Habilité par la loi 2018-727 du 10 août 2018 à modifier les dispositions du Code monétaire et financier et du Code de la consommation relatives au taux effectif global ("TEG"), le gouvernement a réformé les sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du TEG avec l’ordonnance du 17 juillet 2019 (l'"Ordonnance").
Pour rappel, la loi d’habilitation confiait une double mission au Gouvernement :
- supprimer, à l'exclusion des contrats prévoyant un taux d'intérêt fixe, l’obligation de mention du TEG dans les contrats de crédit aux entreprises dans les cas où cette mention est inappropriée ; et
- clarifier et uniformiser les sanctions civiles applicables en cas d’erreur ou de défaut de ce taux afin de veiller au caractère proportionné de ces sanctions civiles au regard des préjudices effectivement subis par les emprunteurs afin de satisfaire aux exigences du droit européen en la matière (directive 2008/48/ CE du 23 avril 2008 et directive 2014/17/ UE du 4 février 2014).
Le premier objectif semble avoir été abandonné par le Gouvernement à la suite de la consultation des TPE et PME, à l'occasion de laquelle il est apparu que la mention du TEG (c’est-à-dire l'information sur le coût réel du crédit qu'elle révèle) était importante pour ces sociétés. L'exigence d'un TEG pour les crédits à taux variable devrait donc subsister, au regret des prêteurs ayant la charge de son calcul.
Le second objectif est atteint par l'insertion d'une formulation unique des sanctions civiles applicables en cas d'erreur ou de défaut de TEG, tant au stade précontractuel qu'au moment de la conclusion du contrat. La réforme vient ainsi modifier les dispositions du Code de la consommation et du Code monétaire et financier. Ces textes prévoient désormais que le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans une proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi pour l'emprunteur. Cette sanction unique n'est pas sans rappeler certaines solutions retenues par la jurisprudence en matière immobilière, en cas de TEG erroné, laissant la part belle à l'appréciation du juge quant à l'étendue de la sanction.
Outre l'harmonisation des sanctions opérée, le Gouvernement indique dans le rapport accompagnant l'Ordonnance que la nouvelle sanction est "mieux proportionnée" que certaines des sanctions civiles existantes en cas d'erreur ou de défaut du TEG (qui prévoyaient jusqu’alors la déchéance totale du droit aux intérêts à compter de la signature du contrat ou la substitution du taux d'intérêt légal pour le calcul des intérêts).
L'adoption de cette nouvelle règle vise à endiguer le contentieux relatif au TEG et à mettre un frein à l'effet d'aubaine qui pouvait en résulter. La part d'appréciation importante de la sanction laissée au juge pourrait toutefois être source d'une certaine insécurité juridique. En effet, afin de déterminer le niveau de la sanction, le pouvoir d'appréciation du juge ne sera pas limité à la seule prise en compte du préjudice subi par l'emprunteur, ainsi que le suggère le rapport accompagnant l'Ordonnance.
Partant, les premières décisions mettant en œuvre l'Ordonnance seront suivies avec la plus grande attention et pourraient intervenir très rapidement. Bien que l'Ordonnance soit entrée en vigueur à la date de sa publication et doive encore faire l'objet d'une ratification1, son application pourrait être étendue aux actions en justice introduites avant sa publication. Tel sera le cas, en effet, "si la nouvelle sanction harmonisée présente un caractère de sévérité moindre que les sanctions actuellement en vigueur"2, ce qu'il appartiendra, ici encore, aux juges civils d'apprécier selon les cas…
Vraisemblablement, en matière de TEG, l'encre n'a pas fini de couler.
1 Un projet de loi de ratification a été déposé le 2 octobre 2019 à l'Assemblée Nationale
2 Rapport accompagnant l'Ordonnance.
Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 28 octobre 2019
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