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La détermination de la loi applicable dans les contrats

Une liberté absolue des parties ?

24/03/2021

Si les parties à un contrat sont libres de désigner le droit qui lui est applicable, ce choix est néanmoins encadré.

Les échanges commerciaux sont de plus en plus tournés vers l’international et de nombreux acteurs se posent la question de la désignation de la loi applicable à leurs relations commerciales et des règles qui encadrent cette désignation.

Dans le cadre d’une relation contractuelle liant deux parties ressortissantes d’un Etat membre de l’Union européenne, voire une partie ressortissante d’un Etat membre à celle d’un Etat tiers, ce sont les dispositions du règlement (CE) n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit "Rome I", qui ont vocation à s’appliquer.

L’article premier du règlement Rome I précise que celui-ci "s’applique, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale". Il conviendra donc de s’y référer dès lors que le contrat peut être qualifié d’international, à savoir qu’il entretient des liens avec plusieurs pays et donc présente des éléments d’extranéité. 

Le champ d’application de ce règlement est très large. En effet, il s’applique même aux contrats purement internes dont le seul élément d’extranéité est la désignation d’une loi étrangère par les parties. Dans ce cas, la loi étrangère entre en conflit avec la loi nationale normalement applicable au contrat, ce qui crée un conflit de lois au sens de l’article 1 (1).

En vertu du règlement Rome I, les parties sont libres de désigner la loi applicable à leur contrat mais cette liberté n’est pas absolue.

Le principe : la liberté de choix

Les parties à un contrat sont libres de déterminer la loi qu’elles souhaitent voir s’appliquer à celui-ci. C’est la règle consacrée par l’article 3 (1) du règlement Rome I, intitulé "Liberté de choix", qui reprend le principe déjà posé par la convention de Rome de 1980 (n°98/C27/02) selon lequel "le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat".

La loi choisie par les parties est également appelée la loi d’autonomie des parties.

Ainsi, il est possible de désigner comme loi applicable à un contrat une loi qui ne présente aucun lien objectif avec la situation des parties ou le contrat. Les parties peuvent même désigner la loi d’un Etat tiers à l’Union européenne.

Cela s’explique par le fait que la loi d’autonomie des parties est l’expression de leur intérêt commun. En pratique, les parties sont libres de choisir une loi particulièrement favorable à leur situation, une loi fréquemment désignée par les professionnels au regard de la matière concernée ou encore un droit non étatique ou une convention internationale (règlement Rome I, considérant n°13).

Ce que l’on nomme le "law shopping" est donc autorisé, les parties pouvant désigner une loi applicable à leur contrat, même si celle-ci n’a pas de lien direct avec leur situation. Le droit européen parait ainsi très souple à cet égard.

Cette liberté est-elle absolue? Peut-on désigner n’importe quelle loi ?

La liberté de choix des parties est quasi-totale.

Cependant, cette grande liberté ne doit pas permettre aux parties d’écarter des règles de droit qui devraient normalement s’appliquer à elles et d’opérer ainsi une fraude à la loi. Le choix des parties est considéré comme frauduleux si, par ce choix, elles essayent de se soustraire à des dispositions impératives d'une loi qui serait naturellement applicable à leur contrat.

Il existe trois mécanismes en droit international privé qui permettent de contrer toute tentative de fraude : les dispositions d’ordre public interne, les lois de police et l’ordre public international.

Les dispositions d’ordre public

Le règlement Rome I a certes un champ d’application très large mais il encadre de façon stricte la création artificielle d’une situation internationale par le choix d’une loi étrangère.

En effet, les situations contractuelles présentant un caractère purement national sont plus réglementées que les contrats véritablement internationaux.

Dans l’hypothèse où la situation des parties est purement interne à un Etat, l’article 3 (3) du règlement Rome I prévoit que les "dispositions auxquelles la loi de cet Etat ne permet pas de déroger par accord" ont vocation à s’appliquer. La notion de "dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord" fait référence aux dispositions d’ordre public interne. Cette règle permet donc l’application des règles d’ordre public interne malgré la désignation d’une loi étrangère.

Ce mécanisme a pour objectif premier d’éviter le recours abusif et artificiel à un droit étranger dans un contrat purement interne. Dans une telle hypothèse, les dispositions d’ordre public interne auront vocation à s’appliquer en complément des dispositions de la loi désignée par les parties.

De même, l’article 3 (4) du règlement Rome I prescrit l’application des règles d’ordre public européen (issues de règlements ou de directives) si tous les éléments rattachent la situation à un ou plusieurs Etats membres de l’Union européenne. Dès lors, les règles d’ordre public européen ont vocation à s’appliquer malgré la désignation du droit d’un Etat tiers à l’Union européenne.

Les parties à un contrat purement interne ou purement intra-européen ne pourront donc pas, par la désignation d’une loi étrangère, s’affranchir des règles d’ordre public qui pourraient avoir vocation à s’appliquer à leur relation contractuelle.

Les lois de police

L’article 9 du règlement Rome I prévoit que "les dispositions du présent règlement ne pourront porter atteinte à l'application des lois de police du juge saisi".

La notion de "loi de police" fait référence à des règles étatiques spécifiquement désignées comme étant applicables en toutes circonstances et ne pouvant être écartées, malgré l’existence d’une situation internationale.

Ces règles servent à sauvegarder les intérêts publics, à protéger l’organisation politique, économique et sociale d’un Etat.

Les lois de police sont des règles substantielles de droit interne qui protègent des intérêts tellement importants pour le for qu’elles s’appliquent en toute hypothèse.

Par la voie de ce mécanisme dérogatoire, le juge peut donc écarter certaines dispositions de la loi choisie par les parties. A titre d’exemple, la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous‐traitance, en ses dispositions protectrices du sous‐traitant, a été qualifiée de loi de police (Cass. mixte, 30 novembre 2007, n° 06-14.006, arrêt Agintis). Dès lors, si un juge français est saisi d’un litige international présentant un lien de rattachement avec la France (notamment si l’ouvrage en question est situé en France), il devra faire application de ces dispositions quand bien même les parties auraient valablement désigné une autre loi pour régir leur contrat.

Par ailleurs, il convient de noter que le juge français a également la faculté de prendre en considération une loi de police étrangère (il n’en a pas l’obligation).

L’ordre public international

L’ordre public international permet au juge d’écarter une loi étrangère après en avoir fait l’application. Selon l’article 21 du règlement Rome I, "l’application d’une disposition de la loi désignée par le présent règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l’ordre public du for".

Par ce mécanisme de contrôle a posteriori, le juge peut écarter l’application d’une loi étrangère valablement choisie par les parties mais qui mènerait à un résultat choquant au regard de son ordre juridique interne.

En définitive, si les entreprises bénéficient de la plus grande liberté dans le choix de la loi applicable à leurs contrats internationaux, elles doivent veiller scrupuleusement à ce que ce choix n’entre pas en contradiction avec les dispositions d’ordre public interne, les lois de police et l’ordre public international. A défaut, elles risquent d’encourir le grief de fraude à la loi.


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