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Le préjudice d'anxiété étendu aux cas d'exposition à des substances nocives ou toxiques

Les salariés exposés à des substances nocives ou toxiques peuvent demander réparation

27/09/2019

En étendant le droit à réparation du préjudice d'anxiété aux salariés exposés à l'amiante des établissements non listés, l'assemblée plénière de la Cour de cassation avait ouvert la voie d'une possible réparation de ce préjudice à des salariés exposés à d'autres substances (Cass. ass. plen., 5 avr. 2019, n° 18-17.442). C'est désormais chose faite : par un arrêt du 11 septembre 2019 (n° 17-24.879), la chambre sociale de la Cour de cassation reconnaît aux salariés exposés à des substances nocives ou toxiques la possibilité de demander réparation de leur préjudice d'anxiété dans les conditions du droit commun de la responsabilité civile.

L'élargissement du champ des bénéficiaires du droit à réparation

Longtemps cantonné au seul profit des salariés ayant travaillé dans des établissements classés les rendant éligibles au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), le droit à réparation du préjudice d'anxiété a été élargi à tous les salariés exposés à l'amiante. Dans son arrêt du 5 avril 2019, l'assemblée plénière a en effet décidé que "tout salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave peut être admis à agir contre son employeur, sur le fondement des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de ce dernier, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée" (cf. Préjudice d'anxiété : le périmètre du droit à réparation est élargi !).

La disparition du lien entre l'éligibilité au dispositif ACAATA et le préjudice d'anxiété rendait prévisible l'extension du champ des bénéficiaires du droit à réparation de ce préjudice. L'arrêt du 11 septembre 2019 le confirme en retenant que "en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité".

Ainsi, si tout salarié exposé à des substances nocives ou toxiques peut désormais agir en réparation de son préjudice d’anxiété, une interrogation demeure sur la nature des substances visées. En effet, les termes utilisés ne permettent pas d'affirmer que seuls les agents cancérigènes mutagènes et reprotoxiques (CMR) et les agents chimiques dangereux (ACD) sont concernés.

Si désormais, l'éligibilité au dispositif ACAATA n'est plus une condition d’exercice du droit à réparation du préjudice d'anxiété, elle demeure un élément essentiel pour la détermination du régime probatoire applicable en cas d'action en réparation de ce préjudice.

Le retour au droit commun de la responsabilité civile

L'arrêt du 5 avril 2019 laisse subsister le régime probatoire de faveur dont bénéficient les salariés des établissements classés les rendant éligibles au dispositif ACAATA. En effet, comme par le passé, ces salariés peuvent bénéficier de la réparation de leur préjudice d'anxiété sans avoir à faire la preuve de leur exposition à l'amiante, ni de la réalité et de l'étendue de leur préjudice.

En revanche, pour pouvoir prétendre à l'indemnisation de leur préjudice, les salariés exposés à l'amiante dans des établissements non listés, comme les salariés exposés à d'autres substances nocives ou toxiques, devront démontrer :

  • leur exposition à une ou plusieurs substances nocives ou toxiques générant un risque élevé de développer une pathologie grave ;
  • la réalité et l'étendue du préjudice d'anxiété qu'ils subissent du fait de cette exposition.

L'employeur pourra néanmoins se dégager de sa responsabilité en prouvant qu'il a respecté toutes les obligations mises à sa charge par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail. 

​Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 11 septembre 2019, plus de 700 anciens mineurs des houillères de Lorraine demandaient réparation de leur préjudice d'anxiété consécutif à leur exposition massive à des poussières. La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel qui, pour débouter les salariés de leur demande, avait retenu qu'il était démontré que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires de protection.

La Cour décide en effet que les juges du fond se sont déterminés par des motifs insuffisants à établir que "l'employeur démontrait qu'il avait effectivement mis en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, telles que prévues aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail", et qu'il appartenait à la Cour d'appel de "rechercher si les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de l'employeur telles que définies aux paragraphes 3 et 4 étaient réunies".

Si cette référence aux paragraphes 3 et 4 censée préciser les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de l'employeur, est particulièrement peu claire, il semble en résulter l'obligation pour le juge du fond de vérifier en particulier que l'employeur a bien respecté les obligations prévues par les 3° et 4° de l'article L.4121-2 du Code du travail lui faisant obligation de combattre les risques à la source et d'adapter le travail à l'homme.

Ces récentes décisions pourraient entraîner un renouveau du contentieux relatif au préjudice d'anxiété dont l'essor dépendra :

  • des solutions retenues en matière de prescription - tant concernant sa durée que son point de départ - ;
  • des éléments pris en compte par le juge pour établir la réalité et l’étendue du préjudice ;
  • des éléments qui seront pris en compte pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de sécurité.

En tout état de cause, il serait souhaitable d'aligner le régime probatoire applicable aux salariés éligibles au dispositif ACAATA sur celui de droit commun de la responsabilité civile applicable aux autres salariés.


Préjudice d'anxiété

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