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Appels d’offres long terme "stockage"

Planification des besoins en stockage d’énergie dans le système électrique

22/10/2021

Alors que les enjeux climatiques se font plus prégnants dans le débat public, la diversification du mix électrique par la hausse de la part des sources d’énergie intermittentes accroît les besoins de flexibilité du système afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique. Le mécanisme de capacité et l’effacement de consommation ont vu évoluer leur cadre juridique, aujourd’hui plus ou moins stabilisé. Celui du stockage est en cours de création.

Contexte

L’ordonnance n° 2021-237 du 3 mars 2021, transposant partiellement le paquet énergie propre pour tous les Européens, avait créé au sein du Code de l’énergie un chapitre intitulé "Stockage d’énergie dans le système électrique". L’article 85 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite "loi Climat et résilience"), ajoute une pierre à l’édifice juridique du stockage, en créant l’article L.352-1-1 du même code.

Les apports de la loi Climat et résilience

La nouvelle disposition, qui doit être complétée par un texte réglementaire, pose le cadre des appels d’offres pour la création d’installations de stockage, sur le modèle des appels d’offres dits "long terme" existant en matière d’effacement de consommation (article L.271-4 du Code de l’énergie). Le mécanisme est également similaire, bien qu’un peu plus éloigné, à celui des appels d’offres long terme de capacités de production (articles R.335-71 et suivants de ce code).

Ainsi, sur le modèle des appels d’offres "effacement de consommation", une condition alternative est posée pour qu’une procédure puisse être lancée. Il convient soit que "les capacités de stockage d'électricité ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie" (PPE), soit que "le bilan prévisionnel pluriannuel mentionné à l'article L. 141‑8 met[te] en évidence des besoins de flexibilité".

Par ailleurs, le nouvel article L. 352-1-1 définit des catégories de stockage pour lesquelles des appels d’offres peuvent être organisés : il s’agit des stations de transfert d'électricité par pompage (STEP), des batteries et de l’hydrogène (power-to-gas-to-power). Le législateur laisse au Gouvernement le soin de définir le cas échéant d’autres types de stockage éligibles, éventuellement appel d’offres par appel d’offres ; cette liberté du pouvoir réglementaire est néanmoins limitée par la définition du "stockage d’énergie dans le système électrique" figurant à l’article L.352-1 du Code de l’énergie (rappelons que l’électricité ne se stocke pas). Enfin, l’autorité administrative n’est pas contrainte par le principe de neutralité technologique, auquel pousse la Commission européenne en matière de production d’origine renouvelable.

La publicité de la consultation et les modalités de son déroulement jusqu’au dépôt des offres doivent être définies par un décret d’application, pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).  On peut cependant supposer que la procédure sera la suivante :

  • l’initiative appartiendra au ministre chargé de l’énergie, via la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et RTE organisera sans doute la consultation ;
  • RTE proposera à la DGEC les modalités techniques de mise à disposition des capacités de stockage par les lauréats ;
  • RTE analysera les offres et proposera un classement ;
  • le ministre choisira les lauréats ou classera la procédure sans suite ;
  • les lauréats concluront un contrat avec RTE, prévoyant notamment les obligations des lauréats.

La rémunération des lauréats sera prise en charge par les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE). Il convient de souligner que la loi Climat et résilience a prévu que "la rémunération des capitaux immobilisés par le ou les candidats retenus n'excède pas une rémunération normale des capitaux compte tenu des risques inhérents à ces activités".

Il ressort de l’avis n° 650, tome I, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat sur le projet de loi que "les représentants de l'hydroélectricité ou de l'hydrogène, ainsi que RTE, accueillent positivement le dispositif", mais que, "en revanche, la CRE a fait part de ses réserves, considérant que ‘le stockage trouve une rentabilité naturelle à travers plusieurs outils déjà mis en œuvre’ citant l'appel d'offres long terme (AOLT) du marché de capacité, la participation aux services système de même que les arbitrages de marché".

La condition alternative préalable au lancement d’appels d’offres, citée ci-dessus, est-elle aujourd’hui satisfaite ?

D’un côté, le décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la PPE se borne à préciser à propos du stockage hors gaz naturel (qui est traité à l’article 10), que l’objectif est d’"engager d'ici à 2028 des projets de stockage sous forme de stations de transfert d'électricité par pompage, en vue d'un développement de 1,5 GW de capacités entre 2030 et 2035". Seule la technologie des STEP est donc citée, à l’exclusion des autres formes de stockage d’énergie dans le système électrique.

A titre de comparaison, l’article 11 de ce décret "PPE" prévoit des objectifs de développement des capacités d’effacement électrique "de tout type" (c’est-à-dire des gros consommateurs, notamment les industriels électro-intensifs, jusqu’à effacement diffus de consommation chez les particuliers) : 4,5 GW en 2023 et 6,5 GW en 2028.

De l’autre côté, si le bilan prévisionnel pluriannuel 2021 de RTE souligne que la production d’hydrogène "n’est pas de nature à fragiliser la sécurité d’approvisionnement" compte tenu "de la flexibilité des électrolyseurs et des modèles d’affaires de la production", le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité se borne à y préciser que : "l’utilisation du stockage saisonnier de l’hydrogène pour produire de l’électricité lors de périodes de faible production renouvelable est souvent évoquée. À l’horizon 2030, les conditions techniques et économiques ne sont pas remplies et les prochaines années doivent plutôt servir à développer des démonstrateurs sur les différents maillons de la chaîne" (p. 23).

RTE précise cependant dans ce même rapport : "à l’horizon 2030, les flexibilités de la demande (effacements de consommation, pilotage de la recharge des véhicules électriques, utilisation d’électrolyseurs flexibles...) devraient croître de manière très importante" (p. 34). La flexibilité étant évoquée ici de manière générale, on peut y lire une référence à l’agrégation locale de moyens de stockage mobile ou au stockage saisonnier d’hydrogène, mais les choses devront être précisées.

Le bilan prévisionnel pluriannuel 2021 de RTE ne met donc pas en évidence de besoin de flexibilité, susceptible de justifier le lancement d’appels d’offres long terme stockage.

Qu’attendre dans les prochains mois ?

A moins d’une modification de la PPE, ou d’une évolution de l’analyse à l’occasion de sa révision, ou encore d’une amodiation de celle de RTE dans le prochain bilan prévisionnel pluriannuel, des appels d’offres ne pourraient être lancés que pour favoriser le développement des STEP.

Au demeurant, il ressort de l’avis n° 650 précité, que le choix a été fait d’un lancement des appels d’offres après la publication de la prochaine PPE : "Sollicité sur ces deux points, le Gouvernement a indiqué que l'appel d'offres ne serait intégré que ‘dans la future PPE qui sera prise à la suite de la loi programmatique énergie climat prévue en 2023’ et que les précisions apportées par le décret feront qu'‘il n'y aura pas d'ambiguïtés’".

En tout état de cause, les dispositions réglementaires d’application doivent encore être adoptées, de même d’ailleurs que les dispositions d’application de l’ordonnance n° 2021-237 du 3 mars 2021. Ces textes seront sans doute adoptés avant la publication de la prochaine PPE en 2023, de sorte que le dispositif devrait être complet à cette date.

Cela permettra donc à terme, selon le Gouvernement et le législateur, et malgré les réserves du régulateur, de développer les filières du stockage. On peut penser que ces perspectives devraient conduire, dans les prochaines années, à accélérer le développement de solutions techniques qui contribueront ensuite, avec d’autres solutions, à assurer selon des modalités nouvelles, la sécurité d’approvisionnement du système électrique.


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