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Rupture conventionnelle collective

Analyse de la jurisprudence récente

26/10/2018

La rupture conventionnelle collective (RCC) constitue l’une des grandes innovations de la réforme du droit du travail opérée par les ordonnances du 22 septembre 2017. Pourtant, malgré le fort engouement des entreprises pour cette nouvelle mesure, celle-ci ne semble pas connaître, pour le moment, le développement attendu.

Pour la première fois à notre connaissance, le juge administratif se prononce sur une demande d’annulation de la décision de validation d’un accord portant RCC rendue par une direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte).

Conditions de mise en œuvre de la RCC, rappel de la procédure

L’ordonnance n° 2017-1387 a inséré aux articles L.1237-19 à L.1237-19-14 du Code du travail une nouvelle sous-section relative à la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif portant RCC.

La mise en œuvre de la RCC nécessite la conclusion d’un accord collectif et sa validation par la Direccte selon les modalités suivantes : 

Une fois l’accord validé par l’Administration, l’acceptation par l’employeur de la candidature du salarié dans le cadre de la RCC emporte rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties.

Une décision pragmatique sur le rôle de la Direccte

Dans un jugement du 16 octobre 2018 (n° 1807099), le tribunal administratif de Cergy-Pontoise se prononce pour la première fois sur la légalité de la validation d’un accord portant RCC.

En l’espèce, dans le cadre de la restructuration de ses effectifs, une entreprise avait conclu un accord et l’avait transmis à la Direccte pour validation. À la suite d’une décision de complétude du dossier, l’administration du travail avait validé l’accord. Une organisation syndicale non signataire et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du siège social de l’entreprise ont alors saisi le tribunal administratif aux fins de contester cette décision aux motifs que:

  • le délai d’information de l’Administration de l’ouverture de négociations n’avait pas été respecté ; 
  • le comité d’entreprise et le CHSCT n’avaient pas été consultés ;
  • l’accord litigieux avait pour effet d’éluder les règles impératives relatives au plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ;
  • les modalités de validation des candidatures prévues par l’accord étaient contraires au principe d’égalité.

Le tribunal administratif a entièrement rejeté cette argumentation en jugeant que :

  • si l’Administration doit être informée sans délai de l’ouverture de négociations en vue de la conclusion d’un accord de RCC (C. trav., art. L.1237-19), cette obligation n’est pas prescrite à peine de nullité de la procédure. Or, au cas particulier, il n’était pas établi que l’inobservation de ce délai ait eu pour conséquence de porter atteinte à une garantie de procédure ou ait exercé une influence sur le sens de la décision de validation ;
  • l’Administration a pour seule obligation de s’assurer que la procédure d’information du comité d’entreprise a été régulière (C. trav., art. L.1237-19-3) et n’a pas à vérifier la régularité de la consultation du CHSCT, laquelle n’est pas prévue par les dispositions spécifiquement applicables à la RCC. En outre, la circonstance que la conclusion de l’accord ait pour effet de procéder à des ruptures contribuant à une restructuration et à une compression d’effectifs, et qu’à ce titre elle aurait dû être précédée d’une consultation du comité d’entreprise, est sans incidence sur la légalité de la décision. Le tribunal rend ainsi une première décision sur la portée des dispositions prévoyant l'absence de consultation des représentants du personnel sur les projets d'accords collectifs : la position des juridictions de degré supérieur sera particulièrement attendue sur ce sujet ;
  • l’Administration doit vérifier la conformité de l’accord à l’article L.1237-19 et notamment que son contenu exclut tout licenciement pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixé en termes de suppression d’emploi mais il ne lui appartient pas de se prononcer sur le choix de l’entreprise de recourir à un accord collectif portant RCC plutôt qu’à un PSE. En l'espèce, le tribunal souligne que l'engagement pris par la société de ne procéder à aucun licenciement pendant une période de douze mois suivant les premiers départs réalisés en application de l'accord était, compte tenu du caractère raisonnable du délai retenu, de nature à établir l'absence de contournement des règles relatives au PSE ;
  • l’Administration doit vérifier la présence dans l’accord collectif de clauses portant sur les conditions que doit remplir le salarié pour bénéficier de la rupture conventionnelle (candidature, critères de départage, modalités de suivi, etc.), il ne lui appartient pas de contrôler les modalités de mise en œuvre de la rupture conventionnelle librement négociées entre l’employeur et les organisations syndicales.

Cette décision, qui tranche certaines questions importantes sur le régime de la RCC, confirme la vision pragmatique des juridictions administratives selon lesquelles il n’appartient pas à l’Administration de se prononcer sur l’opportunité des décisions prises par l’employeur. Elle doit seulement vérifier que ces décisions respectent les dispositions légales prescrites pour leur mise en œuvre.

Malgré l'engouement initial, un premier bilan mitigé

La RCC ne semble pas, pour le moment, connaitre l’essor attendu. En effet, à ce jour, seuls 37 accords portant RCC ont été validés par l’Administration, dont une large partie a été négociée et signée par des PME.

Ce faible nombre d’accords s’explique sans doute en partie par les incertitudes qui entourent aujourd’hui le dispositif s’agissant notamment des situations permettant d’y recourir, de son articulation avec les plans de départs volontaires autonomes (unilatéraux ou négociés) ou encore de l’étendue de l’interdiction faite à l’employeur de procéder à des licenciements.

Le questions-réponses publié par la direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle le 19 avril 2018, n’a pas permis de lever ces incertitudes. Il affirme notamment que le dispositif de rupture conventionnelle collective a été "conçu comme un outil de restructuration à froid, non lié à un motif économique", ce qui ne semble pas permettre d’y recourir, par exemple, en cas de fermeture de site.

Dans ces conditions, une jurisprudence pragmatique des juridictions administratives, telle que celle qui vient d’être initiée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise pourrait contribuer à rendre au dispositif son attractivité initiale.

Nul doute que les prochaines décisions de justice qui seront rendues en matière de rupture conventionnelle collective permettront non seulement de mieux cerner les contours de ce dispositif, mais décideront aussi du sort qui lui sera réservé par les entreprises dans la palette des outils de gestion de l’emploi mise à leur disposition.


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