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Rappel produit et vices cachés : quelles interactions ?

Absence de lien automatique entre procédure de rappel et vice caché

29/09/2020

Une procédure de rappel d’un produit - par nature préventive - ne permet pas d’établir, à elle seule, l’existence d’un vice caché affectant la chose vendue.

La décision du tribunal judiciaire de Versailles du 4 juin 2020 résulte d’une action de groupe exercée par une association agréée appelée Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) contre la société BMW France (BMW). Il s’agissait d’obtenir la réparation des préjudices économiques subis par un groupe de consommateurs qui avait acquis un modèle de véhicule ayant ensuite fait l’objet d’une campagne de rappel par BMW en raison de la suspicion d’un défaut de qualité.

Les véhicules en question avaient dû être immobilisés pendant les investigations menées par BMW et le temps de réparation.

Le tribunal judiciaire de Versailles a eu à se prononcer sur la recevabilité d’une telle action de groupe - il rappelle d’ailleurs le régime et les conditions de l’action de groupe "à la française" de manière très didactique - ainsi que sur l’existence d’un vice caché ayant causé un préjudice matériel aux acquéreurs en raison de l’immobilisation de leur véhicule.

La question qui nous intéresse en l’espèce et sur laquelle le Tribunal a eu à se prononcer, est celle de savoir si une procédure de rappel d’un produit initiée par le fabricant, en raison de la suspicion d’un défaut de conception de l’un des composants du produit suffit à caractériser l’existence d’un vice caché donnant droit à réparation sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil.

La réponse à cette question est déterminante puisque, en matière de vices cachés, il appartient à celui qui invoque un tel vice, l’acheteur ou toute personne subrogée dans ses droits, de le prouver.

A cet effet, CLCV arguait que la procédure de rappel à l’initiative du fabricant en raison d’un potentiel défaut de la chose la rendant impropre à son utilisation permettait de prouver l’existence d’un vice. La circonstance que le vice ait été réparé ne permettait pas, selon elle, au vendeur professionnel d’éluder l’obligation qui lui incombait d’indemniser l’acquéreur de l’ensemble des préjudices subis à raison de l’existence du vice.

BMW soutenait quant à elle, que la mise en œuvre d’une procédure de rappel n’établissait, par principe, qu’une défectuosité potentielle et que par conséquent, un millier de produits rappelés n’impliquait pas l’existence d’un millier de produits défectueux. L’action préventive de remplacer la pièce potentiellement défectueuse ne devait donc pas s’analyser en une reconnaissance de l’existence d’un vice caché affectant l’ensemble des produits.

Pédagogiquement, le tribunal judiciaire de Versailles rappelle qu’en vertu de l’article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou en aurait donné un moindre prix, s’il les avait connus.

Il rappelle aussi que la charge de la preuve de l’existence du vice incombe au demandeur, lequel doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d’un vice  :

  • inhérent à la chose et constituant la cause technique des défectuosités ;
  • présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l’usage attendu de la chose ;
  • existant antérieurement à la vente, au moins en l’état de germe ;
  • n’étant au moment de la vente, ni apparent ni connu de lui, le vendeur n’étant pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même conformément à l’article 1642 du Code civil.

Si cette preuve peut être rapportée par tous moyens, le Tribunal considère qu’à défaut d’expertise technique, l’existence d’un vice caché ne peut se déduire que d’un faisceau d’indices précis, graves et concordants, propres à établir de manière précise et concrète le défaut litigieux dès lors qu’aucun accident ou simple dysfonctionnement du produit ne peut être rapporté.

Or, CLCV n’apportait aucun élément (expertise, document technique ou autre) permettant d’éclairer les juges sur la nature de la défectuosité alléguée et ne rapportait aucun incident. Pour le Tribunal le simple rappel n’était pas de nature suffisante à caractériser l’existence d’un vice au sens de l’article 1641 du code civil.

Il relève d’ailleurs - pour débouter la demanderesse de ses demandes - que l’action de CLCV ne tend qu’à obtenir la réparation des préjudices liés à l’immobilisation des véhicules qui résulte de manière directe et certaine de la seule campagne de rappel et de remplacement de la pièce et qu’une telle action ne peut prospérer sauf à démontrer la faute de BMW dans la mise en œuvre de ces actions (ce que n’avait pas fait la demanderesse).

Cette décision est heureuse : une solution contraire aurait eu pour impact de dissuader les fabricants de procéder à des rappels en application de leur obligation de sécurité des produits découlant de l’article L.423-2 du Code de la consommation qui impose au professionnel de rappeler ou retirer de la vente des produits susceptibles de ne pas offrir au consommateur la sécurité attendue. Les fabricants auraient pu craindre que la mise en œuvre d’une telle procédure à titre préventif ne les expose à devoir indemniser tous les consommateurs concernés alors qu’il ne serait pas démontré que lesdits produits sont effectivement viciés.

A la lecture de cette décision, il est possible de se demander si la solution pourrait être différente dans le cas d’un avis de rappel émanant de la DGCCRF.

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Auteurs

Mathilde Biermann