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Vers un contrôle européen des concentrations subventionnées par les pays étrangers

Le contrôle des concentrations s’étoffe drastiquement !

02/02/2023

Après le contrôle possible des opérations de concentration sous les seuils de notification (voir D. Redon « L’actualité (d)étonnante du droit des concentrations ; Option Finance du 19/12/2022), c’est au tour des concentrations subventionnées par les pays étrangers d’entrer dans le viseur de la Commission européenne.

Mettre fin à l’ensemble des distorsions de concurrence générées par des flux financiers étrangers

En effet, alors que les aides d’Etat octroyées par les Etats membres font l’objet d’un strict encadrement, évitant qu’elles ne viennent perturber le jeu de la concurrence sur le marché européen, la Commission européenne ne dispose pour l’heure d’aucun droit de regard sur les opérations réalisées sur le territoire européen à l’aide de subventions accordées par des Etats tiers. Pourtant, ces subventions sont tout aussi susceptibles de produire des effets déloyaux sur la concurrence intra-européenne, tout particulièrement dans le domaine des fusions et acquisitions.

Afin de remédier à cette situation, l’Union européenne vient de se doter d’un nouvel instrument juridique qui autorisera, à compter du 12 juillet 2023, la Commission européenne à contrôler, corriger et sanctionner les distorsions de concurrence résultant de subventions étrangères octroyées à des entreprises privées ou publiques opérant sur le marché intérieur (Règlement 2022/2560 du 14 décembre 2022, dit « Règlement RSE »).

Un vaste champ de contrôle

Le RSE couvre toutes les activités économiques dans l’UE, quel que soit le secteur.

Les subventions étrangères visées s’entendent très largement : il s’agit des contributions financières (telles que transfert de fonds ou de passifs, abandon de recettes normalement exigibles et fourniture ou achat de biens ou de services) octroyées directement ou indirectement par un pays tiers (i.e. Etat, entreprise publique étrangère ou entreprise privée dont les actes peuvent être attribués à un pays tiers). Il faut toutefois que ces contributions confèrent un avantage à une entreprise exerçant une activité économique dans le marché intérieur et qu’elles soient réservées à une ou plusieurs entreprises ou à un ou plusieurs secteurs.

A cet égard, sera considérée exercer une activité économique dans l’UE, toute entreprise privée ou publique étrangère qui fusionne avec une entreprise établie dans l’Union ou qui en acquiert le contrôle.

Un droit de regard spécifique sur les concentrations

Si le nouveau dispositif de contrôle a vocation à appréhender toutes les situations de marché, il s’intéresse plus spécifiquement à deux types d’opérations : les marchés publics et concessions d’importance et les concentrations (fusion, acquisition et création d’entreprise commune) d’une certaine envergure.

Ainsi, les concentrations réalisées sur le territoire de l’UE à l’aide de subventions étrangères vont pouvoir être soumises à un contrôle de la Commission européenne (indépendamment de celui prévu par le droit des concentrations) à un double titre :

  • soit, dans le cadre d’un pouvoir général d’enquête, autorisant la Commission à ouvrir une enquête de sa propre initiative (ex-officio) lorsqu’elle soupçonne l’existence de subventions étrangères génératrices de distorsion de concurrence. Ce pouvoir inclut la possibilité de demander une notification ad hoc de l’opération ;
  • soit, dans le cadre d’un outil spécifique d’autorisation, reposant sur un système de notification obligatoire, applicable à compter du 12 octobre 2023, pour les opérations dépassant les seuils suivants :
  • au moins une des entreprises parties à la fusion, l’entreprise acquise ou l’entreprise commune est établie dans l’Union et génère un chiffre d’affaires total d’au moins 500 000 000 EUR dans l’Union; et
  • les contributions financières de pays tiers totales cumulées dépassent 50 000 000 EUR au cours des trois années précédant la conclusion de l’accord, l’annonce de l’offre publique d’achat ou d’échange, ou l’acquisition du contrôle.

Pour mener à bien sa nouvelle mission de contrôle, la Commission disposera de larges pouvoirs d’enquête (demandes de renseignements ; inspections dans l’UE et hors UE).

Une fois établie l’existence d’une subvention étrangère faussant le marché unique, elle devra procéder, sur la base des informations obtenues, à une mise en balance des effets négatifs de la subvention et de ses effets positifs notamment sur le développement de l’activité économique subventionnée concernée dans le marché intérieur.

Cette évaluation lui servira ensuite à déterminer la nature et le niveau des mesures réparatrices ou des engagements (réduction de capacités ou de présence sur le marché, interdictions de certains investissements, cession d’actifs) qu’elle décidera, le cas échéant, d’imposer pour remédier à la distorsion de concurrence réelle ou potentielle constatée. En outre, selon la procédure mise en œuvre, la Commission pourra soit interdire la concentration, soit ordonner sa dissolution.

Par ailleurs, à l’instar du dispositif classique de contrôle des concentrations organisé par le Règlement 139/2004, avec lequel il est appelé à coexister, le dispositif RSE dote la Commission de pouvoirs de sanctions et d’astreintes importants.

Six mois pour se préparer

D’ici le 12 juillet prochain, la Commission européenne doit encore définir la forme, la teneur et les modalités procédurales des notifications de concentrations, y compris une éventuelle procédure simplifiée.

Les entreprises mettront utilement à profit cet intervalle pour se préparer à la perspective d’un possible élargissement du contrôle de leurs opérations de concentration sur un nouveau terrain : celui des subventions étrangères.

Article paru dans Option Fiinance du 23/01/2023


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