L’action intentée par la victime ou son assureur sur le fondement des articles L.217-1 et suivants du Code de la consommation a toujours le même point de départ : la délivrance du bien (Cass. 1re civ., 2 février 2022, n° 20-10.855).
Les faits
Une fois encore, les dates sont importantes.
Un navire est acquis, le 20 janvier 2011, par une société spécialisée dans le financement nautique puis loué (avec option d’achat) à un particulier. Le 28 janvier 2011, le locataire signe le procès-verbal de réception du navire. Quelques mois plus tard, un incendie détruit le navire. L’assureur du locataire indemnise son client ainsi que l’acquéreur lequel lui en donne quittance le 27 février 2012. Le 19 avril 2013, l’assureur assigne le vendeur en résolution de la vente sur le fondement de la garantie légale de conformité. Celui-ci se défend en arguant de la prescription de l’action de l’assureur.
La cour d’appel de Fort-de-France juge irrecevable car prescrite l’action de l’assureur. Selon les juges du fond, cette action aurait dû être intentée dans les deux ans de la date de délivrance du navire car elle est soumise à la prescription applicable à l’action directe de la victime. L’assureur conteste cette argumentation et forme un pourvoi en faisant valoir que son action, fondée sur la subrogation, ne pouvait commencer à courir qu’à compter du paiement subrogatoire (soit le 27 février 2012) ; elle n’était donc pas prescrite le 19 avril 2013.
La délivrance du bien : point de départ du délai de prescription de l’action de la victime et de son assureur
"Au sens large, la subrogation est la substitution d’une personne à une autre dans un rapport de droit en vue de permettre à la première d’exercer tout ou partie des droits qui appartiennent à la seconde" (Vocabulaire juridique, G. Cornu). Ce mécanisme permet, en matière d’assurance de dommages, à l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance de se substituer, jusqu’à concurrence de cette indemnité, à l’assuré dans ses droits et actions contre les tiers responsables du sinistre (article L.121-12 du Code des assurances).
Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation rappelle de façon didactique qu’il est de jurisprudence constante que le débiteur peut opposer au créancier subrogé dans les droits de son créancier originaire les mêmes exceptions et moyens de défense que ceux dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier d’origine (Cass. 1re civ., 4 avril 1984, n° 82-16.683).
Dès lors, le créancier subrogé dans les droits de la victime d’un dommage ne dispose que des actions bénéficiant à celle-ci, de sorte que :
- Son action contre le responsable du dommage est soumise à la prescription applicable à l’action directe de la victime (Cass. 1re civ., 4 février 2003, n° 99-15.717) ;
- Le point de départ de son action contre le responsable du dommage est identique à celui de l’action de la victime (Cass. 2e civ., 17 janvier 2013, n° 11-25.723 ; Cass. com., 5 mai 2021, n° 19-14.486).
En l’espèce, les Hauts magistrats confirment la décision des juges du fond et énoncent que l’action subrogatoire de l’assureur est bien soumise à la prescription de l’article L.211-12 du Code de la consommation [actuel article L.217-12 relatif à la garantie légale de conformité] et devait donc être intentée dans les deux ans suivant la délivrance du bien.
Mais qu’est-ce que la délivrance du bien ?
Un procès-verbal de réception est-il suffisant pour caractériser la délivrance d’un navire ?
En l’espèce, un procès-verbal de réception avait été signé le 28 janvier 2011. Dans ce document, le locataire attestait prendre livraison du navire, muni des pièces en permettant la francisation et l’immatriculation, le vendeur reconnaissait avoir livré le navire et les deux parties affirmaient avoir demandé à l’acquéreur d’en payer le prix.
Les juges de la cour d’appel de Fort-de-France ont considéré, dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation, que la délivrance du navire était intervenue le 28 janvier 2011. L’assureur du navire contestait ce point et soutenait que la délivrance n’avait pu avoir lieu à cette date dans la mesure où le certificat du navire n’était alors pas établi.
La Haute juridiction juge ce moyen infondé et affirme que l’action de l’assureur avait bel et bien comme point de départ la date du procès-verbal de réception, à savoir le 28 janvier 2011 et se trouvait donc prescrite lorsqu’elle avait été intentée le 28 avril 2013.
En matière de responsabilité des vendeurs ou fabricants, il est ainsi primordial pour les assureurs subrogés dans les droits de leurs assurés de garder à l’esprit que les délais de prescription courent à leur encontre dans les mêmes termes et conditions qu’à l’encontre de la victime directe du dommage ou défaut. Il leur faut donc agir de façon diligente pour espérer obtenir une indemnisation.
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