Home / Publications / Point de départ du délai de prescription de l’action...

Point de départ du délai de prescription de l’action en paiement

La Chambre commerciale de la Cour de cassation prend position

03/08/2020

Par un arrêt du 26 février 2020, la Chambre commerciale de la Cour de cassation affirme que le point de départ du délai de prescription de l’action en paiement d’une prestation de service fournie à un professionnel n’est pas la date d’établissement de la facture (Cass. com., 26 février 2020, n°18-25.036).

Une société avait réalisé trois études géologiques en mars 2008 et octobre 2009 pour le compte d’un autre professionnel. Les factures avaient été établies le 4 juin 2010. Ces factures n’ayant pas été honorées, le prestataire avait assigné en paiement son client le 2 février 2015. Celui-ci lui avait alors opposé la prescription quinquennale de son action, laquelle aurait selon lui commencé à courir à la date d’établissement des factures impayées.

La cour d’appel de Paris a déclaré cette action prescrite, estimant au contraire que le point de départ de l’action en paiement se situait à la date d’exécution des prestations. 

La Chambre commerciale confirme que la prescription était acquise.

Appréciation du point de départ du délai de prescription au regard de l’article 2224 du Code civil

L’article L.110-4 du Code de commerce prévoit que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants se prescrivent par cinq ans, sans pour autant préciser le point de départ de cette prescription.

Pour la Cour de cassation, il doit être fixé conformément aux dispositions de l’article 2224 du Code civil, selon lequel le délai de prescription des actions personnelles et mobilières commence à courir "à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer".

A cet égard, elle constate que, après avoir relevé que les "prestations dont le paiement est demandé ont été exécutées en mars 2008 et octobre 2009", la Cour d’appel a rappelé que, si "l'article L.441-3 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, impose au vendeur de délivrer sa facture dès la réalisation de la prestation de service et que, si ce texte prévoit aussi que l'acheteur doit réclamer la facture qui mentionne la date à laquelle le règlement doit intervenir, l'obligation au paiement du client prend naissance au moment où la prestation commandée a été exécutée".

Pour la Cour de cassation, il ressort de ces constatations et appréciations que la société connaissait, dès l'achèvement de ses prestations, les faits lui permettant d'exercer son action en paiement de leur prix. Elle en déduit que la Cour d'appel a exactement retenu que l'action en paiement introduite par cette société le 2 février 2015 était prescrite, peu important la date à laquelle elle avait décidé d'établir sa facture.

Pas de libre discrétion du créancier dans la fixation du point de départ du délai de prescription

Il résulte de cette décision que les règles de facturation de l’article L.441-3 (aujourd’hui L.441-9) du Code de commerce sont sans incidence sur le point de départ du délai de prescription de l’article L.110-4 du même Code : le défaut d’établissement d’une facture au moment de l’exécution de la prestation (sanctionné par une amende administrative) ne peut avoir pour effet de modifier le point de départ du délai de prescription.

La solution est logique (admettre que la date d’établissement de la facture puisse constituer le point de départ du délai de prescription de l’action en paiement laisserait au créancier la possibilité de déterminer discrétionnairement ce point de départ) mais curieuse aussi (tant que la facture n’a pas été émise, le débiteur du prix ne sait pas ce qu’il doit exactement). En d’autres termes, le créancier peut agir… mais le client débiteur ne peut pas se défendre. Ce qui explique, sans doute, que la solution ici énoncée concerne des relations entre commerçants, alors que la première chambre civile a jugé que, à l’égard d’un consommateur, le point de départ (de la prescription biennale) est fixé au jour de l’émission de la facture (Cass. 1re civ., 3 juin 2015, n°14-10.908 ; Cass. 1re civ., 9 juin 2017, n° 16-12.457). Entre commerçants (et sans doute entre professionnels), les parties en présence sont suffisamment armées, l’une pour chiffrer sa créance l’autre pour mesurer sa dette.

Le point de départ de la prescription de l’article L.110-4 du Code de commerce se situe donc au jour où le créancier connaît ou devrait connaître les faits lui permettant d’exercer son action conformément aux termes de l’article 2224 du Code civil. En l’espèce, ce point de départ a été fixé à la date de naissance de l’obligation de paiement du client, à savoir la date à laquelle la prestation commandée a été exécutée. A cette date, le prestataire connaissait "les faits lui permettant d’exercer l’action en paiement de leur prix". Cela signifie qu’il pouvait alors chiffrer sa créance et que le paiement était immédiatement exigible.

En revanche, lorsqu’un délai de paiement est octroyé au client, le point de départ du délai de prescription devrait, à notre avis, être différé d’autant pour être fixé à la date d’exigibilité du paiement (en ce sens Cass. com., 5 décembre 2018, n° 17-16.282). A défaut, la durée effective de la prescription serait amputée de celle du délai de paiement


En savoir plus sur notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d'avocats est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Notre enracinement local, notre positionnement unique et notre expertise reconnue nous permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée dans tous les domaines du droit.

cabinet avocats CMS en France

Notre cabinet d'avocats à Paris

actualité droit commercial 330x220

Actualité du droit commercial

nous contacter 330x220

Nous contacter

Auteurs

Portrait deElisabeth Flaicher-Maneval
Elisabeth Flaicher-Maneval
Counsel
Paris