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Retour sur le délai de prescription de l'action du créancier hypothécaire

contre l'assureur du bien sinistré

10/12/2020

La subrogation réelle a fait l'objet de nombreuses études et reste encore aujourd'hui discutée tant sur sa nature que sur son régime. L'existence même d'un principe général de subrogation réelle est débattue alors que notre droit positif multiplie les cas spéciaux1. Toute jurisprudence sur le sujet mérite donc notre attention, notamment l'arrêt de la deuxième chambre civile de la cour d'appel de Basse-Terre du 27 Avril 2020. Cette décision fait droit aux demandes du créancier bénéficiaire d'une hypothèque constituée sur un bateau sinistré, alors que l'assureur intimé lui opposait la prescription biennale de l'article L. 114-1 du Code des assurances. Ce faisant, la cour rappelle que le délai de prescription de l'action du créancier hypothécaire, trouvant son fondement dans l'article L.121-13 du Code des assurances, est quinquennal.

On sait que le créancier hypothécaire ou privilégié dispose d'une action, personnelle, contre l'assureur au titre de l'article L. 121-13 du Code des assurances. Selon cet article, les indemnités dues à la suite d’un sinistre affectant le bien sont attribuées, sans qu'il y ait besoin de délégation expresse, aux créanciers privilégiés ou hypothécaires, suivant leur rang. Cette règle, inchangée depuis la loi du 19 février 1889 (art. 2), constitue l'une des nombreuses interventions législatives ayant institué un cas particulier de subrogation réelle. Jusqu’alors, la jurisprudence refusait en effet, sans loi spéciale, d’appliquer le mécanisme de la subrogation réelle à l'indemnité d'assurance relative au bien sinistré objet d'une sûreté réelle2.

En cas de subrogation, le créancier hypothécaire ou privilégié n'est pas cessionnaire de l'indemnité d'assurance, mais acquiert un droit propre3 et nouveau sur celle-ci à compter de la survenance du sinistre4 ; droit résultant de la subrogation de l'indemnité d'assurance au bien sinistré. L'affectation de la valeur du bien à la garantie du créancier autorise en effet, en cas de disparition du bien, une subrogation entre celui-ci et l'indemnité qui le remplace, la chose subrogée faisant l'objet des mêmes droits (droits réels accessoires), voire prenant, peut-être, la même nature, selon une approche plus objectiviste. Ce n'est donc pas en qualité d'ayant-cause particulier que le créancier hypothécaire ou privilégié exerce son action directe, mais en qualité de propriétaire d'un droit acquis de manière originaire et vierge de tout accessoire.

Il en résulte trois conséquences :

  • en cas de redressement judiciaire de l'assuré, l'indemnité d'assurance ne "tombe" pas dans son patrimoine, la procédure collective n'ayant aucun effet sur l'attribution de l'indemnité au créancier privilégié5. Cette solution rappelle les dispositions de l'article 2372 du Code civil selon lequel les droits du propriétaire réservataire se reportent sur l'indemnité d'assurance subrogée au bien6 ;
  • le droit propre qui prend naissance au jour du sinistre ne saurait, à dater de cet évènement, être affecté dans son existence ni dans son objet par aucune cause de déchéance encourue personnellement par l'assuré pour inobservation des clauses de la police7, ces causes devant toutefois être distinguées des situations de non-assurance qui ne donnent pas naissance à une indemnité au profit de l'assuré (exclusion de garantie, nullité du contrat d'assurance etc.) ;
  • enfin, comme le rappelle l'arrêt de la cour d'appel ici commenté, le délai de prescription de l'action du créancier hypothécaire ou privilégié n'est pas biennal mais quinquennal, comme toutes les actions personnelles ou mobilières (C. civ., art. 2224).

Article paru dans Option finance le 30/12/2020


[1] Voir C. civ. art. 2372 issu de l'Ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006.

[2] Cass. civ., 28 juin 1831.

[3] Cass. civ., 4 décembre 1946.

[4] Cass. civ. 2e, 3 novembre 2011, n° 10-30.876.

[5] Cass. civ. 1re, 28 octobre 1997, n° 95-20.318.

[6] Voir, antérieurement : Cass. com., 6 juillet 1993, n°91-14.707.


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