanctions sont prononcées à l’issue d’une procédure contradictoire et L.222-4 du même code qui énonce que les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine.

L’article L.222-3-1 nouveau du Code de l’énergie prévoit ainsi que "lorsqu’une personne faisant l’objet de la sanction mentionnée au 3° de l’article L. 222-2 ne détient pas les certificats d’économies d’énergie nécessaires pour appliquer la sanction, elle est mise en demeure d’en acquérir
Les personnes qui ne respectent pas les prescriptions de la mise en demeure dans le délai imparti sont tenues de se libérer par un versement au Trésor public. Ce versement est calculé sur la base de la pénalité mentionnée à l’article L. 221-4.
Les titres de recettes sont émis par l’autorité administrative et sont recouvrés comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. Une pénalité de 10 % du montant dû est infligée pour chaque semestre de retard.
"

Cette évolution législative a été introduite assez tardivement dans le projet de loi Climat et résilience puisque cet article est apparu pour la première fois dans le texte nº 4336, adopté par la commission mixte paritaire (CMP) chargée de proposer un texte de compromis sur les dispositions du projet de loi restant en discussionet enregistré le 13 juillet 2021. On comprend que la rédaction adoptée par la CMP fait suite "à une proposition de rédaction commune 212" dont le contenu n’est pas accessible. Ainsi, des tractations ont eu lieu en CMP entre le 29 juin 2021 et le 13 juillet 2021 pour aboutir à cette proposition de rédaction commune.

Si effectivement les mises en demeure adressées par le ministre aux entités sanctionnées de bien vouloir approvisionner leurs comptes Emmy en CEE afin de pouvoir rendre les décisions d’annulation effectives étaient dépourvues de base légale, on comprend qu’il était urgent d’agir, si possible dans le cadre discret de la CMP. Comme l’explique le Sénat sur son site internet "les propositions de rédaction ne sont pas formellement des amendements. Elles n’obéissent à aucun formalisme particulier. Présentées par les rapporteurs ou l’un d’eux, elles peuvent être modifiées lors de leur examen sur proposition des membres de la CMP. Le Gouvernement ne peut déposer aucune proposition de rédaction. Ces propositions de rédaction sont soumises à la règle de l’entonnoir et ne doivent pas être contraire à l’article 40 de la Constitution (irrecevabilité financière)".

Notons que le Conseil constitutionnel, saisi par les parlementaires du contrôle de constitutionnalité de la loi, n’a pas considéré dans sa décision n°2021-825 DC du 13 août 2021 que ces dispositions discutées uniquement en CMP auraient correspondu à de nouvelles dispositions qui ne pouvaient être introduites en CMP. Le Conseil Constitutionnel avait pourtant rappelé dans sa décision n°2004-501 DC du 5 août 2004 que la CMP n’est pas habilitée à introduire de nouvelles dispositions, sous peine de censure dès lors que les dispositions sont étrangères aux dispositions restant en discussion. Le commentaire de cette décision précise qu’un tel procédé est contraire au deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution, aux termes duquel : "Lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté [...], le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion". L’auteur du commentaire ajoute qu’"en prononçant une telle censure d'office, le Conseil constitutionnel marque qu'il entend combattre l'usage abusif de la CMP". On peut dès lors se demander si, dans le cadre de son examen de la loi Climat et résilience, le Conseil Constitutionnel s’est posé cette même question ? Difficile de le savoir, puisque la saisine des parlementaires n’évoquait pas le sujet.

Toujours est-il que désormais, le législateur a autorisé sans ambiguïté le ministre chargé de l’énergie à mettre en demeure les personnes faisant l’objet d’une sanction d’annulation de CEE d’acquérir des CEE lorsqu‘elles n’en détiennent pas suffisamment. Dans l’hypothèse où ces personnes n’obtempéreraient pas à cette mise en demeure, elles devraient s’acquitter d’un versement au Trésor public calculé sur la base de la pénalité mentionnée à l’article L.221-4 du Code de l’énergie, dont le maximum est fixé à 0,02 euro par kilowattheure et dont le montant est fixé à 0,015 euro par kilowattheure cumac par l’article R.222-2 du même code.

La pratique ministérielle est désormais salutairement clarifiée par le législateur pour l’avenir.

Reste que les entités mises en demeure d’acquérir des CEE avant l’intervention de la loi pourraient être tentées de se prévaloir de l’incompétence du ministre pour obtenir du juge l’annulation de ladite mise en demeure. Néanmoins, compte tenu de la nature du contentieux des décisions de sanction - qui est un contentieux de pleine juridiction, dans lequel le juge se place à la date du prononcé de sa décision, et de la nature de la décision de mise en demeure d’acquérir des certificats d’économies d’énergie, les chances de succès de ces démarches contentieuses devront être étroitement évaluées.


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