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Audit énergétique et société holding

Un champ d’application inadéquat

21/02/2024

Introduits par l’article 8 la directive 2012/27/UE du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique, les premiers audits énergétiques des grandes entreprises devaient être réalisés au plus tard le 5 décembre 2015.

Devant être renouvelés tous les quatre ans, les audits suivants ont été réalisés au plus tard le 5 décembre 2019, puis le 5 décembre 2023.

Toutefois, le champ d’application ratione personae de cet audit ne manque pas d’interroger.

En effet, l’article 8 la directive 2012/27/UE du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique précise que "les États membres veillent à ce que les entreprises qui ne sont pas des PME fassent l'objet d'un audit énergétique effectué de manière indépendante et rentable par des experts qualifiés et/ou agréés ou mis en œuvre et supervisé par des autorités indépendantes en vertu de la législation nationale, au plus tard le 5 décembre 2015, puis tous les quatre ans au minimum à partir du dernier audit énergétique".

La directive indique à ce titre que "la catégorie des micro, petites et moyennes entreprises est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d’euros".

L’obligation de réaliser un audit énergétique a été transposée aux articles L.233-1 à 3 du Code de l’énergie, et ses modalités de mise en œuvre sont précisées par voie réglementaire aux articles R.233-1 et suivants du Code de l’énergie.

L’article R.233-2 du Code de l’énergie indique qu’une entreprise doit réaliser un audit énergétique lorsque "pour les deux derniers exercices comptables précédant la date d'obligation d'audit, elle remplit l'une des deux conditions suivantes :

  • son effectif est supérieur ou égal à 250 personnes ;
  • son chiffre d'affaires annuel excède 50 millions d'euros et son total de bilan excède 43 millions d'euros".

En droit français, les critères de chiffres d’affaires et d’effectifs sont alternatifs et non cumulatifs, contrairement à la définition européenne qui requiert qu’au moins 250 personnes soient employées : cette transposition par le législateur français de la directive européenne nous semble critiquable puisqu’elle peut avoir pour effet d’apprécier la notion de "grande entreprise" uniquement au regard d’un critère financier.

Ainsi, certaines sociétés holding entrent dans le champ de l’audit énergétique alors même qu’un tel audit n’a pas de sens au regard de leur activité.

En pratique, de nombreuses sociétés ont un chiffre d’affaires annuel excédant 50 millions d’euros et un bilan excédant 43 millions d’euros : on pense ici aux sociétés holding dont l’unique fonction est  de permettre à leurs actionnaires de détenir indirectement les titres de multiples filiales, ou encore de faire ruisseler vers leurs filiales un financement contracté à leur niveau. 

Ces sociétés se trouvent assujetties à une obligation de réaliser un audit énergétique, alors même qu’elles ne disposent d’aucun indicateur pertinent pour le réaliser (l’audit énergétique devant couvrir au moins 80 % du montant des factures énergétiques acquittées). L’arrêté du 24 novembre 2014 relatif aux modalités d’application de l’audit énergétique (pris en application de l’article D.233-3 du Code de l’énergie) précise par ailleurs que les éléments de la synthèse d’un rapport d’audit énergétique doivent faire apparaître, notamment, "pour l'ensemble des usages énergétiques, la consommation et le type d'énergie utilisée au périmètre de l'entreprise et aux périmètres des établissements audités", "le montant de la facture d'énergie associée aux différents types d'énergies consommées au périmètre de l'entreprise et aux périmètres des établissements audités", ou encore "la hiérarchisation des opportunités d'amélioration de l'efficacité énergétique". 

On voit mal comment une holding pourrait disposer de telles données, lorsqu’elle n’a aucune activité de production, ne dispose pas de salariés, et ne consomme pas d’énergie sauf de façon très résiduelle : on pense à la mise à disposition de la holding par une autre entité du groupe, à temps souvent partiel, d’un ou deux salariés qui sont installés dans des bureaux eux-mêmes mis à disposition par cette autre entité du groupe, qui peut d’ailleurs elle-même être soumise à l’obligation de réalisation de l’audit énergétique car elle remplit elle-même les critères de réalisation de l’audit.

On s’étonne ainsi que les textes ne prévoient pas la possibilité de réaliser l’audit énergétique au niveau d’un groupe de sociétés. Au contraire, le ministère de la Transition écologique précise dans les questions-réponses publiées sur son site internet (1), s’agissant de l’audit énergétique, que "la règlementation nationale situe l’obligation au niveau de l’entreprise, c’est donc au niveau de la structure identifiée par son numéro de SIREN que se situe l’obligation, chaque structure ayant un numéro de SIREN doit vérifier si elle constitue une grande entreprise […]". 

Ce point a pourtant été relevé par le Haut comité juridique de la Place financière de Paris, dont le rapport sur les dispositifs de transparence extra-financière des sociétés remis à la Chancellerie en juillet 2022 dressait un état des lieux sévère et indiquait que "les obligations relatives à l’audit énergétique, à l’index égalité homme-femme, à la parité au sein des conseils d’administration et de surveillance et des instances dirigeantes ne prennent pas en considération le groupe de sociétés" (2). 

Si les modalités de réalisation d’un tel audit par les holdings qui y sont soumises restent floues, les sanctions en cas d’absence de transmission de cet audit au préfet de la région d’implantation de son siège social sont en revanche bien réelles et peuvent être extrêmement lourdes.

L’article L.233-4 du Code de l’énergie dispose en effet que l’autorité administrative met en demeure l’intéressé de se conformer à ses obligations dans un délai qu’elle fixe, à défaut de quoi, "elle peut infliger une amende dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à sa situation, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 2 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, porté à 4 % en cas de nouvelle violation de la même obligation". Suivant le chiffre d’affaires de la société concernée, l’amende peut rapidement atteindre plusieurs millions. La réception d’une mise en demeure du préfet peut donc être le prélude à un contentieux aux enjeux financiers importants.

Il conviendra de mettre en œuvre un tel audit en fonction des conventions effectivement signées entre la holding et une société du groupe (par exemple convention de mise à disposition de locaux, convention de mise à disposition d’un salarié), ou le cas échéant de prendre attache avec l’autorité administrative afin d’expliquer en quoi un tel audit ne peut pas être réalisé. 

Cet audit énergétique devant être réalisé par les entreprises dépassant le seuil précité de chiffre d’affaires et de bilan sera dans tous les cas le dernier. En effet, la directive 2023/1791 du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique abroge la directive 2012/27/UE avec effet au 12 octobre 2025, et modifie les critères suivant lesquels un audit énergétique devra être réalisé. Aux termes de l’article 11 de cette nouvelle directive, un audit énergétique devra être réalisé avant le 11 octobre 2026 par les entreprises "dont la consommation annuelle moyenne d’énergie a été supérieure à 10 térajoules au cours des trois années précédentes, en prenant en compte tous les vecteurs énergétiques, et qui ne mettent pas en œuvre un système de management de l’énergie" (3). Le seuil d’éligibilité ne sera donc plus celui du chiffre d’affaires ou de l’effectif mais celui de la consommation énergétique, ce qui devrait éviter l’écueil actuel auquel les holdings doivent faire face.


(1) Questions/réponses accessibles le 20 février 2024
(2) Rapport accessible le 20 février 2024.
(3) Aux termes de ce même article 11, point 1, devront mettre un œuvre un système de management de l’énergie les entreprises "dont la consommation annuelle moyenne d’énergie a été supérieure à 85 TJ au cours des trois dernières années écoulées, en tenant compte de tous les vecteurs énergétiques".


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