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Franchise : une obligation d’information précontractuelle d’interprétation stricte ?

De la nécessité de ne communiquer que les informations visées à l’article R.330-1 du Code de commerce

31/01/2022

Saisie d’une demande en nullité d’un contrat de franchise pour dol, la cour d’appel de Rennes rappelle qu’aucune manœuvre dolosive n’est imputable au franchiseur qui a communiqué l’ensemble des informations prévues à l’article R.330-1 du Code de commerce. Et ce quand bien même il se serait abstenu de fournir au franchisé toute autre information facultative, telle qu’un compte prévisionnel (CA Rennes, 8 juin 2021, n° 18/06007).

Les faits 

En mai 2015, un particulier conclut un contrat de franchise avec une société exploitant un réseau de magasins de boulangerie constitué de succursales ou de magasins franchisés. Quelques mois après avoir débuté l’exploitation de son commerce, le franchisé rencontre des difficultés financières et est placé en redressement puis en liquidation judiciaire.

Le liquidateur judiciaire assigne le franchiseur devant le tribunal de commerce de Brest aux fins de nullité du contrat de franchise pour dol et sollicite le remboursement du droit d’entrée et de l’ensemble des redevances acquittées ainsi que l’indemnisation du préjudice subi par le franchisé.

Les juges de première instance déboutent le liquidateur de l’ensemble de ses demandes et jugent qu’aucun vice du consentement n’est prouvé dès lors qu’il est établi que le franchiseur a communiqué de manière exhaustive l’ensemble des informations précontractuelles requises et listées aux articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce (T. com. Brest, 20 juillet 2018).

L’obligation d’information précontractuelle du franchiseur encore et toujours au cœur du débat

Le franchisé, représenté par le liquidateur judiciaire, interjette appel devant la cour d’appel de Rennes.

Il reproche au franchiseur de lui avoir dissimulé les difficultés financières de plusieurs magasins franchisés et d’avoir violé son obligation précontractuelle d’information en lui faisant espérer la réalisation d’un chiffre d’affaires manifestement excessif.

La question posée à la cour d’appel de Rennes était donc celle de savoir si le franchiseur a méconnu son obligation d’information précontractuelle viciant ainsi le consentement du franchisé. Pour y répondre, la Cour d’appel s’attelle à vérifier que les informations précontractuelles énumérées par les articles L.330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ont été correctement communiquées au franchisé et lui ont permis de s’engager avec discernement.

Pour rappel, l’article L.330-3 du Code de commerce impose au franchiseur de fournir au franchisé un document d’information précontractuel dans un délai minimal de 20 jours précédant la signature du contrat de franchise. Ce document, permettant au candidat à la franchise de s’engager en connaissance de cause et dont le contenu est décrit à l’article R.330-1 du Code de commerce, doit notamment préciser :

  • l’ancienneté et l’expérience du franchiseur,
  • l’état et les perspectives de développement du marché concerné,
  • l’importance du réseau d’exploitants,
  • la durée,
  • les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat, ainsi que
  • les champs d’exclusivité.

L’absence de communication ou la communication tardive d’un tel document constitue une contravention de 5e classe sanctionnée par une amende maximale de 1 500 € pour les personnes physiques et de 7 500 € pour les personnes morales (article R.330-2 du Code de commerce ; articles 131-13 et 131-41 du Code pénal). Si les informations communiquées sont lacunaires ou erronées, le contrat de franchise peut être annulé sur le fondement des vices du consentement et la responsabilité du franchiseur peut être engagée sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil.

La décision de la cour d’appel de Rennes

Au visa des articles 1116 du Code civil (définition du dol) et L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce, la cour d’appel de Rennes rejette la demande du franchisé.

  • Sur la prétendue dissimulation des difficultés financières des franchisés      

La cour d’appel de Rennes analyse succinctement la situation des autres franchisés du réseau du franchiseur ayant rencontré des difficultés financières. Pour chacun d’entre eux, les juges d’appel retiennent que leurs difficultés financières sont intervenues postérieurement à la communication du document d’information précontractuelle au franchisé, voire postérieurement à la conclusion du contrat de franchise. Or, seule la mention du nombre de franchisés ayant cessé de faire partie du réseau du franchiseur au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document d’information précontractuel est visée à l’article R.330-1 5) c) du Code de commerce.

En outre, la Cour d’appel énonce qu’il appartenait au candidat à la franchise de se rapprocher des franchisés du réseau, dont les coordonnées lui avaient été communiquées par le franchiseur, pour obtenir les informations qu’il jugeait utiles, notamment relatives aux chiffres d’affaires réalisés par ces derniers.

Par conséquent, la cour d’appel de Rennes conclut à l’absence de dissimulation et de rétention d’informations par le franchiseur dès lors que celui-ci a délivré à son franchisé l’intégralité des informations prévues à l’article R.330-1 du Code de commerce.

  • Sur la communication d’un chiffre d’affaires "manifestement" excessif

Le franchisé reproche par ailleurs au franchiseur de s’être prévalu de la possibilité de réaliser, et ce dès la première année d’activité, un chiffre d’affaires de 800 000 € alors même qu’aucun des franchisés de son réseau n’avait jamais réalisé un tel chiffre, à l’exception de ses propres succursales installées depuis plusieurs années et dispensées de droits d’entrée et de redevances.

A cet égard, il convient de rappeler que les articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce n’imposent pas de fournir une prévision chiffrée des résultats susceptibles d’être atteints par le franchisé. Néanmoins, la jurisprudence récente considère que le franchiseur engage sa responsabilité lorsqu’il communique spontanément des comptes prévisionnels dénués de sérieux qui induisent le franchisé en erreur sur la rentabilité du magasin (Cass.com., 12 juin 2012, n° 11-19.047; Cass.com., 10 juin 2020, n° 18-21.536 ; Cass. com., 12 mai 2021 n° 19-17.701).

Au cas d’espèce, le franchiseur n’avait pas fourni de document prévisionnel d’activité mais seulement un "simulateur" à partir duquel le franchisé avait construit son propre document avec ses propres objectifs prévisionnels. Le franchiseur avait par ailleurs pris le soin d’indiquer dans le document d’information précontractuelle qu’il "n’est pas possible de prévoir le CA d’un point de vente", préférant s’en tenir à la présentation d’"hypothèses de CA".

Dès lors, les juges constatent que le franchiseur n’a jamais garanti au franchisé, ni même ne lui a laissé augurer, qu’il pourrait réaliser un chiffre d’affaires de 800 000 € dès sa première année d’activité et que l’intéressé s’était "obstiné dans un projet présentant des risques pour lesquels il avait reçu plusieurs mises en garde [de plusieurs banques] qu’il a néanmoins délibérément choisi d’ignorer".

En conséquence, les juges concluent à l’absence de réticence dolosive du franchiseur dès lors que "celui-ci s’est abstenu de toute autre communication facultative dont il n’aurait pu garantir la fiabilité". Le jugement de première instance est donc confirmé et le liquidateur débouté de sa demande en nullité du contrat de franchise.

Ainsi, et comme nous l’avions déjà suggéré dans notre article en date du 9 décembre 2020 (Franchiseurs: prenez garde lors de la communication de vos comptes prévisionnels !), nous recommandons aux franchiseurs de ne communiquer à leurs franchisés que les seules informations énumérées à l‘article R.330-1 du Code de commerce, afin de se prémunir contre toute action en nullité du contrat de franchise pour vices du consentement. .

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Lire également : Franchiseurs: prenez garde lors de la communication de vos comptes prévisionnels !

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