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La réforme de la HAS : quelle réforme ? Pour quelle indépendance ?

20/02/2017

Adoptée sur le fondement de l’article 166 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, l’ordonnance n° 2017-84 du 26 janvier 2017 relative à la Haute Autorité de santé procède à une refonte de celle-ci.

Rappelons que le VI de l’article 166 de la loi habilite le Gouvernement à adopter par ordonnance, dans le délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, les mesures relevant du domaine de la loi ayant pour objet :

  • « - de faire évoluer les conditions de l’évaluation et de la prise en charge par l’assurance maladie des médicaments et des dispositifs, en adaptant notamment les compétences et la composition » de la CT, de la CNEDIMTS et de la Commission de l’évaluation économique (CEESP) ;
  • d’adapter la gouvernance et les missions de la HAS, ainsi que la composition du collège.

Sur ce fondement, l’ordonnance du 26 janvier 2017 modifie trois articles du code de la sécurité sociale (CSS), à savoir les articles L 161-37, L 161-41 et L 161-42.

1. ARTICLE L 161-37 :

L’ordonnance modifie tout d’abord les cinq derniers alinéas de l’article L 161-37 pour principalement revoir les dispositions relatives au rapport annuel qui a désormais notamment pour objet, à compter du rapport 2017, de préciser « les modalités et les principes selon lesquels sont mis en œuvre les critères d’évaluation des produits de santé en vue de leur prise en charge par l’assurance maladie », alors que le texte actuel prévoit seulement que le rapport annuel « porte notamment sur les travaux des commissions ».

Les modifications successives de cet article donnent une idée relativement inquiétante de l’intense travail législatif actuellement mené « tambour battant ».

Qu’on en juge :

  • sur les cinq alinéas de l’article L 161-37 du CSS modifiés par l’ordonnance du 26 janvier 2017, quatre étaient issus de l’article 46 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, publiée le 21 janvier et entrée en vigueur le 22 janvier. Durée de vie des alinéas modifiés donc : du 22 au 26 janvier 2017, soit quatre jours (pour deux consultations du Conseil d’Etat) ;
  • dans le même temps, une coquille qui s’est glissée dans le dix-septième alinéa (dont la rédaction sur Legifrance est erronée1) du fait d’une erreur commise par les services de la séance lors de l’adoption de la loi du 26 janvier 2016 n’a été réparée ni par la loi du 20 janvier 2017 ni par l’ordonnance du 26 janvier !

2. ARTICLE L 161-41 :

L’ordonnance modifie également l’article L 161-41 du même code. On notera à cet égard, d’une part, que le principe selon lequel le collège peut exercer les attributions des commissions est maintenu, avec toutefois une réserve d’importance qui concerne les travaux de la CEESP2 ; d’autre part, que le nouveau dispositif prévoit que les règles de fonctionnement de la CT et la CNEDIMTS sont, comme cela est le cas aujourd’hui de celles relatives au fonctionnement de la CEESP, définies par décret en Conseil d’Etat, ce qui confirme les doutes que l’on peut avoir quant à la légalité de certaines des dispositions figurant actuellement dans les règlements intérieurs des commissions.

On signalera par ailleurs qu’un décret en Conseil d’Etat déterminera les conditions dans lesquelles le président de la HAS peut réunir sous sa présidence deux des commissions spécialisées, telles que donc la CT et la CNEDIMTS, en vue d’une délibération conjointe relative à l’évaluation des produits de santé, autre disposition nouvelle destinée probablement à lever certaines des difficultés rencontrées.

3. ARTICLE L 161-42 :

Enfin, l’ordonnance modifie également l’article L 161-42 relatif à la composition du collège qui comprendra désormais sept membres au lieu de huit actuellement. On relèvera sur ce point que, alors qu’aujourd’hui seul le Président est nommé par l’exécutif, en l’occurrence le Président de la République, l’ordonnance donne désormais au pouvoir exécutif le pouvoir de nomination de la majorité des membres du collège (4 sur 7). En effet, si le pouvoir de nomination du Président appartient toujours au Président de la République, le ministre nomme désormais trois des six membres restants du collège, qui se composera par ailleurs de trois femmes et de trois hommes. Compte tenu du nombre des autorités de nomination (4 au total pour six personnes à nommer), cette obligation nouvelle conduit à des hypothèses compliquées, pouvant se traduire par une nomination par tirage au sort, dont les modalités seront, le plus sérieusement du monde, régies par un décret en Conseil d’Etat. Ce nouveau processus de nomination des membres du Collège n’est donc assurément pas de nature à rassurer les industriels sur l’indépendance d’une institution à qui, par ailleurs, l’article 46 de la loi du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes a, par ailleurs, retiré la personnalité morale !

Le mandat actuel des membres du collège prend fin au plus tard le 27 avril 2017. Les membres actuellement en fonctions et ayant déjà effectué deux mandats ne pourront être renouvelés pour un troisième mandat, compte tenu des nouvelles règles de limitation des mandats.

1La rédaction de cet alinéa sur le site Internet de Legifrance est, à la suite de cette coquille, incompréhensible. On trouvera ci-après la rédaction correcte d’un alinéa qui n’est pas sans importance pour les industriels : « La Haute Autorité rend publics l’ordre du jour et les comptes rendus assortis des détails et explications des votes, y compris les opinions minoritaires, à l’exclusion des informations relatives au secret des stratégies commerciales, des réunions de la commission prévue à l’article L 5123-3 du code de la santé publique siégeant auprès d’elle et consultée sur l’inscription des médicaments inscrits sur les listes prévues à l’article L 162-17 du présent code et à l’article L 5126-4 du code de la santé publique, ainsi que son règlement intérieur ».

2On notera toutefois qu’une rédaction particulièrement confuse ne permet pas de trancher avec netteté entre cette interprétation restrictive et une interprétation plus large qui concernerait l’ensemble de l’évaluation et concernerait donc également la CT et la CNEDIMTS, comme il ressort notamment du rapport de présentation de l’ordonnance au Président de la République.

Auteurs

Bernard Geneste