Home / Actualités / Sort des clauses abusives figurant dans un contrat...

Sort des clauses abusives figurant dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère

25/10/2022

L’article 6§1 de la directive 93/13 sur les clauses abusives impose aux Etats membres de prévoir « que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».

La mise en œuvre de ces dispositions soulève de nombreuses interrogations, s’agissant en particulier de la portée de la sanction des clauses abusives et du pouvoir de réfaction du juge.

Parmi les principales questions, deux nous intéressent. D’abord, celle de savoir si le juge national, lorsqu’il est saisi d’une demande de suppression d’une clause abusive, peut se limiter à éliminer la partie effectivement abusive de la clause. Ensuite, celle tenant à la possibilité pour le juge national, qui a constaté la nullité d’une clause abusive n’entraînant pas la nullité du contrat dans son ensemble, de substituer à la clause litigieuse, soit une disposition nationale supplétive, soit son interprétation de la volonté des parties.

C’est à ces deux questions que la Cour de justice de l’Union européenne vient de répondre dans le cadre d’un recours préjudiciel concernant un contentieux relatif au caractère abusif d’une « clause de conversion » figurant dans des contrats de prêts hypothécaires libellés en devise étrangère (CJUE 8 sept. 2022, aff. C-80/21 à C-82/21).

En l’espèce, la clause contestée était inscrite dans des contrats libellés en francs suisses (CHF) souscrits par des consommateurs polonais. Les prêts avaient été enregistrés en CHF et les fonds correspondants mis à la disposition des intéressés en zlotys polonais (PLN), avec application du cours d’achat du CHF par rapport au PLN comme prix de conversion. En revanche, il était prévu que, lors du remboursement des mensualités des prêts, le prix de conversion correspondrait au cours de vente du CHF par rapport au PLN. Les consommateurs invoquaient la nullité de cette clause en raison de son caractère abusif.

Les solutions dégagées par le juge européen, à propos de la nullité d’une clause abusive, valent en droit français où la sanction est celle du réputé non écrit.

Pas d’annulation partielle de la clause sans maintien de la substance du contrat

La CJUE rappelle que l’article 6§1 précité interdit au juge national qui annule une clause abusive dans un contrat de consommation de compléter le contrat en révisant le contenu de cette clause. La solution s’explique par la volonté de préserver l’effet dissuasif qu’exerce sur les professionnels la non-application pure et simple des clauses abusives (CJUE 26 mars 2019, aff. C-70/17 et C-179/17).

Il en résulte, selon la CJUE, l’exclusion de toute possibilité pour le juge de supprimer uniquement les éléments de la clause qui lui confèrent un caractère abusif, en laissant le reste de celle-ci effectif si, du moins, une telle suppression revient à réviser le contenu de cette clause en affectant sa substance (en ce sens déjà CJUE 29 avr. 2021, aff. C- 19/20).
En d’autres termes, une réduction partielle de la clause abusive reste possible à la condition qu’elle n’entraîne pas une dénaturation du contrat.

Pas de substitution judiciaire de la clause sans accord du consommateur

Concernant la possibilité pour le juge national de substituer à la clause abusive nulle, lorsque cette nullité n’entraîne pas celle du contrat en entier, une disposition de droit national supplétive, la CJUE répond par la négative.

En effet, cette faculté de substitution fait exception à la règle générale selon laquelle le contrat en cause ne reste contraignant pour les parties que s’il peut subsister sans les clauses abusives qu’il comporte. Elle est limitée aux hypothèses dans lesquelles la suppression de la clause abusive obligerait le juge national à invalider le contrat dans son ensemble, exposant par là le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de telle sorte que ce dernier en serait pénalisé (CJUE 3 oct. 2019, C-260/18).

Or, lorsque le consommateur a été informé des conséquences liées à l’annulation du contrat dans son ensemble et a consenti à une telle annulation, cette condition ne semble pas remplie. Le juge ne saurait donc, dans ce cas non plus, procéder à une réfaction du contrat.

De façon analogue, les juges nationaux étant uniquement tenus d’écarter l’application d’une clause abusive, sans être habilités à en réviser le contenu, ils ne peuvent, sans accord du consommateur, substituer à une clause abusive annulée ayant pour effet d’anéantir le contrat en entier, une interprétation judiciaire de la volonté des parties afin d’éviter l’annulation du contrat.

Article paru dans Option Finance le 30/09/2022


En savoir plus sur notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d'avocats est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Son enracinement local, son positionnement unique et son expertise reconnue lui permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée dans tous les domaines du droit.

cabinet avocats CMS en France

Notre cabinet d'avocats à Paris

Expertise : Concurrence

nous contacter 330x220

Nous contacter

Vos contacts

Portrait deElisabeth Flaicher-Maneval
Elisabeth Flaicher-Maneval
Counsel
Paris