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La taxe d’enlèvement des ordures ménagères n'est pas une charge afférente à l'immeuble imputable au preneur

Refacturation des charges et taxes dans le cadre d'un bail commercial

31/01/2019

La refacturation au preneur des charges et taxes, normalement imputables au bailleur, est un sujet sensible en matière de bail commercial.

De longue date, la pratique consistait à prévoir des baux "nets de charges" pour le bailleur, avec des clauses très générales, et ce au détriment du preneur.

En réaction, la jurisprudence s’est montrée assez sévère dans l’interprétation des clauses afin de procéder à un rééquilibrage des relations contractuelles en faveur du locataire. La Cour de cassation rappelle régulièrement la nécessité d’une clause claire et précise du bail commercial ou d’un accord non équivoque pour permettre au bailleur d’imposer à son locataire le remboursement de charges exposées relativement au bien loué, a fortiori autres que locatives (Cass. 3e civ., 22 mai 2013, n° 12-18.995).

Un arrêt de la Cour de cassation en date du 13 septembre 2018 en offre une illustration à propos de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères - TEOM (Cass. 3e civ., 13 septembre 2018, n° 17-22.498).

Dans cette affaire, des époux avaient donné à bail à une société un local commercial le 1er janvier 1998. Le bail mettait à la charge du preneur "sa quote-part des charges, taxes et dépenses de toutes natures afférentes à l'immeuble". Le 16 janvier 2014, la société locataire a assigné les bailleurs en restitution d'un trop versé de charges et de taxes d'enlèvement des ordures ménagères.

La cour d’appel de Lyon avait accueilli cette demande. La Cour de cassation confirme son analyse en décidant que la Cour d’appel a "exactement retenu que la taxe d'ordures ménagères ne pouvait être mise à la charge du preneur qu'en vertu d'une stipulation expresse du bail et qu'elle ne constituait pas une charge afférente à l'immeuble". Ainsi, la Haute juridiction considère que la Cour d'appel "n'a pas dénaturé la clause du bail" et "a légalement justifié sa décision en retenant que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne pouvait être mise à la charge du preneur".

Que ce soit au plan juridique ou au plan fiscal, cette solution appelle plusieurs remarques.

Au plan juridique

Une jurisprudence sévère de longue date - La solution découlant de l’arrêt commenté se situe dans le prolongement de plusieurs décisions de la Cour de cassation. Cette dernière avait déjà eu l’occasion de juger que s'agissant d'un bail commercial, la TEOM ne peut être mise à la charge du preneur qu'en vertu d'une stipulation contractuelle expresse (Cass. 3e civ., 13 juin 2012, n° 11-17.114 ; Cass. 3e civ., 18 novembre 1998, n° 96-19.556).

Le régime applicable précisé par la loi Pinel - Cette approche a été confortée par la loi du 18 juin 2014 dite "loi Pinel". Depuis cette loi, tout contrat de location doit comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, indiquant leur répartition entre le bailleur et le locataire. Par ailleurs, l’article R.145-35 du Code de commerce, issu du décret du 3 novembre 2014, précise que ne peuvent être imputés au locataire "les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l'immeuble".

Toutefois, peuvent être imputés au locataire "la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement". La TEOM semble parfaitement entrer dans cette catégorie puisqu’elle constitue une taxe additionnelle à la taxe foncière.

Toutefois, même si la loi prévoit la faculté de répercuter la taxe sur le preneur encore faut-il que cela soit expressément et clairement prévu dans le contrat de bail, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Au plan fiscal

Une taxe liée, en réalité, à l’existence de l’immeuble - Au regard des règles propres à la fiscalité locale, la décision de la Cour de cassation n’est compréhensible que s’agissant de logements. En effet, dans ce cas, la collectivité est dans l’obligation de collecter et de traiter les déchets ménagers. En revanche, la conclusion de la Cour de cassation selon laquelle la TEOM n’est pas une charge afférente à l’immeuble est moins vraie lorsqu’il s’agit de locaux professionnels.

S’agissant d’immeubles commerciaux, le paiement par le bailleur de la taxe n’exonère pas le locataire de devoir faire appel à une entreprise privée pour la collecte et le traitement des déchets non ménagers qu’il produit. Cette taxe est alors liée directement à l’existence de l’immeuble et non à son utilisation puisque l’impôt est dû même en présence de locaux vacants.

Cela est donc souvent assimilé à une "double facturation" (l’occupant acquittant à la fois la refacturation de la TOEM par le bailleur, et le service rendu par l’entreprise privée), mais juridiquement tel n’est pas le cas.

Eviter la "double facturation" - Il peut être judicieux de se demander à la collectivité de recourir à la procédure de la redevance spéciale d’enlèvement des déchets qui, dans la mesure où elle relève d’une négociation contractuelle, est liée au service rendu, plutôt que de continuer de faire appel à une entreprise privée spécialisée dans la collecte et le traitement des déchets non ménagers. Dans ce cas, la prise en compte de la TEOM acquittée par le bailleur dans la fixation du niveau de la redevance est, de par la loi, envisageable.

TEOM, taxe foncière et cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) - Il est nécessaire de bien différencier la taxe foncière et la TEOM qui, bien que figurant sur le même avis d’imposition, constituent des impositions distinctes.

Si la refacturation de la taxe foncière et de la TEOM est expressément prévue par le bail, cela s’analyse comme un complément de loyer qui ne constitue pas une charge minorant la valeur ajoutée du locataire pour la détermination de la CVAE.


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